Avant toute chose, il faudrait commencer par lire la lettre ouverte de Didier Lemaire, publiée le 1° novembre par le Nouvel Obs. (Journal d’extrême droite comme chacun sait ) Parce que c’est cette lettre qui est au commencement. C’est elle qui a allumé la mèche qui a mis le feu aux poudres.
Alors maintenant, on entend en boucle « Il ne faut pas stigmatiser, il ne faut pas stigmatiser »
STOOOOOOP …
Un professeur de philosophie qui enseigne depuis 20 ans dans ce lycée de Trappes parle d’abord du fait qu’il devient impossible d’enseigner la philosophie dans certaines classes. Avec certains élèves. Littéralement “schizophrènes”, coincés entre deux loyautés, la loyauté envers leur famille, leur religion et leur loyauté à l’égard de l’école.
Cela vous est arrivé de faire un cours honorable et intéressant sur la religion (c’était au programme et maintenant carrément, il y a “Dieu”. Aïe ! ) avec des élèves de 17/19 ans majoritairement intoxiqués par l’islamisme ?
Moi, j’ai essayé. Zut ça n’a pas marché ! En 2009. Et à moment donné, pas mal lâchée par une administration aux ordres des parents d’élèves de la FCPE : faut pas sanctionner. C’est raciste… Et d’ailleurs “Pourquoi vous ne faites que des textes d’auteurs juifs” ?
Par hasard, cette année là, j’avais commencé par un texte de Freud sur science et religion, puis un texte de Spinoza sur le sens du mot “vérité”, puis Bergson sur la vérité. Ce dernier je venais de le dénicher, j’étais ravie. Ah bon, il avait des origines juives Bergson ? Et certes. Mais qu’est-ce que cela vient faire, l’origine d’un philosophe quand il s’agit de comprendre et de réfléchir sur ce qu’il a écrit ?
Alors j’ai jeté l’éponge. Je suis passée en congé 5 mois et j’ai attendu ma mutation, devenue inévitable pour cause de barème élevé. J’ai même eu mon 1° choix. Et j’ai retrouvé pour quelques années le plaisir d’enseigner. Avec des hauts et des bas, mais c’était possible, parfois enthousiasmant. J’étais désespérée d’abandonner ainsi. Le pire c’est que l’une de mes classes était vraiment sympathique, agréable, plutôt très sérieuse. Un crève-coeur de les laisser. Mais je n’en pouvais plus.
Didier Lemaire , c’est d’abord un homme désespéré. Un homme qui reçoit un tombereau d’insultes et de menaces parce que, traumatisé par l’assassinat de S.Paty, il a décidé de monter au créneau. De dire ce qu’il lui arrivait, de faire savoir qu’enseigner la philosophie dans ce genre de contexte est une gageure impossible. Au lieu de se contenter de demander une mutation qu’après vingt ans dans l’EN et dans le même établissement il aurait eue, les deux doigts dans le nez.
C’est en 2021, à Trappes dans des temps où l’on menace et assassine des professeurs.
Moi, c’était en 2009. Dans un lycée médiocre de Paris. Je ne témoigne que pour qu’on comprenne bien que ceux qui insultent aujourd’hui ce professeur, en allant jusqu’à le traiter de menteur , de paranoïaque , sont eux-mêmes les pires menteurs que nous ayons.
Car ce que vit ce collègue n’a rien de nouveau, ni d’exceptionnel. Sans être la règle générale, heureusement. Ce qui est exceptionnel, c’est qu’il ait décidé de se battre. De ne pas se taire.
Déjà un professeur de philosophie avait été l’objet d’une fatwa et avait dû être protégé puis changer de vie, se cacher en son propre pays, parce qu’il avait écrit un texte dans un journal, qui comparait l’oeil de Moscou et la surveillance islamiste. Il s’appelait Robert Redeker. Au moins je l’avais publiquement soutenu avec quelques collègues.
Didier Lemaire a besoin de solidarité, de prise en compte d’un problème qui ne cesse d’empirer depuis 25 ans au moins.
Oserais-je dire, une fois de plus, qu’on fait porter sur la victime le poids de la faute ?
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