Faux Monet et vraie escroquerie : des centaines de tableaux contrefaits

Des centaines de contrefaçons, des millions d’euros en jeu… Des policiers parisiens spécialisés dans le trafic de biens culturels sont sur le point de boucler la « plus grosse affaire de faux tableaux de la décennie ».

C’est notamment une contrefaçon de « Pont à Giverny », de Blanche Hoschedé Monet, qui a permis aux enquêteurs de démanteler le réseau de faussaires. DR

C’est une histoire rocambolesque et sulfureuse du marché de l’art : 250 faux tableaux XIXe et XXe siècles, avec à la tête de ce trafic, un cerveau, et autour, des amateurs d’art arnaqués, des faussaires talentueux, un couple de commissaires-priseurs véreux, de faux intermédiaires qui grenouillent autour des salles des ventes et des galeries parisiennes, des hommes de paille, un expert « à qui on ne la fait pas », un avocat tenace et les fins limiers de l’OCBC (Office central de lutte contre le trafic des biens culturels) à Paris, les flics de l’art.

Aujourd’hui, à Paris, leur enquête est « presque bouclée ». « Il y a encore des choses à préciser et le volet international à traiter », indique une source proche du dossier.

Les faussaires se sont volatilisés en Europe de l’Est

Au parquet de Paris, ce dossier insolite, toujours en cours d’instruction, est sur le bureau d’un magistrat. Quatre personnes — le cerveau, le couple de commissaires-priseurs et le chef des faussaires — sont mises en examen. Les faussaires, eux, se sont volatilisés en Europe de l’Est. Il y a un mois, un quatrième protagoniste, « un intermédiaire », selon une source policière, a été interpellé par les enquêteurs de l’OCBC et placé en garde à vue.

Cette affaire à tiroirs commence il y a neuf ans ! « J’ai un client qui m’approche, se souvient Jean Aittouares, l’avocat parisien, spécialiste du marché de l’art, en charge de ce dossier. Il a acheté un tableau, Le pont japonais à Giverny, dans une salle des ventes du Havre 66 000 euros. Il a des doutes sur l’authenticité de cette toile de style impressionniste, signée Blanche Hoschedé Monet (1865-1947) ».

L’artiste, surnommée le double de Monet, est la belle fille du peintre Claude Monet à deux égards… Sa mère a vécu avec le peintre à Giverny. Et dans un deuxième temps, Blanche épouse son fils Jean, avec en sus, l’inspiration impressionniste… La jeune femme deviendra le modèle du maître, puis peintre elle-même.

« La peinture est fraîche. Le châssis est neuf »

A Paris, l’avocat et un expert du quartier Drouot (IXe) se penchent sur l’affaire. Ils décident de piéger le cerveau, un quinquagénaire, qui lui-même grenouille comme expert et marchand dans le quartier Drouot. « On s’est débrouillés pour le fait venir chez l’expert, confie Jean Aittouares. L’expert a regardé ce Pont de Giverny censé être du début du XXe. Sa sentence est tombée sans appel : La peinture est fraîche. Le châssis est neuf ». L’escroc s’est décomposé. L’enquête était lancée.

Les policiers de l’OCBC — ces spécialistes chargés de la recherche des œuvres d’art volés à des particuliers ou des institutions culturelles, ainsi que de la détection de contrefaçon, tromperie et escroquerie — ont été saisis du dossier.

Un pactole de 15 millions d’euros

Ils ont identifié d’autres victimes, remonté la filière qui opérait entre Paris, les galeries parisiennes, la salle des ventes de Drouot mais aussi à Reims (Marne) et au Havre (Seine-Maritime). A Reims, les policiers vont découvrir l’atelier des faussaires et… 600 tableaux. Ils vont en saisir 250.

« Cette histoire, résume maître Aittouares, c’est le casse du siècle ! ». Ce que confirme un policier : « C’est la plus grosse affaire de faux tableaux de la décennie ». Le business était juteux. « A raison de centaines de tableaux revendus entre 10 000 euros et 100 000 euros, ça fait un pactole de près 15 millions d’euros », calcule cette source.

Des dizaines de victimes n’ont pas porté plainte

Le filon était bien choisi. « Les escrocs ne copiaient pas des Picasso, décrypte un spécialiste, mais des peintres intermédiaires comme Blanche Hoschedé Monet ou le postimpressionniste Henri Martin (1860-1943). C’était plus discret ! Et plus facile à écouler. C’est comme des faux-monnayeurs qui tenteraient d’écouler des billets de 500 euros à la caisse d’un supermarché. Des coupures de 10 euros, ça passe mieux ». « Enfin, recadre un policier, ils se rattrapaient sur le volume. »

Reste que dans la nature, il y a, selon une source proche de l’enquête, des dizaines de clients arnaqués qui n’ont pas porté plainte et ont décidé de garder le silence.

Source : Le Parisien

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