Maroc-Israël : pour une analyse constructiviste-réaliste

Le Maroc vient de réussir un coup diplomatique : la normalisation des relations avec Israël et, simultanément, la reconnaissance par les États-Unis du Sahara marocain. Il a conforté sa position en Afrique et ravivé son alliance historique avec Washington. Cette réussite a donné lieu à des commentaires peu amènes affirmant le caractère non-démocratique de la décision, le mécontentement d’une partie de la population marocaine, l’abandon de la Palestine et le ralliement du Maroc à une coalition mêlant les États-Unis, l’Égypte et les États du Golfe, sorte de Sainte-Alliance des États conservateurs. C’est ainsi que l’analyse développée par Thierry Desrues dans Le Monde défend les trois premiers points, de même que celle d’Omar Brousky dans Orient XXI. L’entretien accordé par Pierre Vermeren au Monde esquisse un pas dans le sens du dernier point en évoquant « les alliances de la Guerre froide ». On retrouve ces quatre points exprimés par d’autres commentateurs avec des variantes. Il y a deux façons de les considérer : comme des prises de positions ou des analyses. S’il s’agit de prises de positions, au sens de l’expression d’une préférence ou d’une détestation inconditionnelle, il n’y a pas grand-chose à en dire. Chacun peut chérir des illusions. En revanche, s’il s’agit d’analyses, elles entretiennent des relations obliques avec la réalité.

La politique étrangère du Maroc est guidée par des intérêts nationaux définis notamment en termes d’identité de rôle et de sécurité

S’il est une chose partagée, c’est que les États conduisent des politiques conformes à leurs intérêts nationaux. Le plus souvent, lorsqu’ils s’en écartent, c’est que des considérations de politique intérieure surdéterminent la politique extérieure ou qu’une posture idéologique est préférée à un positionnement réaliste. Il n’en découle généralement rien de bon. Au titre de la surdétermination de la politique extérieure par la politique intérieure, on citera la politique migratoire de la plupart des État européens et de l’Union européenne, motivée principalement par des enjeux électoraux liés aux partis d’extrême droite, et qui nuit à la réputation et, partant, aux intérêts des États qui s’y livrent ainsi que, globalement, à ceux de l’Europe.

Quel est l’intérêt national du Maroc : la reconnaissance de ses frontières au sud par une puissance internationale ou le maintien d’un statut quo, assez superficiel du reste, avec Israël, en raison d’un conflit dont il n’est pas directement partie ? Préférer la deuxième possibilité serait irrationnel. Il reste donc à se demander au nom de quelles raisons le Maroc devrait conduire une politique irrationnelle, laquelle, par ailleurs, ne profiterait pas davantage à la cause palestinienne. Ici, les contempteurs de la position marocaine ont tendance à mettre en porte-à-faux les artisans de cette politique et la population.

C’est ce que fait, par exemple, Thierry Desrues en indiquant que « le Maroc de Mohammed VI se met à dos une partie de l’opinion publique ». Pour soutenir son point de vue, il s’appuie sur quelques déclarations de coalitions associatives de gauche et d’organisations islamistes conservatrices. Il oublie, ou ignore, que ces organisations ne sont pas représentatives de tous les défenseurs des droits humains. Il en est de même des organisations islamistes conservatrices ayant critiqué la normalisation : elles ne parlent pas unanimement pour cette tendance, ni pour l’ensemble du Parti Justice et Développement (le parti du Chef du Gouvernement) et encore moins pour les électeurs de celui-ci. L’auteur de l’article cite l’organisation salafiste Justice et Bienfaisance comme partie significative de la liste des protestataires. Comment l’opinion d’un acteur représentant une tendance marginalisée au Maroc et combattue en Europe devient-elle soudain digne d’être prise en compte pour critiquer un choix diplomatique marocain, en tant que représentative de l’opinion publique du pays ? L’auteur aurait-il pris en compte de la même manière l’opinion des lefebvristes pour invalider un choix diplomatique du Gouvernement français ? On peut en douter. Le salafisme deviendrait-il l’arbitre de la légitimité des politiques marocaines ?

De fait, les acteurs et les collectifs qui ont critiqué la normalisation des relations entre le Maroc et Israël ne représentent aucune majorité cohérente. Ils confondent l’idéologie sioniste, la religion hébraïque et l’Etat d’Israël, et assimilent tout citoyen israélien à un ennemi : c’est en soi une posture ignorant une partie de l’histoire et la diversité culturelle et politique d’un peuple ainsi que la diversité culturelle et politique du Maroc. Surtout, les tenants de cette posture ne considèrent pas l’opportunité diplomatique de jouer justement un rôle actif et positif dans la médiation du conflit en faveur des droits des Palestiniens. Par ailleurs, la normalisation des relations avec Israël n’est pas une attaque contre la Palestine, les Palestiniens et leur juste revendication d’un Etat souverain, sinon il faudrait admettre que tous les Etats qui entretiennent des relations diplomatiques avec Israël ne souhaitent pas voir émerger une Palestine souveraine, ce qui n’est pas le cas. Le propre de la diplomatie, c’est, d’abord, de maintenir des relations normales dans les situations de désaccord, parce que la résolution des désaccords implique un consensus réciproque sur la respectabilité des parties qui s’opposent.

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1 Comment

  1. L establishment français n a pas changé depuis giscard qui deja deplorait la paix avec l egypte , la haute bourgeoisie empetrée entre son antisemitisme visceral et ses interets financiers se retrouve desormais dans le meme camps que les islamistes et le reste du tiers mondisme d apres guerre dans le combat douteux contre Israel et ses partenaires de paix , le Maroc est tres bien piloté depuis des decennies par une classe dirigeante puissante et efficace qui nous prouve une fois de plus qu elle fait les bons choix .

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