Noël, fête chrétienne de la naissance du Christ sauveur et donc de la joie, ne doit pas faire oublier que les violences religieuses dans le monde frappent majoritairement les chrétiens, comme l’a reconnu le Parlement européen en 2011. Les persécutions anti-chrétiennes sont tantôt officielles, en pays musulman, communiste ou hindouïste, tantôt le fait de groupes radicaux, islamistes, hindous ou bouddhistes. Les zones les plus touchées sont l’Afrique musulmane, le Moyen-Orient et l’Asie. Pour notre chroniqueur Alexandre del Valle, le “bilan” 2020 confirme le fait que, comme chaque année depuis des décennies, la “solution finale des chrétiens” se poursuit dans la quasi-indifférence générale.
Chaque année, l’index publié par l’association chrétienne PORTE OUVERTES dresse un état des lieux qui ne cesse de se détériorer. Sur 50 pays étudiés, l’ONG évalue à 260 millions le nombre de chrétiens persécutés, soit une augmentation de 16% depuis 2014. Depuis 2017, après le pic terrible des massacres perpétrés par Daech en 2015, le nombre de chrétiens tués chaque année dans le monde oscille entre 3 000 et 4 000 âmes. La « première place » revient à la Corée du Nord communiste, où 50 000 chrétiens sont retenus dans les camps de concentration du régime. Vient ensuite le Nigeria, où des dizaines de milliers de chrétiens ont été assassinés par les islamistes depuis les années 1990. Les chrétiens d’Afrique subsaharienne sont aujourd’hui les plus persécutés au monde. Mais leur sort fait bien moins souvent la une que celui des musulmans en Occident, soi-disant victimes de « l’islamophobie ».
Les chrétiens des pays islamiques, diabolisés comme « 5e colonne des Croisés » alors qu’ils étaient là avant les musulmans
Les populations chrétiennes sont en déclin dans la totalité des pays du Proche-Orient, Liban compris, et ils sont voie de disparition en Irak, où leur nombre est passé de 1,5 million en 2003 à moins de 200 000 aujourd’hui… soit une baisse de 87% en 20 ans. En 2010, un attentat perpétré dans l’église Notre-Dame du Salut, à Bagdad, fit 50 morts. Les chrétiens de Syrie, bien que protégés par Bachar el-Assad, sont aujourd’hui moins de 745 000, contre 2,2 millions avant la guerre civile. En Turquie, depuis les assassinats du leader arménien protestant Hrant Dink (2006), du père Andrea Santoro, tué à Trébizonde, le 5 février 2006, du père Adriano Franchini, poignardé à Smyrne en décembre 2007, de Mgr Luigi Padovese, vicaire apostolique d’Anatolie, décapité à Iskenderun par son chauffeur en juin 2010, et depuis le massacre de dizaines de chrétiens turcs évangéliques à Malatya, en mars 2007, le peu de chrétiens resté dans ce pays a peur. Ils sont aujourd’hui 90 000, contre trois millions en 1900. Et la Turquie négatrice du génocide de 1915 des Arméniens et Syriaques « continue le travail » en Azerbaïdjan, en massacrant les Arméniens du Haut-Karabakh.
Aucun pays islamique ne tolère la liberté de choisir sa religion
Dans tous les pays musulmans, la conversion au christianisme est un crime (apostasie) que la charia punit de mort et que tous les pays musulmans – exceptée l’Albanie – répriment. En Afghanistan, au Soudan, en Arabie saoudite, en Mauritanie, en Iran, en Somalie, au Pakistan, la conversion au christianisme est passible de la peine de mort. En Algérie, les lieux de culte évangéliques sont systématiquement fermés, les pasteurs emprisonnés ou expulsés s’ils sont étrangers, et les autochtones convertis traînés en justice. Au Maroc, autre pays qui cogère l’islam en France en y exigeant plus de mosquées, un sujet du roi n’a pas le droit de devenir chrétien, et les missionnaires ou convertis sont condamnés ou expulsés.
Mais les bien-pensants anti-racistes occidentaux pro-Black Lives Matter ou les indigénistes dénoncent mille fois moins cet anti-christianisme d’Etat, et même celui des djihadistes, que les propos des populistes honnis à la Trump ou Orban. En Arabie saoudite, pays « ami » de l’Occident, la charia wahhabite stipule que toute religion autre que musulmane est interdite aux musulmans de naissance, saoudiens ou pas. Les étrangers chrétiens ne sont tolérés que s’ils ne donnent aucun signe de leur foi. La simple possession de la Bible y est un crime, comme en Corée du Nord communiste. Malgré cela, ce pays christianophobe ne cesse de dénoncer, comme le Pakistan, le Qatar, la Turquie ou les pays du Maghreb, « l’islamophobie » d’un Occident où les musulmans ont tellement de droits que les islamistes y prêchent librement leur fanatisme.
Le lourd tribut de sang payé par l’Afrique noire
– Au Nigeria, l’organisation djihadiste Boko Haram, qui veut expulser les chrétiens du nord du pays et y imposer un califat islamique, attaque régulièrement les chrétiens en pleine messe.
– En Somalie, en 1989, l’évêque de Mogadiscio a été tué et sa cathédrale a été rasée en 2008. Toute pratique religieuse non-musulmane est interdite. Des convertis chrétiens sont régulièrement décapités.
– Au Soudan, dans les années 1990-2000, le conflit entre le nord du pays majoritairement arabo-musulman et le sud chrétien-animiste a alimenté pendant 40 ans une guerre civile qui a conduit à l’indépendance du Soudan du Sud en 2011, après un génocide de plus d’un million de chrétiens. Ceux restés dans le nord du pays sont persécutés. On se souvient de l’histoire tragique de Mariam Yehya Ibrahim, femme de 27 ans condamnée à mort en 2014 au huitième mois de grossesse simplement pour sa foi chrétienne. Son cas a ému très peu de bien-pensants occidentaux.
– Aux îles Maldives, que nombre d’Occidentaux fréquentent en touristes alors qu’il s’agit d’un des pays les plus anti-chrétiens au monde, la « loi d’unité religieuse » de 1994 interdit la promotion de toute religion autre que l’islam. Noël et Pâques sont interdits.
– Au Pakistan, la loi contre le blasphème est utilisée comme prétexte pour persécuter les chrétiens : professer la foi chrétienne est un « blasphème » passible de la peine de mort. Tout le monde connaît le triste cas d’Asia Bibi, condamnée à mort en 2010 puis incarcérée 10 ans avant d’être extradée vers l’Occident. La même année, à Gorja, au Pendjab, une foule d’un millier de personnes a attaqué un quartier chrétien, brûlant six personnes vives, dont un enfant, et le gouverneur du Penjab puis l’ancien ministre des minorités ont été assassinés pour avoir défendu Asia Bibi.
– En Indonésie, les chrétiens ont été victimes de pogroms : de 1975 à 1999, l’occupation militaire de la région chrétienne du Timor oriental a fait 200 000 victimes et 250 000 réfugiés sur une population totale de 900 000 habitants. En 1999, les massacres ont commencé dans l’archipel des Moluques, faisant 13 500 victimes et 500 000 réfugiés. D’innombrables destructions d’églises, écoles, hôpitaux, centres médicaux, et nombre de cas de conversions et circoncisions forcées sans anesthésie, viols, infibulations, émasculations et décapitations ont été dénoncés. Tout cela dans l’indifférence générale des leaders occidentaux qui, dans ces mêmes années 1990-2000, préféraient parler du génocide des musulmans albanais et bosniaques, victimes des Serbes, plutôt que du sort de leurs coreligionnaires tués en bien plus grand nombre au Soudan, en Somalie ou en Indonésie. Deux poids, deux mesures.
Des pays asiatiques communistes ou de tradition bouddhiste-hindouïste aussi touchés
– En Inde, de nombreux chrétiens sont assassinés, attaqués ou (re)convertis de force par des fondamentalistes hindous. En 2008, dans l’État d’Orissa, les partisans de l’Hindutva, l’idéologie extrémiste du BJP au pouvoir, ont massacré mille chrétiens et contraint 20 000 autres à l’exil. D’après un rapport du Catholic Secular Forum, soutenu par l’archevêque de Bombay Oswald Gracias, entre 1 000 et 2 500 chrétiens sont agressés ou persécutés chaque année en Inde. Les cibles privilégiées sont les « Dalits (« intouchables ») ayant embrassé le christianisme pour échapper au statut inégalitaire des castes. Le plus souvent impunis, les agresseurs hindouistes s’abritent derrière les lois anti-prosélytisme et anti-blasphème.
– En Chine, des milliers de chrétiens ont été tués ces 20 dernières années, mais les trotsko-gauchistes français et occidentaux, qui dénoncent à raison les massacres de musulmans ouïgours, se contrefichent du sort de chrétiens chinois. Ceux qui ne se soumettent pas à l’« Eglise patriotique nationale », séparée de Rome par le gouvernement de Pékin, sont persécutés en tant qu’« agents d’une puissance étrangère ». Les récentes négociations entre la Chine et le Vatican sont loin d’avoir réglé le sort des prêtres et évêques incarcérés ou en procès. D’après China Aid, les persécutions ont d’ailleurs augmenté depuis Xi Jinping et son projet de « lutte contre la propagation du christianisme », qui s’est traduit par la démolition d’églises. Mais la cause des Tibétains plaît bien plus aux bobos-gauchos que celle des chrétiens qui ont adopté la religion du blanc occidental-impérialiste.
– En Corée du Nord, la dictature communiste de Kim Jong-un interdit toute appartenance au christianisme : 166 autres prêtres ont disparu et 70 000 chrétiens sont emprisonnés à vie dans des camps de travaux forcés avec tous « ceux qui ont de mauvaises opinions ». Mais pas de quoi susciter des dossiers dans Mediapart ou l’indignation de nos anti-racistes indigénistes.
– Au Vietnam communiste, tous les groupes religieux doivent être enregistrés auprès du gouvernement, et les chrétiens vivant dans les montagnes centrales et fréquentant des églises « non-enregistrées » ont été victimes d’une vague de violence, d’arrestations et d’intimidations.
D’après le ministère de l’Intérieur, 1 100 faits anti-chrétiens sont commis annuellement en France. Ces derniers mois, les Loups gris turcs ont agressé les Arméniens en toute impunité, mais le fait que la victimologie chrétienne ne soit pas homologuée et que des cathophobes néo-gauchistes voient dans la dénonciation de la christianophobie un thème « d’extrême-droite », explique pourquoi les récurrentes décapitations de chrétiens en France, aux cris de « Allahu Akbar », parfois dans leurs églises, ne soient pas considérées comme « christianophobes ».
© Alexandre Del Valle
Source: Valeurs Actuelles. 22 décembre 2020
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