Michèle Chabelski. Souvenirs, Souvenirs (XXIII)

Bon

 Jeudi

   Les Cohen se sont attachés à une œuvre commune : faire un bébé.

   Le mot important de la phrase, c’est … attention !! « commune », bien sûr…

   Comme un équipage de chevaux indissociablement liés qui tire collectivement une calèche, ils ont coordonné leurs pas pour avancer ensemble vers le but convoité…

   La suite

     La belle-mère continue inlassablement à trinquer au petit garçon chez toi mon fils avec un regard de plus en plus critique vers mon ventre demeuré impitoyablement plat…

Un anathème est jeté contre cette improductive belle-fille…

  Nous avons déménagé, et offert la nouvelle décoration 100% adulte en ex voto à dieu, comme un signe de notre capacité à dépasser ce foutu désir dans une désinvolture propre à casser la farouche détermination du bon dieu contre nous.

   Bref, plus de petits lapins orange…

  Une espèce de donnant-donnant.

     Tu ne veux pas nous offrir l’enfant dont nous rêvons ?

    On vivra sans.

     Marre de supplier, d’espérer, de pleurer. Maintenant on s’en fout…

   Marre de voir le regard des copines se détourner pour annoncer une grossesse…

Maintenant on s’en fout…

  Marre de recevoir des appels gênés Voilà on fête l’anniversaire de Nicolas, mais t’es pas obligée de venir si…

  Si quoi ?

   Si ça pique, si ça brûle, si ça déchire ?

  Mais non !

T’inquiète pas ! On viendra ! Maintenant on s’en fout…

  On a alterné les explications crânes Non Non on veut pas d’enfants, avec les arguments édulcorés, On n’en veut pas tout de suite, parfois suivis de confidences lâchées d’un souriant On essaie, mais c’est pas toujours facile...

  Pour essayer, on essaie…

     Tout en précisant à Dieu: On essaie, mais on sait que c’est toi qui décides…

  La mécréante que je suis serait prête à suivre le chemin de Compostelle à genoux via Lourdes pour avaler l’eau miraculeuse en terminant son périple au Mur des Lamentations à Jerusalem par un papier incantatoire glissé dans un interstice du Mur sacré…

  Mais on s’en fout maintenant…

   Terminées, les conjurations qui lacèrent le cœur, les suppliques qui arrachent l’âme, les pourquoi qui brûlent les entrailles sèches et les sanglots refoulés qui émiettent le quotidien…

   Tout en continuant les traitements, piqûres, prises de sang boulevard Brune, vérification du plateau thermique, étreintes programmées, les années passent…

    Nous voilà à quelques encâblures de nos dix ans de mariage.

  Et là, si vous ne connaissez pas certaines lois juives, vous allez découvrir…

   A quelques heures d’écart, sans s’être bien évidemment consultés, belle-maman invite son fils à un café, Faut que je te parle, tandis que papa me propose de passer A l’heure que tu voudras Faut que je te parle…

   Ces rendez-vous restent secrets, et assez énigmatiques…

  La teneur de ces tête à tête fera l’objet de confidences post entretien filial …

   Belle-Maman explique à son fils que la loi juive autorise un mari à répudier son épouse au bout de dix ans de mariage, tenant pour acquis qu’elle est seule responsable de la stérilité du couple.

  Elle ajoutera- je le devine- que c’est du bol de pouvoir se débarrasser de cette péronnelle à si bon compte dans un respect total à la Torah…

   Et ça laissera la place à une fille de chez nous, mon fils, qui cuisinera de la viande cacher et ne considérera pas ses genoux comme des objets d’art à offrir au regard de tout le monde…

  Après la non juive (qu’on a rejetée à temps) et l’ashkénaze il est temps de songer à une union endogamique.

  Enfin.  Elle ne dit pas endogamique, elle dit Avec ta voisine de palier… C’est synonyme…

   Tel quel

 A quelques heures de là, Papa m’explique, soucieux, que la loi juive autorise un époux à répudier sa femme si l’union n’a pas été concrétisée par la venue d’un enfant, et que compte tenu des circonstances il est temps que je prenne conscience que je suis sur un siège éjectable…

D’autant, ajoute finement Papa, que Madame Cohen mère ne laissera pas passer l’occasion de…

  Il laisse sa phrase en suspens et me regarde avec une infinie tendresse…

   Scotchée je suis…

   Pâle et secouée…

    Ben s’il veut divorcer, on divorcera…

   Je retrouve Paul pour un dîner assez silencieux, on ne se racontera nos papotages familiaux que plus tard, et il m’annonce le lendemain que :

   Petit 1, on arrête tout traitement

   Petit 2, on part au soleil, loin, je prends l’avion et j’arrête de trembler pour la survie d’un inexistant fœtus…

  Petit 3, on organise une fête géante pour nos dix ans de mariage On n’a pas d’enfant et alors ?

   Ben oui…

    Et alors ?

     Vous pensiez que ?

      Ah mais non !

      Pas encore !

      Pas tout de suite !

       Mais je n’envisage pas un seul instant de vous dissimuler …

  Pas là où j’en suis…

   Mais pas aujourd’hui. Voilà.

    En fait c’est vous le démiurge, le destin de cette chronique est entre vos mains…

  Moi j’écris quasiment sous la dictée…

   Alors ?

   Que cette journée vous incite à de prudentes vacances de Noel, Castex punira de tests aléatoires ceux qui auront quitté la France pour aller skier en loucedé à l’étranger…

   Gare !!!!

      Je vous embrasse

© Michèle Chabelski

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