En ces temps de chaos, de censure hystérique et de “rééducation de la pensée” par les progressistes, deux penseurs restent des boussoles sûres : Karl Popper et Raymond Aron.
Karl Popper parce qu’il a montré que la vérité émergeait de débats contradictoires entre des thèses toutes faillibles, et que l’on s’approchait du vrai en retenant celles qui résistaient le moins mal aux contre-arguments.
Nous sommes à mille lieues du “fact checking” ou de la censure exercée par les réseaux sociaux, un monde lénifiant et bétifiant pensant qu’il suffit de “vérifier” une idée par une procédure simpliste. D’ailleurs, on ne débat plus ou n’argumente plus contre quelqu’un, on le “vérifie” et au besoin on le rééduque si sa pensée nous déplaît. La terminologie carcérale du “fact checking” trahit sa véritable nature.
Raymond Aron parce qu’il a formulé une analyse salutairement tranchante de toutes les formes de “progressisme”. Le progressisme actuel est tout autant l’opium des intellectuels que l’était le communisme du temps d’Aron.
Les progressistes modernes emploient la même dialectique : parce qu’ils sont le camp du progrès, ils ne peuvent se tromper et tout contradicteur doit fatalement être balayé par le vent de l’histoire dont ils sont détenteurs. D’où leur propension à se placer a priori dans une position privilégiée vis-à-vis de la vérité et le droit qu’ils s’octroient à “vérifier” et éventuellement “redresser” autrui.
Les agissements actuels des réseaux sociaux pour détruire totalement toute pensée conservatrice sont issus de cette lignée mortelle pour la démocratie. Les élections ne seront plus que des simulacres (beaucoup le sont déjà), faisant triompher à chaque fois des candidats progressistes, en ayant soin de faire élire de temps en temps un conservateur pour perpétuer la mascarade, à condition que ce soit un conservateur “convenable”, osant à peine tenir ses opinions, concédant tout à la moindre critique, baissant les yeux, et seulement s’il est “validé” par les dirigeants de Facebook , Twitter, Apple et Google.
Popper comme Aron étaient tous deux des hommes de dialogue sans concession et des humanistes. Et ils étaient conservateurs, n’en déplaise aux progressistes. C’est à dire non pas des rétrogrades comme l’on aime à caricaturer les conservateurs, mais des personnes entretenant une certaine humilité vis-à-vis du réel, acceptant leur condition humaine de tenir des thèses faillibles, sans le démentiel appétit de pouvoir que cache la prétention à être le détenteur du vrai.
Je garde ces modèles humains toujours en mémoire, à un moment où la volonté totalitaire de museler tout contradicteur va provoquer des violences inimaginables dans les années qui viennent.
© Marc Rameaux
Marc Rameaux est économiste et professionnel des hautes technologies. Il vient de publier Le Tao de l’économie. Du bon usage de l’économie de marché (L’Harmattan, Février 2020).
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