C’est dans le jeu que la vie se manifeste dans tout son éclat, sa truculence et sa préciosité. Les animaux courent dans les vastes plaines, gambadent et batifolent dans les bois. Ils se roulent dans la poussière, font des course-poursuites entre eux, feignent de se battre pour se rabibocher dans l’allégresse. Les oiseaux chantent avec ou sans raison, volent dans les immensités de l’azur en exécutant des piqués vertigineux, des circonvolutions spectaculaires. Ils réalisent comme de grands artistes des prouesses absolument inutiles, mais qui leur font plaisir. Le maitre mot du jeu est le plaisir.
Les enfants humains jouent, sautent, rient, courent. Ils se jettent à l’eau en riant de toutes leurs dents rutilantes et de leur bouche affamée. Les enfants rient de tout car ils ont bien raison: tout est risible dans cette aventure unique, insensée, presque inutile qu’est la vie.
Devenus adultes, les animaux continuent de jouer. Ils jouent jusqu’à l’ultime moment, la fin de la longue partie dont la nature éminemment mystérieuse tient l’alpha et l’omega.
Mais les humains, hélas, sont très tôt rattrapés et emprisonnés par les codes sociaux hérités du patriarcat et de la religion. Dans les géographies du malheur, les adultes sont figés dans l’attente de la mort. Sitôt sortis de l’enfance, ils deviennent des squelettes coupables habités par la peur du péché. Ils ne vivent plus et payent par leur mort lente ici-bas la vie promise dans l’au-delà.
En occident qui est présentement la partie la plus avancée de l’humanité, ces tenailles sont moins pesantes, parfois absentes même. Les adultes continuent à jouer au Québec, à courir sous le froid glacial ou la chaleur accablante. Ils continuent à danser, à chanter. La vie a gagné contre l’ordre ancien.
Plus que tout autre chose, la présence du jeu est la meilleure preuve de la bonne santé d’un peuple.
Le sérieux est la maladie du renoncement.
La sagesse est un linceul.
La vraie vie est jeu, rire, irrévérence, rébellion, beauté.
© Mustapha Amarouche
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