Jamais le propos du plus turbulent des philosophes des Lumières n’aura autant résonné avec notre époque : Qu’il se dresse contre le fanatisme religieux, qu’il se batte contre l’arbitraire de la Justice ou contre l’arbitraire politique, il est d’aujourd’hui, nous dit Georges-Marc Benamou, Co-créateur avec Alain Tasma et producteur de la série « Les aventures du jeune Voltaire« , diffusée à dater du 8 février sur France 2.
Comment nier que celui qui fut l’une des plus belles plumes de l’histoire de la France est en effet résolument d’aujourd’hui, quels que soient les sujets qu’il aborda.
C’est à celui qu’il qualifie de formidable aventurier que Georges-Marc Benamou a voulu rendre hommage : C’est l’aventurier de l’esprit, c’est un conquérant, c’est un homme d’affaires, un homme qui fait des duels, un amoureux, un libertin. Un homme qui jouera aussi un rôle pour « casser la monarchie, qui était un plafond de verre insupportable ».
C’est encore et peut-être surtout l’Homme de convictions qui résonnent si fort aujourd’hui, de par des engagements auxquels Voltaire se voua dès son plus jeune âge, qu’il s’agît du fanatisme religieux, de l’arbitraire de la Justice ou de l’arbitraire politique.
Le Voltaire mis à l’honneur aujourd’hui a les traits insolents et déterminés que lui donna Fantin-Latour. C’est le flamboyant défenseur de la Tolérance et de la Liberté à l’orée de la Révolution française, le héros épique que nos auteurs nous proposent de découvrir, à l’aune de ses écrits dont chacun sait l’intelligence acérée mais encore d’une vie résolument romanesque et faite de choix existentiels.
Personnage éminemment complexe, Voltaire a notamment érigé la vertu au rang de devoir en en faisant une notion inaliénable, intouchable, intimement obligée, éternelle, et Alain Tasma comme Georges-Marc Benamou conviennent, lors d’un entretien accordé à Christophe Kechroud-Gibassier, avoir voulu s’attaquer à cette grande figure française par sa face la plus inattendue, afin de casser le cliché du vieux philosophe retiré à Ferney, d’incarner Voltaire en lui rendant sa force, sa jeunesse et sa puissance subversive (un historien a dit : le véritable Voltaire, c’est un Coluche des Lumières) et de proposer à la fois un spectacle mêlant l’ambition, le libertinage, l’aventure, les combats politiques.
Alain Tasma pour sa part ajoute avoir voulu éviter le danger du cliché selon lequel un monument aussi écrasant que Voltaire, lié à l’école, à une culture obligatoire, était donc a priori vaguement ennuyeux. Il s’agit moins d’illustrer les écrits de Voltaire que d’en faire un être humain. Et le but est de divertir, dans le bon sens du terme (c’est-à-dire pas de faire diversion) : amuser tout en enseignant, ajoute-t-il.
Pour info, Alain Tasma insiste sur le fait que l’initiative du projet revenait à Georges-Marc, convaincu de l’incroyable actualité de Voltaire, et même du retour de Voltaire, dans une époque de réveil des fanatismes de tous bords.
Il n’y a en effet pas un jour sans qu’un article de presse ne le cite ou y fasse référence et Quand on entend les vers de La Henriade, on ne pense plus guère à la Saint-Barthélemy, en revanche, cela projette instantanément des images très puissantes des drames actuels à travers le monde.
La série se conjuguant en 4 épisodes de 52 minutes, Georges-Marc Benamou explique qu’il était donc impossible de traiter de la vie entière de Voltaire : les années de jeunesse nous ont semblé plus intéressantes à traiter en tant que telles, puisque le Voltaire de l’affaire Calas, de Zadig ou Candide est plus connu et fait partie de notre patrimoine culturel. […] Ce qui nous intéressait était moins de raconter comment on est Voltaire que comment on devient Voltaire. C’est ce devenir, cette mue, cet itinéraire qui sont cinématographiques, romanesques, actuels. Comment un jeune poète un peu vaniteux qui ne rêve que d’être le roi de la scène théâtrale, qui ne cherche que la reconnaissance et les honneurs bascule peu à peu dans l’engagement contre l’absolutisme et le fanatisme. Et un engagement bien réel : il ne fait pas que combattre par la plume, il se met physiquement en danger. Pour autant, ce n’est pas un saint homme, ce n’est pas une icône. Il est plein de défauts, il est agaçant, contradictoire, arriviste, mais aussi curieux, généreux, d’un grand courage. C’est tout cela qui le rend incroyablement attachant. Et je dois dire qu’Alain a trouvé une formidable incarnation en Thomas Solivérès, qui apporte au personnage ce mélange de jeunesse, d’impertinence, de grâce, de fragilité, d’opiniâtreté.
Enfin, ladite série n’est pas un portrait de plus d’une grande figure historique : Georges-Marc Benamou rappelle combien à cette époque Sur le plan politique : on est courtisan ou rien. Religieux : il faut plier devant les principes de l’Église catholique. Social : il est impensable de sortir de sa classe et Alain Tasma insiste sur les amitiés nouées à Louis-le-Grand par Voltaire, notamment avec le duc de Richelieu : il nous semble que Voltaire a bien compris comment ces gens pouvaient aider son ascension sociale. L’importance des réseaux, ça aussi c’est très moderne. Il comprendra ensuite que cela a ses limites, mais disons que sa grande intelligence lui permet de comprendre la société dans laquelle il vit… jusqu’au moment où sa personnalité refuse de se plier à ses codes. Au fond, au cours de ces quatre épisodes, on ne cesse de lui répéter : « Arrête, tu ne peux pas aller plus loin. » Sa réponse est toujours : « Je ne l’accepte pas. » C’est un refus personnel, épidermique, pas un refus intellectuel. Pas encore. C’est peut-être cela, devenir Voltaire : mettre son ambition personnelle au service de quelque chose qui la dépasse.
Sur France 2. Les lundi 8 et 15 février prochains. Les Aventures du Jeune Voltaire, série signée par Alain Tasma sur un scénario d’Alain Tasma, Georges-Marc Benamou et Henri Helman. Thomas Solivérès incarnera le jeune François-Marie Arouet et Bernard Le Coq le Voltaire plus âgé.
Auteur, Journaliste et Producteur de cinéma, Georges-Marc Benamou a notamment été scénariste du Promeneur du Champ de Mars et co-scénariste de Alias Caracalla.
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