Bon
Lundi
Résumé des épisodes précédents
Les préparatifs du mariage boursouflent le temps …
Petits fours, toilettes, chaussures, fleurs, organisation du mariage religieux …
La future découvre qu’on exige un certificat de pureté pour s’unir devant le Très Haut.
Ça consiste en une immersion totale dans un bain rituel, appelé le Mikve, en compagnie des femmes de la famille.
Niet, dit-elle à son papa, car elle est polyglotte…
Le Papa, pas plus convaincu que ça du bien-fondé du plongeon purificateur, se voit chargé d’une mission : obtenir le certificat qui ouvrira les portes de ND de Nazareth.
Succès.
Triomphe.
Il obtient l’autorisation espérée.
Trop fort, mon Papa.
La suite
Le fiancé maintenant officiellement adoubé vient de temps en temps dîner chez mes parents où il découvre qu’une mère est un homme comme les autres, et que pour certaines la cuisine est plus un lieu de villégiature qu’un local odorant féminin d’où on extrait des chefs d’œuvre qui régalent les yeux et le ventre.
Ma mère n’est pas une junkie de la cuisine.
Il mettra du temps à accepter cette difformité familiale, inquiet sur mes propres dispositions à assurer le couvert, tandis qu’il garantira le gîte.
Et mes premières expériences ne le rassureront pas plus que ça.
Je ne vois aucune urgence à vous les décrire au risque d’écorner mon image.
Mais je promets une sincérité totale, et de toute façon, je serai une élève attentive aux conseils de belle-maman et aux instructions des livres de cuisine.
Oublions cela.
Pour le moment, j’essaie avec délice la robe virginale, les souliers aie, aie !! Et je décline l’offre d’un chignon tarabiscoté, mon couvre-chef me paraissant un symbole suffisant de raout nuptial.
Le fiancé est délicieux quand il est là.
Empressé, tendre, galopant sur le destrier de ses rêves, travaillant beaucoup, mais beaucoup, vraiment…
Un peu frimeur, un rien menteur, une attitude onctueuse avec tous ceux qui l’approchent, il s’est mis à un nouveau sport : apprivoiser mon père …
Nous courons ensemble les bijoutiers à la recherche des anneaux d’or, symboles de l’union de nos âmes.
Je choisis une alliance carrée très graphique
Pourquoi carrée, demande papa…
Sans doute parce qu’elle ne tourne pas rond, répond maman.
L’avenir lui donnera partiellement raison
Le fiancé, qui a d’autres chats à fouetter, se promet de remplacer plus tard, l’alliance par trop géométrique…
Et imagine , inquiet, la tête du rabbin qui devra bénir ce truc bizarre
En attendant je tente de régler cet épineux problème, et de donner corps à ce mot qui danse devant mes yeux : le henné.
C’est quoi, le henné ?
Je pensais à priori qu’il s’agissait de cette pâte que s’appliquaient les femmes musulmanes sur leurs cheveux pour leur donner cette teinte rouge caractéristique, mais je me dis qu’on devrait pouvoir élargir la définition.
Je pose donc la question à ma copine et future belle-sœur Renée.
C’est quoi le henné ?
Rires
C’est une fête. Tu verras, c’est très beau.
Mais c’est très beau, comment ?
C’est très beau comme une très belle fête.
Syndrome caractérisé du serpent qui se mord la queue.
A catch 22 situation en anglais.
Vous vous en foutez.
Vous avez raison.
En attendant je ne suis pas très avancée, alors je fais la tournée des popotes pour obtenir de plus amples informations.
Les ashkénazes ouvrent les yeux et les bras en signe d’ignorance…
Les séfarades sourient avec délectation, c’est une très belle fête…
Mais il y a déjà le mariage.
On a besoin d’une autre fête ?
Mais oui !
Je ne vois pas la nécessité d’un doublon, ma mère s’use déjà les jambes, les neurones et la trésorerie à organiser la sauterie nuptiale, pourquoi une autre fête ?
Quelqu’un lâche enfin un indice.
C’est une fête orientale.
Mais on est en France en 1971, qui réclame une fête orientale ?
nous disent en chœur ma future belle-mère et mes futures belles sœurs.
Léger désarroi personnel Fermentation cérébrale
Turbulence neuronale
Et…
C’est quoi, oriental ?
Ben, c’est une fête ou on mange, on danse à l’orientale et ou on offre à la mariée des corbeilles de cadeaux…
Qui offre ces cadeaux ?
Ben en général la mère et la belle-mère…
Je sens que ma mère peu au fait de ces coutumes pourrait déclarer forfait.
Et que ma belle-mère essaiera de dissuader son fils d’une inutile prodigalité, puisqu’il voudra sans doute participer à la liesse orientale …
J’apprendrai plus tard qu’il s’agit d’un remake d’une coutume arabe où s’étale dans de magnifiques corbeilles le trousseau de la mariée.
Nous n’en sommes pas là.
Et c’est tout ?
Ben on met des djellabas, les mariés sont assis sur une ottomane de velours rouge …
C’est tout ?
Ben on fait une petite pâte de henné allongé d’eau dont on couvre la paume des mariés qu’on enveloppe d’un ruban rouge…
Du henné dans la main ?
Comme un tatouage ?
Je pense : comme un marquage…
Je m’en ouvre à belle maman.
Une marque dans la main ?
Elle rit.
Oui.
Et on fait une prière en même temps.
Non.
Quoi, non ?
Je ne veux pas être marquée comme une vache.
Sa voix se fait sèche.
Quel rapport ? Il s’agit d’un moment de joie…
Je ne veux pas de cette joie-là...
Mon fils la veut.
Nous la ferons.
Je n’irai pas.
Mais si, vous irez, ma fille…
Un inégal bras de fer est engagé.
Je veux bien faire plaisir à mon promis, mais pas au prix d’une entame à l’intégrité de ma peau et…
1971
Une vingtaine d’années
Rebelle
Rigide comme un tronc de chêne…
Des années plus tard j’organiserai avec enthousiasme et fébrilité la célébration de la cérémonie du henné pour chacune de mes filles, veillant scrupuleusement à respecter la coutume, y ajoutant costumes orientaux, bijoux indiens pour faire bonne mesure, corbeilles princières pour les fiancés sous l’œil goguenard de ma belle-mère.
Chaussures, lingerie, draps de bain, petits bijoux, maillots de bain, talit et livre de prières pour les garçons déborderont de corbeilles tendrement empanachées par un essaim de femmes, orchestrant cette fête dans une ivresse gourmande…
En attendant, personne ne gribouillera ma main…
Mes parents sont soucieux.
Le henné doit avoir lieu après l’union administrative à la mairie…
Ils ont des raisons de l’être…
Il est 8 h 15 à mon réveil, heure programmée d’arrêt de mon clavier qui me hurle des stops ininterrompus…
Je me vois donc dans l’obligation de surseoir à la description annoncée de mon henné perso
Plus que 23 h d’attente…
Avec l’arrivée de la saison 4 de The Crown sur Netflix.
Alors ?
On se voit demain ?
Que cette journée vous offre un canapé confortable pour soigner un fondement mis à rude épreuve par le confinement …
Rangez les chocolats tentateurs.
Je vous embrasse
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