Confinement 2 – Jour 6…
C’était comme un sentiment d’écrasement que ce sommeil sans rêve s’emparant soudain de la bête – sommeil étrange, puissant, comme ces sommeils qui parfois emportent celui ou celle qui connaissent un grand deuil, une grande rupture dans leur existence, un de ces chagrins qui n’auront point de fin, ces instants où il se faut de peu que le coeur ne se brise, s’éclate, ces temps où l’on perçoit, non métaphoriquement mais bien physiquement, le sang refluer, ces temps où temps et coeur semblent s’arrêter – on pleure si on le peut ou bien on en demeure saisi, devenu comme automate.
on pleure si on le peut ou bien on en demeure saisi, devenu comme automate
Il se peut qu’on boive, un verre d’eau, un verre de schnaps de la bouteille sortie de l’armoire, il se peut qu’on satisfasse d’animales fonctions, mais c’est comme si c’était un autre, une autre – on peut même paraître étrangement calme: des étrangers insensibles, ces étrangers que parfois on croise au sein de son entourage le plus proche, vous trouveraient étrangement insensible et plus tard la légende de votre insensibilité s’en irait courant votre propre famille ou prétendue telle.
On serait peut-être même étrangement concret, technique: selon les faits on fermerait la porte pour toujours, on prendrait rendez-vous avec un avocat ou avec les services funéraires, on se chercherait où loger – certaines femmes ainsi ont ainsi quitté leur demeure en pleine nuit tenant de chaque main la main à un enfant stupéfait, endormi.
Puis soudain, chez soi ou au refuge provisoire trouvé, assis sur un fauteuil, un moment, abêti, sidéré, comme si la main d’une mère sur les paupières s’était posée sur les yeux d’un très petit enfant, soudain, oui, d’un seul coup, on s’endort très profondément, d’un coup, comme si ce sommeil, comme on dit: de plomb, était comme de mort et scellé comme plombs de cercueil.
Plus tard on se réveille, on revient au monde, on réapprendra même à sourire, à rire, à être léger dirait-on. Plus rien pourtant, plus rien, ne sera comme avant. Et la confiance en l’autre peut-être sera morte.
© Jacques Neuburger
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