Tribune Juive

Sarah Cattan. La France et le vaccin. La colère monte

Qui parmi vous a réussi à ce qu’un dîner à 6, forcément à 6, ne tournât pas au pugilat, dès lors que les sujets abordés étaient ceux qui nous hantent tous, je veux parler de la gestion française de la pandémie, de la discutable pertinence des annonces gouvernementales, du PR en personne : il n’est même plus besoin de parler des élections américaines ou des territoires « occupés ou disputés » pour s’écharper de façon sanglante.

Mais voilà un sujet qui est venu nous mettre tous d’accord : le couac, l’indicible couac du rythme des vaccinations : finies nos engueulades ! Nous voilà tous d’accord (forcément les chiffres parlent), et désormais nous en viendrions plutôt à rire de nous-même, ce peuple râleur jamais content qui soudainement exiiiige le vaccin dont hier il ne voulait guère, et s’emporte à raison contre une gestion inqualifiable de la chose.

C’est que de partout les critiques fusent et nous revoilà moqués de tous : « Un désastre », entend-on de la bouche de tous les responsables politiques et de celle des soignants. « On perd du temps ». Marcelline, certes. Mais la chose n’a pas suffi.

Une semaine déjà et les media font leur Une sur « l’Autopsie d’un désastre », titre du billet publié par l’ancien généticien Axel Kahn sur son site internet, où le président de la Ligue contre le cancer critique vivement la stratégie de vaccination mise sur pied par le gouvernement et déplore notamment « la lourdeur administrative et la rigidité procédurale des corps de l’État, notamment dans le domaine sanitaire ».

Chuuuut. C’est la honte. Nos près de 400 vaccinés comparés aux 230.000 citoyens allemands et au million de britanniques : je ne pousserai pas la cruauté jusqu’à vous parler des chiffres israéliens.

L’ancien directeur général de la Santé, William Dab, critique ce dimanche dans les colonnes du Parisien une stratégie vaccinale qui « ne ressemble à rien » et ajoute que si on continue à ne vacciner que 300 personnes par semaine, « nous y serons encore dans 5000 ans » : « Nous sommes bons derniers du palmarès européen », conclut-il.

Tel autre, chef de pôle au Centre hospitalier de Valenciennes, s’interroge : pourquoi l’Allemagne vaccine-t-elle 20.000 personnes par jour et la France 50 ? Le même plaide pour l’installation de vaccinodromes, un peu comme en Israël où ça vaccine à tout-va dans des tentes installées, sorte d’hôpitaux de guerre, sur des terrains vagues.

Celle-là, co-directrice de l’Observatoire de la santé mondiale à l’Iris, dit que « des doses, on en a », mais on aurait fait cette stratégie d’aller au contact du patient alors que dans la majorité des autres pays, ce sont les patients qui se déplacent.

Celui-là, chef du service de réanimation de l’hôpital Raymond Poincaré à Garches, rejoint par tant d’autres, parle de scénario « catastrophique ».

Alors forcément, le PR enguirlande son monde : n’a-t-il pas annoncé qu’il « ne laisserait pas, pour de mauvaises raisons, une lenteur injustifiée s’installer », et le JDD n’évoque-t-il pas la fureur jupitérienne qui jugerait, mais en privé, que « Ça ne va pas, que Ça doit changer vite et fort et d’ailleurs que ça va changer vite et fort », et que « Ce rythme de promenade en famille ne saurait durer ».

Pauvres Gabriel, Olivier et Jean, – puisque désormais nous sommes supposés faire peuple-, le premier évoquant « un renforcement des moyens pour faire arriver les vaccins aux Ehpad » (non rien), l’autre annonçant que des centres de vaccination en ville seraient mis en place dès le début du mois de … février, et le PM promettant, depuis le Tchad, que la situation serait totalement équilibrée … « dans les mois qui viennent « .

Alors voilà : le problème serait typiquement franco-français, lourdeurs administratives et bla bla bla : aujourd’hui peut-être, ou alors demain. « On devrait arrêter avec toutes ces procédures de précaution », entonne le Directeur médical du SAMU 93, moquant le délai de réflexion et l’entretien individuel avec son médecin comme le retard incongru dans la validation des … super congélateurs… Mais encore cette histoire d’avoir, dans l’ombre, tout fait pour privilégier … Sanofi, malgré son retard…

« Dès ce jour, les soignants de plus de 50 ans commenceront à être vaccinés », promet le Porte-parole : plus question d’attendre … février !

In fine, quel fiasco en vérité. Quelle cata. Quelle organisation. « Quelle déroute », dira même le Chef des Urgences de Georges Pompidou, qui impute la chose à de « petites considérations politiciennes ridicules, internes au monde de la Santé ».

Nous aurons tout eu : le scandale et les couacs liés aux masques font bis repetita.

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