“Je donnerai à ta descendance toutes ces provinces, et par ta descendance seront bénies toutes les nations du monde” (Genèse 26-4)
Comme l’expliquait avec émotion le Secrétaire d’Etat Mike Pompeo lors de sa visite en Israël la semaine dernière, après s’être rendu sur le site d’Ir David – capitale du Roi David il y a trois mille ans – la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël “est une simple reconnaissance de la réalité. Il est incroyable que les Etats-Unis ne l’aient jamais fait jusqu’à ce jour” (1). Ces quelques mots ne suffisent toutefois pas à décrire l’importance du changement radical apporté par l’administration Trump dans les relations entre les Etats-Unis et Israël. Celui-ci va bien au-delà de la politique et des relations internationales, telles que nous les comprenons généralement et touche à un aspect bien plus profond des rapports entre les peuples, qu’on peut définir comme celui de la reconnaissance de l’identité collective authentique d’Israël.
Si l’on veut apprécier à leur juste mesure les accomplissements réalisés par le président américain Donald Trump pendant les quatre années de son mandat, il faut en effet envisager ceux-ci non pas comme des événements qui s’inscrivent dans le “temps court” de la vie politique et de la relation médiatique de l’actualité. Car ils s’inscrivent en réalité dans le temps long de l’histoire, et plus précisément, dans le temps spécifique à l’histoire juive et à l’histoire d’Israël, c’est-à-dire dans le temps des Toledot, concept hébraïque qui désigne, selon l’enseignement de Manitou, l’histoire des engendrements et le développement de l’identité humaine, et pas seulement l’histoire événementielle (2).
Pour prendre toute la mesure de ce changement radical, il faut revenir sur une des conséquences les plus remarquables de la politique de l’administration Trump au Moyen-Orient : la signature des “Accords Abraham” et l’établissement de relations diplomatiques entre Israël et plusieurs pays du Golfe. Contrairement à tous les accords de paix qui les ont précédés, les Accords Abraham” reposent non pas sur la cession de territoires par Israël, mais sur la reconnaissance pleine et entière du peuple Juif et de son identité nationale (3). Il ne s’agit pas seulement de la reconnaissance politique d’un Etat, mais aussi de l’acceptation de l’identité profonde d’Israël, celle qu’on ne peut définir uniquement par les termes du droit international. Il s’agit en fait, pour la première fois dans l’histoire des relations entre Israël et le monde arabo-musulman, d’un accord fondé non seulement sur des intérêts communs, mais aussi sur la conviction qu’Israël représente une chance et une bénédiction pour les pays de la région.
Les accords Abraham reposent ainsi – comme leur nom l’indique – sur la reconnaissance explicite par plusieurs dirigeants des pays du Golfe d’une filiation commune et sur leur compréhension de la promesse faite à Abraham, qui apparaît à plusieurs reprises dans le récit biblique : “Par ta descendance seront bénies toutes les nations du monde”. Or, c’est là précisément que réside le “secret” permettant de comprendre toute la portée, véritablement révolutionnaire, de la nouvelle politique instaurée sous l’administration Trump. Pendant plusieurs décennies, Israël a en effet poursuivi – avec l’encouragement des Etats-Unis et de nombreux pays occidentaux, de la Ligue arabe et d’autres acteurs de la politique internationale – une paix illusoire, qui reposait entièrement sur le principe mensonger de “la paix contre les territoires” et sur la négation de sa propre identité.
Le mensonge d’Oslo était largement le fruit de la volonté de certains Israéliens, encouragés par l’Europe notamment, d’échapper à l’identité collective authentique d’Israël (4). Comme l’avait affirmé à l’époque l’écrivain David Grossmann, avec une absolue franchise : “Ce qui est demandé aujourd’hui aux Juifs vivant en Israël, ce n’est pas seulement de renoncer à des territoires géographiques. Nous devons aussi réaliser un “redéploiement” – voire un retrait total – de régions totales de notre âme… Comme la “pureté des armes”… Comme être un “peuple spécial” ou un peuple élu (Am Segoula)” (5). Or les accords Abraham, toute comme la nouvelle direction insufflée par l’administration Trump à la politique américaine à l’endroit d’Israël, reposent au contraire sur la reconnaissance du peuple Juif en tant que “peuple spécial” (Am Segoula), c’est-à-dire en tant que peuple qui apporte la bénédiction à toutes les nations.
On comprend dès lors l’extrême froideur avec laquelle l’Union européenne et la France d’Emmanuel Macron ont accueilli les Accords Abraham et l’obstination presque diabolique (“perseverare diabolicum…”) avec laquelle elles s’entêtent à soutenir la fiction palestinienne. Dans l’inconscient collectif européen, l’Etat juif demeure le Juif des Etats, c’est-à-dire le représentant du peuple honni et maudit, qui a fini par trouver un refuge sur un bout de terre qui ne lui appartient pas… Il n’est pas anodin que la France souhaite d’une part bénéficier des avancées réalisées par Israël en tant que “start-up nation”, mais refuse d’autre part de reconnaître l’identité d’Israël et ses droits à Jérusalem et en Judée-Samarie. Car dans le schéma traditionnel de la diplomatie française, Israël incarne encore et toujours la figure du Juif maudit mais utile, prêteur d’argent ou conseiller des Princes, mais rien de plus. (6)
Or c’est bien sur ce point fondamental, et rarement exprimé dans les relations internationales, que repose toute la nouveauté apportée par l’administration Trump, tellement décriée par les chancelleries et les médias de la vieille Europe. Donald Trump, digne représentant d’une Amérique qui n’a jamais oublié le récit biblique sur lequel elle est fondée, est le premier dirigeant à avoir donné à l’Etat juif son statut véritable de peuple spécial (Am Segoula), c’est-à-dire de peuple “par lequel sont bénies toutes les nations du monde”. A ce titre, Trump est déjà entré dans l’Histoire, comme un moderne Cyrus et comme un bienfaiteur d’Israël. Il est le premier dirigeant américain – et espérons-le, pas le dernier, dont la politique envers Israël est guidée non par les éditoriaux du New York Times ou par les sondages, mais par la promesse plus actuelle que jamais, faite à Abraham à l’aube de l’histoire juive.
Pierre Lurçat
1. Voir le commentaire du Rav Manitou-Askénazi sur la parachat Toledot, Leçons sur la Torah, Albin Michel.
2. Propos rapportés par Odaya Krish-Hazony dans Makor Rishon, 20.11.2020.
3. Depuis les accords entre Israël et l’Egypte de 1978, et jusqu’aux accords d’Oslo de 1992, en passant par les accords avec la Jordanie. Tous ont instauré dans le meilleur des cas une paix froide, reposant sur le principe trompeur des “territoires contre la paix”.
4. Je me permets de renvoyer sur ce sujet à mon livre Israël, le rêve inachevé, et à la présentation que j’en ai faite au micro de Richard Darmon, et dans un entretien avec le rav Uri Cherki.
5. Cité par Y. Hazony, L’État juif. Sionisme, post-sionisme et destins d’Israël, éditions de l’éclat 2007, page 113.
6. Sur le lien entre antisémitisme et diplomatie française, voir le livre classique de David Pryce-Jones, La diplomatie française et les Juifs.
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Merci à Qualita
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