Charlotte Gainsbourg. Je ne croyais pas en Dieu, mais je voulais des règles

Votre père disait que vous étiez un cocktail Molotov, fait de « sang ruski et british », et vous, vous désiriez être juive. Pourquoi ?

Charlotte Gainsbourg : Ça m’intriguait. Je ne savais pas ce que c’est d’être juif. J’entendais les histoires de la Seconde Guerre mondiale dans la famille juive de mon père, mais ils parlaient surtout de l’excitation de se cacher des Allemands, sans insister sur le côté tragique.
Je ne savais pas si mon père était circoncis ou pas.
Lui disait qu’il l’était de naissance — comme Moïse, ou le Messie —, la vieille blague ! Il était très antireligieux.
Il m’a quand même donné une étoile de David qui appartenait à ma grand-mère et il était fier de me voir la porter.
Quand ma grand-mère est morte, j’ai ressenti une attirance irrésistible pour la religion. J’allais à la synagogue toute seule, je faisais Kippour, j’allumais des bougies en cachette.
Je m’appropriais la religion de manière maladroite, je mettais des jupes, croyant que le pantalon m’était interdit.
J’allais acheter des livres de prière en phonétique.
Je ne croyais pas en Dieu, mais je voulais des règles.
J’ai même été « adoptée » par une famille avec laquelle je célébrais les fêtes juives. Je me cherchais une identité.
Je souhaitais appartenir à cet univers qui ne voulait pas de moi. J’entendais dire : « Tu ne seras jamais juive. »

Quand mon père est mort, j’ai tout envoyé balader d’un coup. Sur son lit de mort, je lui ai mis mon étoile de David autour du cou et j’ai pris celle qu’il portait.
Et je me suis éloignée de la religion de manière aussi absurde que je m’en étais approchée.
Aujourd’hui, je suis contente de ma double appartenance, entre l’Angleterre anglicane et le judaïsme d’Europe de l’Est.

Je suis heureuse de ne rien démêler et de transmettre ce trouble à mes enfants.

Charlotte Lucy Ginsburg, dite CHARLOTTE GAINSBOURG, fille de Jane Birkin et Serge Gainsbourg, née le 21 juillet 1971 à Londres (Royaume-Uni), est une actrice et chanteuse franco-britannique.

Source: Télérama. 2015

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