Les choses ne sont jamais binaires:
J’ai trois passeports -tunisien, français, et Israélien. Chacun de ces passeports correspond à une partie de moi-même. Mais je n’ai qu’une seule patrie, c’est Israël.
On ne peut pas me faire dire des choses sans que je m’exprime sur un sujet aussi profond. Je suis juif et israélien, ou israélien et juif, rien d’autre sur le plan de mon allégeance.
Et , comme je suis régulièrement appelé à m’expliquer, il faut que tout le monde sache que je ne tricherai jamais sur ce sujet.
Mais, sur le même sujet, je reste aussi résolument respectueux de toutes les religions, partout dans le monde autant qu’en Israel; tout en précisant que, surtout en voyant ce qui se passe, mon pays est de loin le plus proche de l’objectif en terme de respect des autres, n’en déplaise à certains qui voudraient nous voir, une fois de plus, comme un grand Satan.
La Tunisie, à mes yeux, c’est mon passé. Un passé que j’ai aimé, dont je continue d’aimer les images et beaucoup de gens formidables. Mais ce passé ne reviendra pas, en tous cas pas pour moi. Pour faire du tourisme, un jasmin sur l’oreille, pourquoi pas; pour échanger avec les gens cultivés et suffisamment ouverts et laïcs de notre vision de l’avenir entre nos deux communautés.
La Tunisie est un pays merveilleux, dont nous étions les quasi découvreurs il y a plus de 2500 ans. il y a seulement 1300 ans, ce pays a été conquis, et fut instauré un régime plus ou moins bienveillant, nous permettant de vivre à peu près bien, souvent très bien, sans nous massacrer. Le statut de Dhimmi n’a pas toujours été simple, mais nous n’avions pas le choix. Il va donc de soi qu’ayant retrouvé le seul pays, microscopique d’ailleurs qui nous revient ,je n’ai aucune intention de revenir où que ce soit me soumettre.
Il faut préciser pour les rêveurs qu’Israël me revient à tous les titres: de l’histoire tri-millénaire où Jérusalem était juive, et aucune autre civilisation de l’époque n’existe encore à part nous. Donc personne n’est en droit de revendiquer cette terre, en dehors des juifs. De toutes nos péripéties à travers les lieux et le siècles, où le peuple juif priait pour « l’an prochain à Jérusalem ». Bien avant l’arrivée des temps de l’Islam. Si nous ne parlons que de succès militaires, ben nous devrions appliquer symétriquement les lois qui ont permis aujourd’hui l’existence de 50 Etats musulmans. Donc, apparemment, notre obligation de revenir en arrière ferait novation: un nouveau statut du « juif des nations ».
Enfin, à la mémoire des millions de juifs de toutes les couleurs, polonais, russes, autrichiens, allemands, français, marocains, tunisiens, massacrés, je ne fais aucune différence pour leur droit à tous de revenir sur une terre qui est à nous tous. Et ceux qui me refusent ce droit, sous divers prétextes sont des antisémites très rusés; mais ils ne m’auront pas.
Sauf que, à contrario, chez nous, les étrangers ont leur place. Ils ont déjà un passeport, et les droits de tous les citoyens d’Israël. Il n’y a aucun Dhimmi , mieux: celui qui dit un mot de travers sur un non-juif est sacrément secoué; et tout le monde le sait, sans ignorer que, comme partout, il y a aussi des racistes en Israël.
La Tunisie sera donc un merveilleux souvenir atavique, plein de joies et de larmes, et les caveaux de nos grands-parents, de nos ancêtres. Seulement je ne vis pas dans le passé, je m’ancre dedans.
La France, c’est une autre histoire. Alors que la Tunisie m’a rejeté ,de façon assez large, la France m’a accueilli. Avec son histoire pas glorieuse, et son autre histoire de liberté et de véritable respect de l’autre. Une immense civilisation, qui m’a reçue malgré mon accent chantant, mon passeport un peu trop métèque. Plus que cela, elle m’a offert plus que ce qu’on était en droit d’attendre en tant qu’étranger: une éducation exceptionnelle et gratuite, des soins du plus haut niveau , tout aussi gratuits, toute la culture à portée de main ; et quelle culture!
Bien sûr, j’ai croisé parfois la face la plus sombre, qui persiste encore . Mais je n’ai pas senti le danger vécu auparavant . Le droit de dire du mal publiquement des dirigeants, de créer des associations de toutes obédiences politiques, des plus farfelues aux plus dures. Le droit de se défendre en toutes circonstances , c’est ce que j’ai vécu. De cela, il reste une immense gratitude, et un passeport dont je suis fier encore aujourd’hui. Sans qu’on pense que je suis aveugle.
Mais les problèmes sont liés à une incompétence terrifiante des dirigeants depuis des décennies face à une délinquance clairement identifiée. Mais pour être clair également, je ne reviendrai pas en arrière non plus: j’aime la France, mais je n’y vivrai plus; comme d’ailleurs aucun autre pays du globe B »H.
Voilà, pour ce rapide tour d’horizon géographique et dans le temps. Comme beaucoup de juifs, je suis un peu compliqué, un morceau de toutes « mes » histoires. Mais la résultante c’est: un juif chez lui.
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