Décidément, janvier est le mois de tous les dangers en Tunisie.
Le gouvernement aurait dû y penser avant de décréter 4 jours de confinement.
Il y a 10 ans, très exactement, le 14, Ben Ali tombait.
En janvier, également, Le début du soulèvement pour l’indépendance, Les émeutes dans le sud, Les grandes manifestations…
Tout un passé que rumine une population qui s’enfonce.
Certes, le gouvernement a peur du Covid ! On le comprend.
L’épidémie a fait près de 6000 morts. C’est beaucoup.
Mais le virus fait bien pire. Il est en train de tuer l’économie.
Un quart des emplois dépendent du tourisme qui est quasi inexistant.
La misère s’étend.
Ce virus a aussi ruiné la vie sociale.
Il est interdit de manifester.
Les écoliers sont retenus à la maison 1 jour sur 2, depuis septembre, sans compter qu’ils ont été privés de cours les 3 trimestres précédents.
Le couvre-feu est avancé à 16 heures au lieu de 20 heures.
Les jeunes ont refusé de s’entasser à domicile.
Alors ce week-end, ils ont affronté la police avec des cailloux.
On regrette quelques pillages.
Les 600 émeutiers arrêtés ont entre 15 et 25 ans.
Ça rend la VIOLENCE grande consolatrice de l’idéal impatient.
Le Président s’est rendu dans un quartier populaire pour dire que le chaos ne permet pas d’avancer.
Seulement, il n’a pas dit Comment avancer…
Ce Président au visage immobile reste une énigme.
On ne comprend pas ce qui l’habite.
Pendant la campagne, il avait été baptisé ROBOCOP.
Un an plus tard, on s’interroge toujours sur le programme de cette machine. Un ordinateur vivant.
En fait, il voudrait régner comme les rois de France.
Il aimerait une alliance entre le Palais de Carthage et le pays profond.
C’est le doux rêve d’un professeur de droit constitutionnel.
Mais il ne va pas se débarrasser comme ça des grands féodaux. Les islamistes, l’opposition, les technocrates, ceux qui citent Bourguiba et regrettent en silence Ben Ali.
Même les politiciens sont à des années-lumière de la réalité sociale.
Le Premier ministre vient de virer les ministres proches du Président.
En avait-il le droit ?
Les juristes se disputent depuis la semaine dernière, comme les religieux byzantins s’interrogeaient sur le sexe des anges, alors que la ville assiégée s’apprêtait à tomber entre les mains de l’ennemi.
(… les religieux byzantins étaient occupés à discuter de la question théologique du sexe des anges, facilitant la prise de Constantinople)
© René Seror
Effectivement certains tunisiens regrettent (en silence) Ben Ali.
Les plus vieux sont même nostalgiques, toujours en silence, du protectorat français.
MAIS la vérité est toujours la même dans toutes les révolutions ; dont la « française » de 1789.
Le peuple, moyennant le chaos et le sang, peut renverser le régime en place.
MAIS dès que c’est fait il n’a plus de prétextes ; il se trouve, le peuple, face à lui-même et à sa nature profonde.
La démocratie nécessite une longue maturation et un certain niveau économique, social et scolaire de la population.
Si la population est une populace, si le peuple n’est pas mûr pour la gouvernance, il retombera automatiquement dans le chaos ; duquel la moins mauvaise sortie est encore la tyrannie.
La Tunisie se cherche un tyran. Elle n’est pas la seule.