FIGAROVOX/TRIBUNE – Miss Provence, alias April Benayoum, a reçu un torrent d’insultes antisémites sur les réseaux sociaux suite à son passage dans Miss France samedi 19 décembre dernier, déplore Rénée Frégosi. Pour la philosophe et politologue, ce nouvel antisémitisme sur internet se cache souvent derrière le déguisement de l’antisionisme.
Samedi 19 décembre, élection de Miss France: April Benayoum, Miss Provence élue Première dauphine, en présentant ses origines multiples, dit que son père est italien et israélien. Aussitôt sur le net, le nombre de tweets faisant référence à Israël explose pour atteindre près de 40 000 dans la soirée: «Israël: vous connaissez cette origine? Moi pas. Israël n’est pas un pays» ou encore «Israël n’existe pas, c’est la Palestine».
Une fois encore, l’antisémitisme antisioniste se déchaîne sans retenue. Car c’est bien sous cette forme que l’antisémitisme a principalement ressurgi depuis quelques années. Violence verbale, l’insulte antisioniste fait écho à la violence physique contre des personnes juives, le nombre et la gravité des attentats antisémites ne cessant d’augmenter en France notamment.
Or, qu’on le veuille ou non, on doit constater que cet antisémitisme antisioniste accompagne comme son ombre l’offensive islamiste. Les assassinats antisémites des enfants de l’école Ohr Torah, des vendeurs et clients de l’Hyper Cacher, de Mireille Khnoll, de Sébastien Selam ou de Sarah Halimi ont été perpétrés par des islamistes au cri d’Allah est grand. Car les fourriers de la réislamisation des populations assignées à la religion musulmane, en «terres d’Islam» comme en France, du wahhabisme au salafisme en passant par les Frères musulmans, utilisent sans vergogne l’antisémitisme dans leur stratégie victimaire et revancharde. Et l’antisionisme permet de «normaliser», de «justifier» l’agressivité à l’égard des Juifs.
Le Juif est renvoyé à cet ennemi principal du musulman désigné à la vindicte du « bon croyant » par nombre de versets du Coran (…) et de passages des hadiths
Articulé étroitement à la défense de la «cause palestinienne», l’antisémitisme antisioniste construit une chaîne d’identifications, du Palestinien à l’Arabe, au musulman, à l’immigré, à l’ex-colonisé prétendument néo-colonisé. Cette nouvelle judéo-phobie anti-israélienne articule antisémitisme et racisme anti-blanc: le Juif étant considéré comme un colonialiste, ancien supplétif des colons français, nouveau «colon» des «territoires occupés», un «super-blanc» en quelque sorte.
Supposé ainsi anti-Palestiniens «donc» anti-Arabes, «donc» antimusulmans, le Juif est renvoyé à cet ennemi principal du musulman désigné à la vindicte du «bon croyant» par nombre de versets du Coran («une telle vie ne le sauvera pas de la punition», «Ce sont ceux-là les pires ennemis») et de passages des hadiths («Vous combattrez les juifs», «Périssent les juifs et les chrétiens. Il n’y aura pas deux religions en Arabie»).
L’antisionisme se présente en effet comme une forme à la fois ancienne et nouvelle d’antisémitisme. Archaïque, l’antisionisme d’aujourd’hui recycle le vieux discours déniant aux Juifs la légitimité à avoir un territoire national, de la pax romana effaçant le nom de Judée pour en faire la Palestine, à la dhimmitude de l’empire califal puis ottoman. Nouveau aussi, parce que cet antisémitisme est désormais centré sur le conflit israélo-palestinien, l’Etat d’Israël né en 1948 étant accusé de tous les maux et en premier lieu de mettre en œuvre «une guerre d’extermination du peuple palestinien» (!).
Alors, selon la logique imbécile qui considère qu’un coupable ne peut être victime (et réciproquement) si les Juifs sont les bourreaux des Palestiniens, non seulement ils ne sont victimes de rien, mais sont coupables de tout. Dans le passé, l’antisémitisme réactionnaire méprisait les Juifs parce que considérés comme des métèques, des «orientaux» (avec tous les défauts attachés à ces qualificatifs dans cet imaginaire) et la judéo-phobie raciale nazie opposait dans une lutte à mort, la «race pure», blanche, arienne ou germanique aux Juifs caractérisés négativement comme métissés. À rebours aujourd’hui, l’antisémitisme antisioniste tend à confondre Juifs et Israéliens en les assimilant au dominateur blanc, au colonialiste, au capitaliste impérialiste, à l’Occidental en un mot.
La diffusion du slogan « privilège Juif » sous la forme moderne du tweet, syncrétise cette détestation des Juifs essentialisés comme groupe privilégié
C’est ainsi qu’à la mi-juillet dernier, résonnant avec le hashtag «privilège blanc» lancé aux États-Unis par les partisans du Black power, est apparu sur Twitter le hashtag #JewishPrivilege («privilège juif»), repris par plus de 122 000 messages antisémites en 24 heures. La diffusion du slogan «privilège Juif» sous la forme moderne du tweet, syncrétise cette détestation des Juifs essentialisés comme groupe privilégié. La thématique du Juif et de l’argent est bien sûr sous-jacente, mais un nouvel élément vient s’y ajouter sur le mode du favoritisme.
Les Juifs seraient non seulement des «riches», des profiteurs, des exploiteurs, des expropriateurs, mais aussi des privilégiés. Des privilégiés par rapport à des groupes qui seraient «stigmatisés», discriminés, spoliés, frustrés de leurs dus, dépouillés de leur statut de victimes à assister, à promouvoir par une «discrimination positive», par des avantages compensatoires, par des privilèges en sommes.
Ainsi, les «incivilités» anti-juives se multiplient: insultes et molestations dans les écoles, slogan «mort aux juifs» lancés dans des manifestations. Et des «justiciers» anonymes radicalisés plus ou moins solitaires, passent à la célébrité médiatique par une action d’éclat meurtrière qui se veut héroïque. Ces actions assassines islamistes doivent bien sûr être combattues par des politiques résolues de sécurité et de répression mais c’est aussi contre toute cette mentalité justicialiste jalouse, revancharde et fascinée par la violence «révolutionnaire» qu’il faut lutter.
Car c’est une nébuleuse idéologique polymorphe qui «banalise» la parole antisémite et «excuse» les passages à l’acte islamistes, comme l’ont fait des intellectuels dès l’attaque des tours jumelles en 2001: Noam Chomsky intitulant un de ses articles après: «Beaucoup de journalistes ont été aussi tués à Gaza», Jean Baudrillard s’exaltant à «la jubilation prodigieuse de voir détruire cette superpuissance mondiale» ou que Jacques Derrida estimant que «l’Amérique l’avait bien cherché».
Ce n’est donc pas anecdotique que l’on ait une nouvelle fois entendu des slogans antisémites dans les manifestations racialistes anti-Blancs
L’antisionisme masque en effet depuis au moins les années 70 un antisémitisme sournois au sein du certaine gauche devenue depuis idiote utile de l’islamisme: islamo-gauchistes «antiracistes» dévoyés, anti-Blancs, indigénistes et décoloniaux de tout poil. Les «sangs mêlés» de l’antisémitisme raciste des 19ème et 20ème siècles, sont devenus les «Blancs» les plus honnis dans la vision «racisée» d’un monde où s’affrontent à nouveau radicalement les races, tandis que la lutte des classes est jetée aux oubliettes.
Ce n’est donc pas anecdotique que l’on ait une nouvelle fois entendu des slogans antisémites dans les manifestations racialistes anti-Blancs en relation avec la mort de George Floyd et celle d’Adama Traoré. La figure du Juif redevient «l’ennemi du peuple», de tous les peuples en lutte contre la prétendue «domination blanche et occidentale».
Renée Fregosi est philosophe et politologue. Dernier ouvrage paru: Français encore un effort … pour rester laïques! (Ed. L’Harmattan, 2019).
Source: FigaroVox. 19 décembre 2020
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