Bon
Dimanche
Résumé des épisodes précédents.
Après une fête de fiançailles sur un terrain qui conserva un éloignement réglementaire entre les deux communautés, les ashkénazes réservés d’un côté et les séfarades démonstratifs de l’autre, balle au centre, on attaqua dans l’urgence les préparatifs du mariage.
Suite
Après ma déconvenue en découvrant le nanisme de la bague de fiançailles, pov’petite chose, j’éprouvai un immense soulagement à l’idée que la belle-mère ait délégué ses pouvoirs à ma mère.
Qui prit les choses en main.
Et là, je fus saisie d’un tournis qui ravissait mon côté romanesque, scandé à intervalles réguliers par des réveils douloureux.
Quoi ?
Je ne pouvais pas fumer le samedi ?
Quoi ?
Je devais m’informer avec précision des règles de la cacheroute ?
Et de Ticha Beav qui suivrait de près les noces ?
Quoi ?
Je devais accepter les absences inexpliquées et les alibis alambiqués sans plus amples informations ?
Quoi ?
Je devais faire mes adieux à la belle-mère avant de partir en week-end avec mon fiancé et lui exprimer ma joie des heures passées avec lui au retour avant de regagner mes pénates ?
Quoi ?
Papa mentionnait délicatement la nécessité d’un bain rituel pour obtenir l’autorisation d’un mariage religieux…
Un quoi ?
Un bain rituel…
N’y pense même pas.
Il y pensait.
Entre C’est péché, C’est vulgaire, Baroukh Hachem et Mangez ma fille sinon vous n’aurez jamais d’enfants, je vis plusieurs fois monter les eaux du ras le bol qui noyèrent l’envie d’épousailles …
Je prenais la fuite dans un silence chagrin, parenthèse qui décongestionnait mon chaos interne…
Mais le fiancé revenait me chercher, éperdu, épris, me brossant le portrait idyllique de notre future vie d’époux heureux, il avait peut-être la flemme de chercher quelqu’un d’autre …
Je revenais…
Et reprenais le cours des préparatifs…
Non !!!
Pas de robe blanche…
Une robe rose …
Maman bafouillait de rage contenue, T’es complètement folle…
Tout le monde fit des concessions.
Ce serait une robe blanche piquée de fleurs roses…
Sacrilège !!
Et le voile ?
Non Maman
Je ne prends pas le voile.
Je me marie.
Ce serait un chapeau.
Un insolent canotier…
Entre mes palinodies et mes exigences, elle commençait à la trouver saumâtre et je lui gâchais quelque peu ses conversations téléphoniques avec ses copines…
Papa revint à la charge
Le rabbin exige le certificat du mikve…
C’est quoi le mikve ?
Le bain.
Rituel.
Purificateur
Pourquoi purificateur ?
Je ne suis pas pure ?
J’étais assez pure pour partir en week-end avec mon fiancé, mais pas assez pure pour partager notre nuit de noces ?
C’est non.
Je demandai néanmoins des explications complémentaires.
Oh c’est rien, affirma-t-il avec enthousiasme. On te plonge dans un bain avec …
Plonge ?
La tête aussi ?
La tête aussi ...
Tu peux inviter qui tu veux, maman, ta belle-mère, des copines…
En maillot de bain ?
Euh. Non…
A poil devant tout le monde ?
Enfin. Je veux dire : toute nue ?
Papa était assez prude et cette conversation devait profondément le gêner, mais Maman avait gracieusement offert son tour…
En quelque sorte.
Mais tu peux inviter qui tu veux, je te le répète…
Inutile de répéter…
Et la rabbine fait une prière pendant que tu marines dans l’eau bénite, puis les femmes organisent une petite fête avec des gâteaux…
L’eau bénite ?
Tu rigoles ?
Sans moi je te dis…
J’avais appris en outre qu’il fallait se couper les ongles à ras, impensable sacrifice que j’avais refusé même pour jouer du piano…
Papa était en porte à faux avec ces coutumes, lui le fils de rabbin devenu profondément laïque, devait me convaincre d’effectuer un geste dont il ne percevait pas l’absolue nécessité…
Mais j’étais d’accord pour me marier à la synagogue, robe rose pas vraiment rose, grandes orgues, musique déchirante, cortège solennel, cet apparat ronflant qui scellait une histoire d’amour dans une dramaturgie bouleversante et faisait de moi la princesse d’un jour, tout cela comblait mes rêves de petite fille pas complètement grandie…
Mais le mikve, non…
Papa sut négocier avec diplomatie l’obtention du certificat convoité…
Un peu comme il avait su négocier le permis de conduire…
Négocier devant être pris au sens propre…
Bref…
Le temps passait à vive allure, on comptait les canapés et les petits fours, on chassait le soulier élégant, haut, mais suffisamment confortable pour me permettre d’ouvrir le bal sans grimace et de twister une soirée entière sans pleurer mes pieds martyrisés…
Je sais …
Parler de pieds dans cette solennité ambiante peut paraître inconvenant, mais quelque part, la pompe rejoint les pompes (ça y est ? Vous avez compris) ?
La belle-mère, dans cette effervescence régalienne, annonça qu’elle offrait le henné.
Oui.
Offrait…
Le quoi ?
Le henné…
C’est quoi ?
Ma cruauté légendaire vous abandonne sur le rivage de cette épineuse question.
Si j’étais payée à la page, je pourrais m’offrir un penthouse sur Central Park.
Ce n’est pas le cas.
Il s’agit d’un simple abus de ma part qui me pousse à vous demander une participation active sur la poursuite de ce récit autobiographique garanti 100% bio.
Alors le henné ?
Stop ou encore ?
Que ce dimanche de confiné qui ressemble pour certains aux jours de la semaine de confiné vous soit doux et porteur de cet objet essentiel aujourd’hui : la patience…
Je vous embrasse
© Michèle Chabelski
Un détail qui intéresserait qui de droit. Ou pas.
Il n’existe AUCUNE raison religieuse qu’un mariage juif ait lieu « à la synagogue ».
Le mariage a lieu sous un dais nuptial qui peut être bien modeste et provisoire : un simple drap blanc sur quatre piqués portés par quatre malabars (voire plantés dans le sol).
Le tout à l’extérieur ; éventuellement à ciel ouvert.
La présence d’un rabbin et de deux témoins (et du couple…) suffit.
En Israël c’est souvent le cas ; sachant que la météo s’y prête.
Sinon, ça se déroule parfois dans des salles de fêtes polyvalentes (discothèque ? Pourquoi pas).
Ailleurs qu’en Israël l’habitude de le faire à la synagogue (louer la salle, en vérité) provient d’autres raisons ; entre autres la nécessité d’arrondir les fin des mois de la communauté.
Autre détail (mais personne ne l’ignore, n’est-ce pas).
La date du « mikvé » (le bain rituel précédant directement le mariage) est fixée précisément au maximum de la partie « féconde » du cycle menstruel de la mariée.
Simple optimisation du résultat… Du premier coup, quoi…