Pour rappel, en août 2020, Yvan Msika avait évoqué la puissance de ces mots que pour beaucoup nous nous adressons le vendredi: « Shabbat Shalom »!
« Le feu passe au vert, voici arrivé le moment de nous séparer et de mettre un terme à cette brève rencontre. Nous échangeons un au revoir et le souhait mutuel d’une bonne fin d’après-midi et lui de rajouter avant de filer :”Shabbath Shalom”.
Ces deux mots ont révélé de façon indestructible le lien qui attachait deux inconnus qu’en apparence rien ne rapprochait.
Depuis des décennies, des siècles et des millénaires, des Juifs inconnus les uns des autres, en échangeant ce simple souhait construisent en un instant un pont les reliant.
Le Juif isolé dans la multitude humaine grâce à cet échange s’entoure de son peuple, s’apparente à sa terre Israël et se réfère à son livre sacré, sa Thora. En même temps qu’il prononce ces deux mots Shabbath Shalom, il évoque les trois piliers du Judaïsme: son peuple, sa terre, son livre. En deux secondes il résume ce qui a suscité des dizaines et des dizaines de milliers de pages d’écriture, de prières, de pensées philosophiques, d’essais sociologiques, d’écrits romanesques et de poésies, de controverses et d’exégèses.
Quelle force est donc contenue dans ces deux mots ? Soudain il me vient à l’esprit la prétention de les comparer à la puissance et à la concentration d’énergie contenue dans le noyau de chacune des cellules de notre corps et de notre environnement.
Telle une ritournelle, c’est chaque semaine, depuis la nuit des temps, que ce souhait vient rappeler à chaque Juif sa condition, faisant de lui un être à part, avec une responsabilité particulière.
Qu’est ce qui fait que depuis toujours le Juif, tous les sept jours, ferme sa fenêtre, sans toutefois tirer les rideaux, et porte son attention vers quelque chose d’autre? Qu’est ce qui l’encourage à laisser de côté ses préoccupations, à changer ses priorités et à partager avec tous les autres Juifs ce comportement pour le moins curieux ? C’est le Shabbath.
Quel processus miraculeux fait que l’être Juif tous les vendredis, quel que soit sa culture, son niveau social, qu’il vive à Manhattan ou au Yémen, dans les contrées les plus au nord ou dans les pays équatoriaux, se déconnecte de la réalité chacun selon la proportion qu’il choisit ?
Pour le Juif religieux la réponse coule de source, mais pour tous les autres Juifs?
Ces quelques réflexions couchées sur le papier viennent d’une personne, moi, qui ne suis pas du tout un homme religieux, qui ne fréquente pas les Synagogues, qui ne respecte pas non plus le Shabbath.
Je ne fréquente pas les Synagogues, mais chaque fois que je suis amené à y aller je m’y sens bien, comme chez moi et je serais tenté de rajouter: je m’y sens comme à la maison.
Je ne respecte pas le Shabbath mais chaque fois que j’ai été amené à le respecter de façon très stricte j’en ai ressenti toute la profondeur, le bienfait et la plénitude qui l’accompagnaient.
Je ne suis pas un Juif religieux mais je suis un Juif jusqu’au bout des ongles et je suis convaincu que c’est la religion qui est le liant et le ciment du Judaïsme. La pratique, et je dirais même la croyance religieuse, même si je ne partage pas du tout certain de ses aspects, est indispensable à la pérennité du Judaïsme. Là est la raison du respect que la religion m’inspire.
D’où vient, encore cette question qui ne cesse de m’interpeller, la force et la particularité de l’être Juif ?
Je pense qu’au fond de chacun d’entre nous brûle une étincelle, une flamme, pour certain très grande, pour d’autre très petite, voire insignifiante au point que l’on ne la distingue plus et que l’on pense que sa lueur a disparu, mais cette flamme existe toujours.
Chacun de nous est le gardien de SA flamme. Il a la responsabilité et le devoir de l’entretenir pour la transmettre aux générations futures qui auront la responsabilité de la transmettre à leur tour et ainsi de suite jusqu’à ……. Toujours.
Tel est notre devoir. Tel est notre destin. On ne peut envisager une vie sans devoir. Le devoir n’est pas une corvée, il est un but, une raison d’existence. Nos pères et nos mères l’avaient bien compris puisqu’ils nous ont passé le flambeau qui entretient en nous la lueur de cette étincelle.
Plus haut j’écrivais que le Juif fermait sa fenêtre le Shabbath sans tirer le rideau. En effet le Juif ne s’est pas contenté depuis la nuit des temps de s’enfermer sur lui-même et sur ce que l’on pourrait penser être sa condition, bien au contraire, voilà un peuple qui a donné plus que tout autre sa contribution à l’évolution tout azimut de l’humanité, là réside peut-être sa véritable condition.
N’est ce point de là que vient la force de ce peuple qui a résisté depuis la nuit des temps à la destruction voulue par tant d’autre peuples, par d’autres civilisations et parfois par lui-même?
Comment ce peuple qui parait si fragile par le nombre de ses composants a-t-il pu traverser l’histoire malgré toutes les tragédies qui l’ont accompagné?
J’ai le devoir de conserver toujours en moi cette flamme dont je ne suis que le dépositaire, je dois, avec l’aide de Kathy qui détient sa propre étincelle, la transmettre à mes quatre enfants Alexandre, Yoann, Anne-Claire et Eva-Flore qui à leur tour doivent la transmettre avec l’aide de leur épouse et leur mari, à leurs propres enfants.
Être Juif n’est pas un état ponctuel, c’est une action qui s’inscrit dans le temps.
Il y a la force physique, la force par le nombre, la force par la puissance primaire. La véritable force est celle de l’esprit et de l’intelligence, à nous de choisir celle qui depuis toujours a assuré la pérennité de notre peuple.
Pour toutes ces raisons, que ce soit sous la neige de l’hiver ou sous un doux soleil de printemps, je vous souhaite Shabbath Shalom.
C’est cela que d’être Juif ».
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