La France de ma jeunesse, les années heureuses
Claude Sautet c’est le cinéaste qui a le mieux filmé la France des années 70 , celle d’il y a 50 ans .Le temps file , glisse et s’enfuit : déjà un demi siècle ! La France ne ressemblait pas à ce qu’elle est devenue.
On vivait moins vieux, on travaillait plus longtemps. On se croyait heureux et on était fier de la France et des regards des étrangers venus admirer le pays et ses habitants fanfarons. « Paris est une fête », pouvait titrer Hemingway.
Claude Sautet racontait des histoires simples , celles qui arrivent à presque tous. Il filmait les copains , les bandes d’amis fidèles qui ne se lassaient jamais de se retrouver.
En France, c’est le plus souvent autour d’une table, un week-end à la campagne : le gigot, les flageolets, la salade et le vacherin. On débouche beaucoup de bouteilles et chacun raconte et tous s’observent.
Ils s’aiment et ils sont heureux d’être réunis, d’être ensemble.
Les femmes servent, écoutent, observent , interviennent : une immense tendresse enveloppe la bande de copains, les couples établis, et ceux qui se disloquent.
C’est la vie et les spectateurs voudraient tous être copains avec « la bande ».
Claude Sautet filmait les événements prévus aux scénarios sans grands mouvements de caméra : c’est un plan fixe de la façade d’un café avec, devant le comptoir, deux personnages de dos, champ , contre-champ, on se claque une bise . C’est dans la boîte !
Isaac Bashevis Singer affirmait que son œuvre lui survivrait parce qu’il savait raconter une histoire et que les lecteurs ne veulent que cela .
Sautet , lui aussi, racontait des histoires , celles dont on ne se lasse pas : l’amitié, l’admiration, la complicité. L’amour.
La France n’était pas déchirée par des antagonismes irréductibles et ses habitants, même s’ils s’opposaient sur bien des sujets, voulaient vivre ensemble un destin commun.
Il faut revoir Michel Piccoli piquer une colère à table, il faut se souvenir des regards filants de Romy Schneider et de Yves Montand masquant sa gêne par un petit rire faux .
Aujourd’hui le cinéma de Claude Sautet date terriblement : pas de cascades, ni d’effets spéciaux , une intrigue en 3 lignes : ils s’aimaient , elle le quitte , il s’effondre, elle revient , le tout suggéré , sans rien de souligné , on évoque sans rien imposer . C’est « soft « . Ça parle de tendresse et d’amitié , de crainte pour ses amis , de réconfort , de tendresse et de joie . La haine et la violence , le racisme et le mépris , ils existaient mais on s’en défendait et on vivait mieux .
C’était la France de mon enfance , le pays de ma jeunesse , celle que je veux garder , celle qu’il faudra retrouver quand ceux qui voudraient défigurer son beau visage comprendront qu’ils ont tort et qu’ils n’y arriveront jamais.
© André-Simon Mamou
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