Sarah Cattan. Rav Yonathan Halimi nous parle de sa mère : Sarah Halimi

Il ne m’a rien demandé. Il est la pudeur, le respect, la bienveillance incarnés. Je sais combien le principe-même d’une interview doit lui coûter : la famille de Sarah Halimi n’est pas de celles à qui on tend les micros et qui se répandent en déclarations…

Et pourtant…

Pourtant, depuis cette nuit tragique, depuis ces heures passées à questionner les pages et les pages de ce dossier si particulier, depuis la mort barbare infligée à Sarah Halimi, Juive tirée de son lit en plein sommeil, en plein Paris, pour être jetée vivante par la fenêtre après avoir été fracassée par son bourreau, depuis ces mois, ces années de traitement judiciaire inédit de ce que l’on appelle « L’affaire Sarah Halimi », et qui voudrait se clore par une prétendue abolition du discernement de l’assassin, donc par l’absence d’une Justice élémentaire rendue à cette femme, Je cherche en vain à savoir Qui elle était : Certes le premier qui en parla, le dénommé Claude Askolovitch, lança bien la légende « d’une vieille femme juive » assassinée.

C’était tout. Les avocats eux-mêmes concédaient savoir si peu de choses sur Elle.

Récemment, par le plus grand des hasards, j’avais bien eu enfin contact avec Lucia, cette femme comme tombée du ciel et qui me répondit : Moi J’ai connu Sarah Halimi. Lucia qui accepta de me parler de la Directrice de crèche à qui elle confia son enfant, cette femme au premier abord un brin austère, et qu’elle découvrit non seulement la plus attachante qui soit envers chaque enfant, mais encore femme pleine de projets à venir, femme dynamique, rien à voir avec « la vieille femme juive » du journaliste.

Certes, durant ces quatre longues années, j’avais appris à La connaître un peu, à force de travail…

Il me manquait Quelque chose. Non, me disait-on, les enfants n’accepteront jamais de témoigner, ça n’est pas leur truc, ils sont très religieux…

Et puis, Allez savoir pourquoi et comment, alors que nous approchons de cette date espérée et redoutée du 3 mars, date où la Cour de Cassation va se réunir, un coup de fil. Pour me dire que peut-être je pourrais parler à Yonathan. Yonathan, le fils de Sarah.

De Lui, j’ignorais tout. Il se disait bien que les trois enfants de Sarah étaient des êtres exceptionnels, mais je ne savais rien de plus, si ce n’est qu’ils étaient tous très religieux.

C’est pourquoi lorsqu’enfin la communication téléphonique s’établit, J’ai tenu d’abord à le remercier, puis à l’assurer – sans qu’il demande rien – que je lui ferais lire mon papier avant toute publication.

Yonathan ne savait rien de moi. Très vite j’ai compris combien Tous Ils se tenaient loin de cette presse française. Loin de nos papiers. Loin de nos tribunes

On est un petit peu écœurés de la justice française, commença-t-il. Comprenez, après presque cinq ans de « ce qu’il s’est passé », on n’a pas eu de soutien. Ni de la République, ni de la Justice. On est un peu écœurés. Ça n’a pas été signalé dans les journaux parce que ça ne serait pas en notre faveur, Mais vous comprenez ?

Je lui fais remarquer que cette injustice, il faut bien la dénoncer.

Il y a une si grande incohérence au regard de la justice, au regard de toute personne sensée, au regard de toute personne qui a un tant soit peu la tête sur les épaules et qui peut voir la Vérité, surtout lorsque Celle-là est évidente, Or jusqu’à présent, On a essayé de cacher cette Vérité, je ne saurais même pas qualifier ce qui a été fait.

Lorsque Maître Szpiner nous a reçus, en évoquant la reconstitution, il nous a dit qu’on ne pouvait pas faire ce qu’on voulait.

Même les voisins… Il y a bien eu non-assistance à personne en danger ? Ils auraient pu faire quelque chose ? Ça n’était pas un inconnu. Il y a décidément un énorme problème au niveau de la justice. Nous, nous ne sommes plus en France, mais c’est très inquiétant pour la France… En Israël, il y a bien des dysfonctionnements de la justice, mais les choses évidentes, « ils » sont bien obligés de les reconnaître. Et puis, en Israël, la non-assistance à personne en danger n’aurait jamais eu lieu. Les gens sont beaucoup plus solidaires les uns des autres…

Pour moi, poursuit-il, la sentence tombée équivalait à un permis de tuer : d’après leur raisonnement, une personne qui se drogue peut être considérée comme ayant son discernement aboli.

Un permis de tuer une juive notamment. Où est la morale ? Où sont les valeurs ? Où est le minimum de la morale ? C’est quelque chose qui est totalement immoral en plus que d’être absurde…

On est vraiment écœurés, mais on doit essayer de tout faire car c’est Extra-ordinaire, C’est Terrible que nous soyons arrivés à la Cassation. Car enfin, Où a-t-on vu que ça soit un expert qui fasse la justice ? Où a-t-on vu qu’un expert doive dire si le prévenu est coupable ou pas. Il fallait un Tribunal. Or il n’y a pas eu de Tribunal qui ait décidé : il y a eu la Juge toute seule dans son bureau. Une juge qui nous a dit dès le départ que nous n’avions pas à parler, aux journalistes notamment, parce que, disait-elle, « la Justice devait se faire au tribunal et pas au-dehors ».

Yonathan a bien compris le problème français, un peu celui devenu le sujet central au sein des Universités, il a bien compris qu’il ne fallait pas faire de vagues avec une certaine population, mais il reprend : Mais ça va se retourner contre les Français ! Nous, Juifs, on est la proie la plus facile pour les islamistes, on est soucieux, mais on veut que la Justice passe. Lorsqu’on pense à tout ce qu’a subi notre mère, c’est un Droit, c’est son Droit, c’est notre Droit, mais c’est aussi un Droit pour la France : il faut que la Justice se fasse. Il ne faut pas laisser les choses comme ça. Aujourd’hui, le meurtrier, en parfaite santé, ne prend aucun traitement, les Français ne le savent pas, il reçoit ses amis là où il est, il a un compte Facebook…

Je lui demande le plus délicatement possible s’il avait connaissance du voisinage de Sarah. Yonathan me répond sans hésiter que sa mère lui avait signalé cet énergumène : Je m’en rappelle comme si c’était hier. Il s’en était déjà pris à une vietnamienne dans l’immeuble. Et ma mère avait peur, elle avait peur, répète-t-il.

Elle a essayé de déménager. Ça ne s’est pas fait. Et puis voilà, poursuit-il.

Le Consistoire, on ne peut pas dire qu’ils ne nous ont pas aidés. Ils nous ont aidés pour les formalités. Pour faire les choses rapidement. Ce qui est très important pour nous. Ensuite, on ne les a pas trop vus. J’ignore la latitude qu’ils ont, les relations qu’ils ont, est-ce qu’ils auraient pu faire davantage…

Nous revenons à sa mère : Elle était jeune, très active, évidemment avec toutes ses capacités. Elle était connue dans le Marais, dans la communauté juive de la rue Pavée, elle a tenu une crèche pendant pas mal d’années…

Il me dit avoir quitté la France à l’âge de 17 ans, il en a aujourd’hui 40… : Je côtoie des Français, je côtoie toute une communauté française, nous aidons les Français qui viennent faire leur alyah, car en Israël on essaye d’aider ceux qui « montent », on les aide à s’intégrer…

Alors voilà, je revenais en France mais très peu évidemment. Je n’ai pas vécu en France, je ne faisais que revenir de temps en temps. Ma mère avait ce projet de venir, même si faire son alyah n’est jamais facile. Mais mes sœurs étaient alors en France, ma mère ne voulait pas s’éloigner d’elles… Les laisser en France comme ça, ça n’était pas évident pour elle…

Il ajoute : Ici, la presse a beaucoup parlé de « l’affaire », à chaque rebondissement elle en reparle, et l’an passé, lorsque Monsieur Macron est venu, la presse a encore parlé de « ce qui est arrivé ». Moi, la presse française, je suis cela de loin… Aujourd’hui, si l’on n’obtient pas la Cour d’Assises, ça sera très malheureux, ça sera l’erreur judiciaire française du siècle, ce sera un Grand Malheur pour la France surtout…

Je ne sais pas si les Français sont conscients de ça, si la presse générale en parle, si elle en parle suffisamment…

Jonathan me dit avoir des enfants dont l’âge va de trois à 16 ans : Ils ont connu leur grand-mère, elle était très proche d’eux, venait souvent, privilégiait la parole avec eux, elle cherchait et savait établir le contact avec ses petits-enfants, elle communiquait, elle rigolait, elle sortait le shabbat avec mon aîné, se promenait avec lui, elle était très proche d’eux, aimait beaucoup tous ses petits-enfants… Alors, après, quand « ça s’est passé », c’était une tragédie. Il n’y avait rien à cacher.

Yonathan m’explique que Oui, c’est la foi qui les fait tous tenir: Sans ça, on n’aurait pas pu tenir.

Nous revenons à Sarah Halimi : Ma mère était quelqu’un pourvu d’une très grande sensibilité vis-à-vis d’autrui, elle était particulièrement attentive à l’autre, et, d’un autre côté, elle était, paradoxalement, très forte. Elle reprenait toujours le dessus, le devant, jamais elle ne se brisait. C’était toujours elle qui nous entraînait, qui nous accompagnait, elle était le pilier, lorsque nous avions des difficultés, elle nous apprenait à ne jamais nous laisser abattre, elle était là, toujours en train de nous conseiller, elle s’intéressait aussi aux autres qui étaient en difficulté, elle essayait toujours. Par exemple, dans sa crèche, elle était particulièrement là pour les enfants en difficulté, pour tous les enfants, mais aussi pour les parents… Elle les guidait, il y aurait beaucoup d’anecdotes à raconter… Sa méthode par exemple, bon… Eh bien voilà…

Il réfléchit à haute voix, on voit bien que la chose le hante, l’obsède : Malgré cette force, bien sûr qu’elle a dû avoir très peur : dans votre sommeil, vous vous rendez compte ? Il n’est pas venu en plein jour, il n’est pas venu un après-midi, il est venu dans son sommeil. Est-ce que vous réalisez la lâcheté ? Il est venu en pleine nuit, à des horaires qui ne sont pas des horaires normaux…

La vérité, je ne la sais pas, bien sûr. On m’a dit qu’au début, il y avait des civils qui voulaient intervenir, mais qui ont été empêchés car la police pensait qu’il s’agissait d’un acte terroriste. Et c’est là le grand paradoxe, : ils ont pensé que c’était un attentat islamiste, terroriste, et après, grand paradoxe, on nous dit : « Non, c’est un fou ».

Lui n’a rencontré la Juge qu’une ou deux fois. Je lui dis mon sentiment qu’elle aurait un peu … protégé le meurtrier. Il me répond : « Oui… un peu beaucoup… » Il ajoute avoir vu la juge assez agressive face à une avocate… Il explique : Bon… si on devait la juger, elle… Il convient qu’elle a tout de même une grande responsabilité dans le déroulé de l’instruction et des conclusions. Il a beaucoup de doutes sur le fait qu’un jour cela puisse être dénoncé… Il connaît les manquements de l’Instruction, il sait que la Mosquée Omar était connue pour ses accointances Salafistes. Il conclut, concernant la Juge : Si elle nous écoutait ? Elle n’était pas dans le sujet, elle n’a jamais essayé de comprendre, elle nous a bien posé quelques questions sur la personnalité de ma mère, mais elle n’a pas cherché plus loin que ça…

Heureusement que le frère de ma mère est là, C’est un monde que nous nous ne connaissons pas, Il est là pour nous conseiller. Il me répète : C’est un vrai combat, Un vrai combat.

Je lui demande ce qui aura manqué, à leurs yeux, pour les aider. Il me répond : Pourquoi on en est arrivé là ? On croit qu’on est bien représentés, et c’est peut-être la Justice qui est tordue en France.

Il a bien compris le déni qui existe en France, et tout ce qu’il permet, notamment concernant l’antisémitisme : Nous, On ne veut pas que ça puisse recommencer.

Il revient sur l’Affaire : Traoré avait la juge pour lui et c’était mieux qu’un avocat.

Il pense qu’ils ont eu de bons avocats, qui étaient à leurs côtés, mais il ajoute : Je ne peux pas vous dire, Ce n’est pas un monde que je connais, Aurait-il fallu être plus agressif… Par ailleurs, le problème, c’est que la Communauté juive est une petite minorité, On ne représente aucune menace… On ne tue personne, ça n’est pas dans notre ADN… On est légaliste, On a des valeurs morales, et tout ça, ça ne compte pas…

Le comble de tout, c’est qu’il me remercie. Il remercie à travers moi Vous tous, Vous qui les avez soutenus.

On se quitte en convenant d’attendre la décision de la Cour de Cassation…

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1 Comment

  1. En effet, c’est à se demander si le principe de l’irresponsabilité pénale des dérangés du cerveau a vraiment un sens: qu’est-ce que la société y gagne à laisser en liberté des fous violents? Le combat contre l’absurde sera long, mais il en vaut la peine. Bon courage à tous et sachez que l’on vous soutient!

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