À l’ère du postcolonial et de la contrition à tout-va, l’intellectuel blanc, forcément coupable, est prié de se taire.
Sensitivity Readers ? Censeurs communautaires ? Cancel culture ? Bannissement éditorial ou déboulonnage racial? Un étrange effet dystopique atteint l’Occident : une variante de l’inquisition « communiste », prompte à la rééducation culturelle à la chinoise, à la purge, décide des codes culturels et de ce qu’on peut dire, écrire, ou pas.
On en conclut presque que la peur a changé de camp et de couleur, et que l’inquiétude est désormais le quotidien angoissé de l’intellectuel « blanc ». Certains disent que ce type-là est coupable de tout et que sa culpabilité remonte même à avant sa naissance.
Conséquence ? L’intellectuel « blanc » multiplie aujourd’hui, à tort ou à raison, les actes qui étaient autrefois le lot malheureux de son vis-à-vis vivant dans les pays totalitaires : il se repent, fait acte de foi ou de dissidence, craint les barbelés ou redoute la dénonciation. Penché sur ses oeuvres, dans lesquelles il s’autocensure, l’intellectuel « blanc » tremble ou s’épuise à utiliser des mots à double sens, à faire de la provocation en guise de baroud d’honneur, ou à multiplier les nota bene en bas de page.
Comme dans les pays totalitaires, l’intellectuel blanc est « coupable
Comme dans les pays totalitaires, l’intellectuel blanc est « coupable ». Que doit-il justifier ? Sa couleur, la colonisation qui l’a précédé, son privilège, sa vision épidermique. Le mot « privilège » a d’ailleurs une tonalité « communiste » persistante : c’est comme un délit de classe, qui correspond idéologiquement au crime de « bourgeoisie ».
Dorénavant, un intellectuel « blanc » se reconnaît, selon la doxa nouvelle, à sa contrition. Ou à sa blancheur exacerbée. Il a des remords, s’il est faiblard. Des remords qu’il croira transcender dans la solidarité universaliste ou la dénonciation des « siens ». Et s’il se croit innocent, la haine le rattrapera. Son oeuvre en sera polluée ou, au mieux, teintée de ce fameux «désengagement», qu’il faudra comprendre comme de l’« indifférence », telle qu’elle est définie dans le Code pénal éditorial.
L’intellectuel « blanc » ne peut plus dire ou faire ce que moi, chroniqueur du « Sud », je me permets: disserter avec insolence sur l’islamisme et avec liberté sur l’islam
Mais qu’est-ce qu’un intellectuel « blanc » ne peut plus dire ou faire ? Ce que moi, chroniqueur du « Sud », je me permets : disserter avec insolence sur l’islamisme et avec liberté sur l’islam.
Un intellectuel « blanc » ne peut pas, par ailleurs, employer les mots « noir », « rouge » et « jaune ». Car les couleurs se discutent violemment.
Continuons : un intellectuel « blanc » n’a plus le droit de revenir sur la colonisation sans autoaccusation. C’est le capital-décès encaissé par les rentiers du postcolonial.
Tout au plus, sa « blancheur » permet-elle de définir la noirceur de son âme. Enfin, l’inculpé principal ne peut pas user du mot « arabe » car c’est l’aveu d’un crime.
Seule lui reste l’option de témoigner contre lui-même. On laisse au Blanc la grandeur du suicide
Mais au-delà de cette liste d’interdictions d’usage, l’intellectuel blanc incarne un étrange paradoxe : il est l’enfant délicat d’une géographie dans laquelle l’Occident possède tout, quand lui ne peut plus se réclamer de la position de centre du monde, ni du droit au dernier mot, ni de la Vérité, déjà morte. À l’ère des culpabilisations, seule lui reste l’option de témoigner contre lui-même. Comprendre : on laisse au Blanc la grandeur du suicide.
Il n’y a pas plus amusant pour l’auteur de ces lignes que de voir avec quelles précautions on choisit certains mots en sa présence en Occident, comme si on palpait une blessure ruisselante de sang lors des débats sur « l’islam », l’arabité, la colonisation et la décolonisation. Le dérisoire et le malentendu se mêlent dans cette politesse qui en dit plus long sur l’intellectuel « blanc » traqué que sur le chroniqueur du « Sud », supposé décliner toute une palette de nuances d’indignation.
Comment dire à l’Autre qui se sent si coupable en ma présence que j’ai déjà réglé ces questions, que je n’en fais pas commerce, que la culpabilisation exclusive, métier de beaucoup des « miens », est un acte de paresse ? Comment expliquer que ce qui est « interdit » à l’intellectuel « blanc » peut aussi l’être à celui du « Sud » quand il ne joue pas le jeu de la victimisation et de la culpabilisation décoloniale, raciale ou religieuse ? Comment expliquer que refuser de partager l’élan de la jérémiade est, parfois, la pire apostasie intellectuelle pour un homme du « Sud » ?
© Kamel Daoud
Source: Le Point 21 janvier 2021
https://www.lepoint.fr/editos-du-point/kamel-daoud-blanc-banni-21-01-2021-2410578_32.php
Kamel Daoud est journaliste, écrivain et chroniqueur au Point
La haine du blanc a la même origine que la haine du juif : l’ignorance et la jalousie. Racisme anti-blancs et nouvel antisémitisme sont les deux phénomènes de masse du vingt et unième siècle : en prendre conscience est un impératif de survie.
La jalousie n’a pas besoin de l’ignorance pour exister. Elle est née avec Caïn et survivra à la disparition de l’ignorance . Rousseau avait tout faux : l’homme n’est pas bon naturellement .
allez vous faire mettre sales juifs.
Un muzz nazi !