Un livre sur Léon Blum ? Aujourd’hui ?

En quoi ce livre sur la vie de ce grand homme d’Etat peut-elle éclairer notre époque ? L’auteur du livre, Frédéric Salat-Baroux, ancien secrétaire général de l’Elysée sous Jacques Chirac (2005 à 2007), et époux de sa fille, répond (1) ; “ Avant d’être l’homme du Front populaire, Blum est un héros de roman. Comment passe-t-on de l’intellectuel mondain, ami de Proust et de Gide, à l’homme de fer du socialisme, qui se dresse, en 1920, face à Lénine, pour s’opposer à la dérive dictatoriale du bolchévisme. Cette recherche est le sens du livre…

OK ! Mais alors, pourquoi un homme de droite comme lui a-t-il choisi d’écrire un livre sur cet homme de gauche, disparu il y a cinquante ans ? Frédéric Salat-Baroux répond (2) : “ J’ai la passion de l’histoire et des personnalités qui incarnent l’identité française . Après avoir écrit sur de Gaulle, je me suis intéressé à Blum, d’abord comme un héros de roman. Mais très vite, on touche à l’essentiel, ce qu’il incarne : l’idéal de justice, qui est au cœur de notre identité. Ensuite, il y a la plongée dans le socialisme. Il est assez passionnant, quand on vient d’une autre famille politique, de prendre la mesure de sa dimension quasi religieuse, de la part de l’idéologie, et de son aspiration unitaire. Il y a aussi le voyage dans cette Belle Époque si mal nommée, l’affaire Dreyfus, la rencontre avec Jaurès en 1897, qui lui fait découvrir le socialisme (Jaurès sera l’unificateur des socialistes français jusqu’à sa mort le 31 juillet 1914, AC). Je n’ai pas voulu en faire un portrait balancé.” Bref, Frédéric Salat-Baroux a eu raison d’écrire son livre intitulé “BLUM Le Magnifique” (3). C’est formidable ! Pour plusieurs raisons.

On y redécouvre Blum (1872- 1950), l’humaniste socialiste, qui, dans le prolongement de Jean-Jaurès, tente à travers tous ses écrits de concilier justice, transformation sociale, République et humanisme. Une forme de synthèse entre marxisme et principe démocratique, réforme et révolution, Etat de droit et progrès social. Doté d’une immense lucidité , Blum dénonce le “raciste hitlérien” aussi bien que la “dictature de Moscou ». A la sortie de Buchenwald où il fut enfermé avec Georges Mandel, qui sera assassiné par la Milice, Blum publie, en 1945, « À l’échelle humaine, un plaidoyer pour des valeurs fondamentales. « L’essence de toute révolution réside dans la nature des buts qu’elle se propose et des résultats qu’elle obtient, non pas dans la nature des moyens que son action affecte”. Alors que le stalinisme se propage partout en Europe, ce texte restera une référence.

Il y a aussi, Blum, le penseur de l’Etat. Pour lui, un Etat fort et émancipateur ne se conçoit qu’au sein d’une démocratie forte. Blum, redoutable tribun quand il est élu député en 1919.

Blum, amoureux fou de la République. Hai parce que juif, Blum subit toute sa vie l’antisémitisme. Le 13 février 1936, sa voiture est attaquée par des nationalistes d’extrême droite à sa sortie de la Chambre des députés. “A mort Blum” hurle la foule. Il est roué de coups et n’évite le lynchage que grâce à l’intervention de la police et de passants qui ont accourus. Trois mois plus tard, la France se donne, en toute connaissance de cause, un président du Conseil Juif et socialiste. On est là, au cœur de la grandeur et du mystère français. Blum a choisi de se mettre au service de l’Etat pour affirmer son admiration et sa reconnaissance envers la France. Sans doute une allusion aux origines juives tunisiennes de Frédéric salat-Baroux, devenu lui aussi conseiller d’Etat. S’il ne devait retenir qu’une phrase de ce dirigeant au grand cœur, ce serait celle, prononcée à propos des Allemands, au sortir de la seconde guerre mondiale, pendant laquelle un de ses frères est mort gazé dans le camp d’Auschwitz : “Il n’y a pas de peuple prédestiné au mal.” “C’était un être d’une humanité débordante” plaide l’avocat Frédéric Salat-Baroux. Son livre offre, de Léon Blum,un portrait inédit et passionnant , tout à la fois psychologique, intellectuel et politique. Il replace son parcours dans celui d’une génération de juifs européens, entre littérature et socialisme, et éclaire cette passion juive pour la France, dont Léon Blum est le plus brillant et le plus émouvant représentant. Oui, un livre à lire (4) pour oublier l’angoisse de notre époque présente !!!

Alain Chouffan

(1)Actualité Juive. 7 janvier 2021.
(2)L’OBS. 4 février 2021
(3) Edition L’Observatoire.
(4)Sans oublier celui de Jean Birnbaum tout aussi passionnant. Léon Blum, un portrait, Seuil 2016.

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