Jacques Tarnero. Affaire Duhamel, ne pas se tromper de responsable

Il y a désormais, hélas, une autre affaire dans l’affaire Kouchner/Duhamel. Il s’agit de la polémique concernant les propos tenus par Alain Finkielkraut dans l’émission de David Pujadas sur LCI. Ce qu’il y a dit  lui vaut d’être congédié de la chaine sans lui donner la possibilité de s’en expliquer davantage. Depuis ce jour, LCI a retiré la rediffusion de son site. On ne peut plus la revoir pour s’en faire une idée  . Au vu de l’émotion que le livre de Camille Kouchner a suscitée, sur un sujet aussi sensible, cette décision relève de la censure. Le public a le droit de comprendre.

La véhémence d’Alain Finkielkraut peut exaspérer, mais, et c’est ce qui prime, il donne à penser. Il le fait depuis plus de trente ans sur France culture, par ses livres. Ce qu’il n’a peut-être pas encore assez compris, c’est  que la réflexion devant une caméra n’est pas du même ordre que l’écriture ou même la radio. L’esprit de finesse, pointer les paradoxes, énoncer les multiples approches d’une situation complexe, analyser les divers registres du discours ne caractérisent pas la scène télévisuelle. Sa temporalité n’obéit pas au même rythme. Malgré son talent intellectuel et son brio, Finkielkraut n‘a pas eu la possibilité de préciser le registre de ses propos. Il a voulu se placer du côté du droit alors que la première sensibilité dans cette affaire voit d’abord le tordu, le pervers, la fausseté.

Après avoir très clairement condamné les gestes de Duhamel contre son jeune beau-fils, Finkielkraut a cherché, à ce moment du débat, à expliquer que dans une affaire d’inceste la question du consentement pouvait se poser. En l’évoquant, Finkielktaut a semé un trouble. Il a laissé entendre qu’il pensait que certaines circonstances pouvaient corriger des jugements trop hâtifs. La distinction qu’il a introduite entre un enfant et un adolescent pour juger de la pédophilie et de l’inceste était trop rapide pour être bien comprise.

C’est là son erreur et c’est la seule. Car même si l’hypothèse du consentement pouvait être évoquée, elle ne diminue en rien, dans l’histoire présente la responsabilité du pervers. Ici il s’agit d’un homme ayant fait office de père de substitution, d’une autorité dans le domaine du droit, ayant un statut social important, un pouvoir considérable sur sa famille. Comment croire à une relation équilibrée que le jeune garçon avait la possibilité de refuser ? Il était bien sous l’emprise de son beau père.  C’était à lui, quels ques soient ses désirs, de s’en empêcher. C’est lui le responsable, pas encore le coupable, du saccage décrit par Camille Kouchner.

Pour sortir du registre de l’émotion, Finkielkraut a essayé de tirer les choses du côté du droit. Pour refuser le lynchage de Duhamel (qui n’avait pas lieu) il a cherché une autre approche. A trop vouloir complexifier le regard porté sur une affaire aussi sensible, Finkielkraut a piégé son propre propos. Il a mis un filtre sur ce qui est dépourvu d’ambigüité : la responsabilité de Duhamel. L’époque est suffisamment glauque pour accorder un droit à l’ambigüité.

Nous n’en sommes plus là. Depuis ces paroles, Finkielkraut est l’objet d’attaques indignes. On peut considérer que les mots utilisés étaient inappropriés, et c’est mon cas, dans ces colonnes, mais ils n’étaient en aucun cas la caution de gestes pédophiles. Son interdiction d’antenne au prétexte qu’ils le seraient est une décision lamentable. Il serait devenu le complice du délinquant, car il relativiserait la gravité de ses gestes !!! On a le droit d’être en désaccord avec Finkielkraut, on a le droit de déplorer certaines de ses positions ou de ses paroles mais jamais il n’a cédé à la vulgarité dominante, au poujadisme intellectuel. La machine boueuse d’internet fonctionne à plein régime pour laminer la pensée. Que TF1 se pose en gardien de l’éthique télévisuelle est comique.

Ce qui est en train de se mettre en place relève du lynchage collatéral. On y devine d’autres règlements de comptes et c’est le retour Nuit debout sous confinement.

Le témoignage implacable de Camille Kouchner nomme bien les choses. Peut être le malheur du monde en pourra-t-il en être réduit.

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5 Comments

  1. Tarnero dit ici de Finkie : « Ce qu’il n’a peut-être pas encore assez compris c’est que la réflexion devant une caméra n’est pas du même ordre que l’écriture ou même la radio ».

    Effectivement ; mais alors, quand comprendra-t-il sachant son âge et qu’il pratique stylos, caméras et micros depuis des lustres ?

    Finkie a commis une faute en se laissant aller à sa véhémence habituelle qui, avouons-le, devient gênante ; dans l’effort d’exprimer à chaud, par la parole, de choses complexes, il bafouille et s’égare.

    Il devrait désormais se limiter à l’écrit et éviter la parole à moins d’utiliser un prompteur et des textes préparés d’avance (pas son style…).

    D’ailleurs non, il ne tente pas, dans cette séquence, de mettre l’accent sur l’aspect judiciaire.
    En vérité il éperonne son cheval de bataille habituel qui consiste à mener la guerre contre une presse et une opinion publique lyncheuses.
    Mais le cas s’y prêtait mal et ses paroles étaient in fine contre-productives.

    Qu’il prenne des vacances. La retraite n’est pas pour les chiens.

    • le courrier de « moyen » est comme son nom l’indique … et encore .
      de quel droit demander à un philosophe de se la fermer ? F.peut etre irritant ,et alors ?
      Tarnero remet les choses à leur place et il faut remercier TB.qui a accepté de redonner la parole ,sans invectives , à l’expresssion d’une position differente de celle ,premiére ,des excitations aveugles .

  2. Un peu plus d’humilité ne ferait pas de mal à Finkie.
    Qu’est devenu l’auteur du « JUIF IMAGINAIRE » Écrit voilà plus de Quarante ans.

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