Division avenue de Goldie Goldbloom

C’est l’histoire de Surie Eckstein une Juive hassidique, femme de rabbin, qui vit à Williamsburg, dans le quartier des juifs orthodoxes de New York.

À 57 ans Surie, mère accomplie de 10 enfants, mène une vie paisible auprès de sa famille. Alors qu’elle s’apprête à devenir arrière grand-mère, elle découvre qu’elle est enceinte.

Si la maternité constitue le destin et l’orgueil des femmes juives ultraorthodoxes, l’héroïne est bouleversée par cette grossesse hors norme, qui plus est de jumeaux.

Oscillant entre honte et culpabilité, on se demande, le cœur serré, si Surie va annoncer sa grossesse, car passé un certain âge, elle sait que cette annonce risque de bouleverser sa vie et celle de sa famille.

Se préservant des regards inquisiteurs, elle décide de ne pas en parler à son mari, sur le point de prendre sa retraite, ni à ses enfants, son embonpoint l’aide à camoufler ses rondeurs naissantes. Au secret de son état, s’ajoute celui de la mort de son fils. Les souvenirs remontent pour dérouler l’histoire d’une relation qu’elle garde secrète, faite de non-dits, d’incompréhension avec son fils Lipa homosexuel rejeté par sa famille et retrouvé pendu. Comment être à nouveau mère quand on n’a pas su préserver son enfant ?

Dans ce roman à l’écriture dense et détaillée, truffé de mots yiddish, on y découvre des actes de pédophilie exercés par le psychologue de l’école religieuse, de plaintes non prises, d’examens médicaux non réalisés, le personnel de l’école non entendu, tout est étouffé pour ne pas créer de scandale au sein de cette communauté « protégée »et qui vit en vase clos, avec ses codes spécifiques.

On s’intéresse autant aux débats intérieurs de Surie qu’à ses rencontres et ses nouvelles activités.

Mais cette grossesse très à risque l’oblige à se rendre à l’hôpital toutes les semaines. Elle découvre un monde parallèle, un monde profane.

Cet intermède dans le monde hospitalier, ou elle apprend, guidée par la sage femme qui l’a à aidée à mettre au monde ses autres enfants, a mieux connaître son corps, à rassurer les femmes de sa communauté qui n’osent, enceintes, se faire examiner, à parler de sexualité, elle prend du plaisir à découvrir les livres et à apprendre le métier d’apprentie sage femme, vient chambouler ce petit monde et fait envisager à Surie un avenir ailleurs.

L’auteure a su dresser avec beaucoup de pudeur, les conditions de vie d’une femme dans une communauté ultra-religieuse, réfractaire au changement et qui regarde d’un autre œil le monde dans lequel elle a toujours vécu. L’héroïne s’indigne de l’injustice et de l’hypocrisie qui l’entoure et transgresse sur le tard, les règles de sa communauté.

Comment se défier de ses croyances dans un monde de progrès qui irait vers « l’avant » ? mais la réalité est toute autre, ce rêve d’émancipation restera à jamais inaccessible, mais une brèche est ouverte. On ne peut qu’espérer que le fossé qui se creuse entre religieux et profane puisse se rétrécir

Un roman sensible et piquant. Une histoire d’un autre siècle d’un autre monde. Ce livre apporte un éclairage différent sur le monde orthodoxe et la place de la femme, l’ensemble s’entrecroise à merveille.

Goldie Goldbloom est juive hassidique, mère de huit enfants et militante pour les droits des personnes LGBT+.

Division Avenue, de Goldie Goldbloom, traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Eric Chédaille, éditions Christian Bourgois, 355 pages, 22 euros.

Sylvie Bensaid

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3 Comments

  1. C’est effectivement un très beau livre et une très belle histoire dont la fin reste en suspens de mon point de vue.
    Le livre décolle petit à petit et il faut un peu s’accrocher mais après l’histoire se déroule et gagne en intensité notamment la relation avec son fils disparu …

    • J’ai lu ce livre dernièrement et j’ai été touchée par l’héroine ,cette femme de tradition orthodoxe qui va se battre pour avoir une vie à elle,en apportant son aide et son expérience aussi bien dans un hopital que dans la sphère privée; tout en étant dans le doute quant à son avenir, j’ai eu la certitude qu’elle ne ferait que des bons choix.

  2. OUi vous avez raison mais ce livre nous éclaire sur la vie des femmes ultrorthodoxes et leur désir d’émancipation
    Ce n’est pas simple de jeter un autre regard sur sa vie , Surie a eu elle la force et le courage d’aller à l’encontre de certains tabous et préjugés, elle jette quelques pierres….
    C’est un livre tres bien écrit plein d’amour et de tendresse

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