Dans les pays où ils sont minoritaires, les musulmans sont obsédés par les droits des minorités. Dans les pays où ils sont majoritaires, les minorités n’ont plus aucun droit.
Résumons pour les esprits faibles : Insultes à L’islam est puni par la loi. Si un Occidental le fait, au mieux, il est emprisonné, au pire, il est décapité.
Mais insultes à la chrétienté et à la judaïté ou au bouddhisme ou l’animisme, c’est courant, Hallal, cela se fait chaque vendredi, dans les mosquées, les livres les médias et les cafés.
Interdire un minaret en Europe est signe d’islamophobie. Mais interdire la construction d’une église ou d’une synagogue ou d’un temple n’est pas un délit ni du racisme. On peut même les brûler ou les détruire ou empêcher leur restauration comme l’ont fait les conquérants.
Évoquer les origines par la peau, l’accent, le mouton de l’Aïd c’est du racisme. C’est puni par la loi, et est signe de décadence, d’intolérance et de rejet de l’Autre. De fascisme.
Mais traiter les Subsahariens comme des maladies de peau, les accuser de pédophilie dans les journaux algériens genre Echourouk, les accuser de délinquance et de vols, c’est de la routine, du “normal” , c’est évident, c’est “vrai”.
Un Algérien ou un “arabe ” ou un musulman a le droit de porter le voile en Europe, le Kamis, la barbe.
Mais un chrétien ou un bouddhiste n’osera jamais porter la soutane dans nos villages, dans nos quartiers populaires, dans nos espaces. Il sera lynché ou accusé de prosélytisme. Arrêté par la police, présenté et incarcéré. Puis expulsé. Et s’il est algérien, il sera formaté, sermonné par le juge ou mis en prison.
Fêter noël c’est haram, interdit, signe de colonisé et d’assimilé quand c’est fêté chez nous. Mais fêter l’Aïd chez Eux, chez le reste de l’humanité, égorger les moutons est un droit d’être libre et de célébrer ses calendriers dans le cadre de la démocratie.
Dénoncer l’islamophobie est à encourager, c’est légitime et cela est de bonne guerre. Mais écrire ce qui précède est signe que vous êtes pro-occidental, pro-juif, contre l’Islam, Allah, la Palestine et la nation. Et que vous voulez la bénédiction des Ennassara, des juifs ou des prix et des distinctions.
Attendre un mois pour un visa est la preuve de l’Occident qui se referme, qui interdit la libre circulation. Mais attendre trois mois pour un visa vers l’Algérie est une chose admissible et qu’on n’a pas à dénoncer.
Se voir interdire de porter la burqua ou le voile est signe d’intolérance et de dérive chez le reste de l’humanité, mais il est naturel donc de se voir interdire un prénom occidental, une croix ostentatoire à l’entrée d’une mairie ou une calotte chez nous. Et ne parlons pas de la Kippa.
Et la liste est longue. Un certain ethnocentrisme a habitué les cafés maures et les élites de notre planète d’Allah à la commodité du point aveugle. Il est facile, confortable, plaisant d’accuser l’Occident et le reste de l’humanité de nos défauts, maladies et névroses et on s’accommode de ne pas les dénoncer chez nous. Nous demandons à partager le statut de l’humanité mais nous refusons de l’admettre comme valeur universelle chez soi.
Nous voulons que le reste de l’humanité accepte nos différences mais nous n’acceptons pas celles des autres peuples et autres croyances.
D’ailleurs écrire ce qui précède est gênant pour certains. Parce que c’est faire le jeu des extrêmes droites en Occident et c’est être naïf. L’excuse est une excuse pour le silence complice des crimes des siens. Alors on ne parle pas. On ne dénonce pas une injustice chez soi pour ne pas aider l’injustice ailleurs. Et c’est un faux calcul et une immoralité.
Pourquoi en parler maintenant ? Parce qu’il est devenu lassant de lire certains écrits dans nos journaux, entendre certains avis, suivre certains débats et parce que c’est immoral de ne pas dénoncer et parce que c’est lassant cette hypocrisie et cette complicité. Et parce que c’est plus utile à dénoncer que de parler de l’Invalide des Invalides.
© Kamel Daoud
Ce texte date de 2018
Je parle de cet écart, d’une évidence flagrante, irritante comme un eczema tenace, depuis des années, en famille, au travail. J’en parle même avec mes amis arabes. L’accueil est loin d’être toujours favirable, et pas dans les cercles attendus. Merci, Mr Daoud, d’avoir le courage de le formuler ainsi.
Cordialement
Kamel Daoud a le courage de démonter l’intolérance suivant sa propre logique.