Oui, aujourd’hui 9 novembre au soir en 1938 la Nuit de Cristal a mis fin à la vie juive en Allemagne, commençait ce matin mon amie Evelyn Askolovitch.
Oui, on commémore aujourd’hui la disparition du Général de Gaulle.
Oui, nous vivons une époque bizarre, perturbante, confinée, à cause du Covid.
Mais, à force de se lamenter sur les fleurs que nous ne pouvons pas acheter, les chaussettes impossibles à trouver, ni d’ailleurs les slips pour les uns, les petites culottes pour les autres, les bouquinistes qui ont fermé boutique, à force de se rabattre sur…les plaques de chocolat pur, au lait, avec ou sans noisettes, amandes ou raisins, même moi je pourrais devenir neurasthénique !
Et bien je refuse, je n’ai pas envie, pas envie du tout de rejoindre le chœur des lamentations, la symphonie des plaintes en tous genres, de chanter la chanson des On me prive de mes libertés !
Enfin franchement : vous achetez tous les jours des chaussettes, vous n’avez plus aucun soutien-gorge dans votre placard (je sais, la gente masculine n’est pas concernée), vous êtes brimé dans l’essence de votre vie ?
Et bien moi je refuse de vous rejoindre : je me suis acheté, avant, des fleurs artificielles, très jolies, j’écoute des concerts à m’en saouler, je regarde des âneries le soir à la télévision et, le comble, je perds mon temps précieux à vous écrire sur Facebook !
Belle journée tout le monde !
Bravo, et je suis bien d’accord, Evelyn Askolovitch, répondit cet autre ami, Jacques Neuburger, que les lecteurs de Tribune juive connaissent. Pour ma part si je proteste ce n’est pas en songeant à moi: j’ai un piano à queue, un orgue, une belle discothèque, une bibliothèque immense, de quoi lire, écouter de la musique, en jouer pour mille ans – et encore quelques chaussettes. Et puis j’ai des nouilles, des haricots secs, des lentilles, des oignons, des raisins secs, des noix, des figues et des dattes….
Mais je songe à toutes ces gens plus que modestes qui n’ont jamais rien acheté en dehors du prisu, comme les auxiliaires de vie qui viennent m’aider à vivre, qui pour le maigre salaire qui leur est versé sont déjà tôt le matin chez certains, tard le soir chez d’autres et vont et viennent de banlieue en banlieue pour faire vivre leur famille.
Pour le reste, la nuit de cristal est une date parmi les dates de la plus sinistre mémoire.
Ce judaïsme allemand qui était celui de toute une partie de ma famille paternelle est comme mort ce jour-là.
Ma cadette avait voulu dans le cadre d’échanges européens accomplir un semestre d’études en Allemagne, puis aussi son stage d’ingénieur. Un jour, elle était à Frankfurt am Main, un soir, elle va au mémorial et elle y compte 278 Neuburger alors que notre nom est si rare aujourd’hui: elle m’a appelé, face à cette réalité elle s’était assise par terre et pleurait.
Alors, ne pas pouvoir aller acheter une chemise à la mode.
Je viens de me tailler comme je pouvais cheveux, barbe et moustaches, je me suis raté – et je m’en contrefiche.
Tout est dit à propos des réseaux sociaux. Qui s’avèrent pouvoir être le meilleur et le pire, chacun le sait. Ce matin, en les lisant, je pensais à tous ceux, confinés, qui se livraient, confiant un petit quelque chose de leur vie et de leurs réflexions.
Miroir de la société, certains fils sont odieux de prétention et vous font vite quitter ces Trissotin du pauvre. D’autres sont une réjouissance pour l’âme: on y échange sans s’écharper. L’humour, la culture, la délicatesse et même un brin de bienveillance vous invitent à côtoyer ces êtres pas si virtuels qu’il est dit.
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