Ce que révèle la récente radicalisation de l’auteur de l’attentat du 16 octobre…
Un détail découvert dans le journal Le Monde, qui revenait hier sur la radicalisation de cet homme. Son basculement est net -découvre-t-on dans l’article- depuis le 25 septembre dernier, jour de l’attaque près des anciens locaux de Charlie Hebdo. Il s’en prend alors aux juifs, aux athées et à tous les comportements qu’il juge « haram » : la danse, le chant, Netflix et … le « Caprice des Dieux », un fromage jugé polythéiste. Voilà ce qu’il y a dans la cervelle de ces criminels, le refus du « Caprice des Dieux »… Faut-il en rire ou en pleurer ? Probablement les deux.
Le terroriste ne mangeait plus de « Caprice des Dieux », peut-être avait-il décidé de ne plus toucher au « Port-Salut », et se détournait-il du « Chaussée aux Moines », mais en tout cas notre ennemi avait identifié ses ennemis, un fromage à pâte molle et à croûte fleurie, à l’emballage reconnaissable grâce au bleu, blanc rouge, voilà un fromage républicain. A l’origine il y avait une hostie jaune encadrée par Zeus et Poséidon sur cet emballage – c’était donc la vraie période polythéiste de ce fromage. Mais depuis 1964 le « Caprice des Dieux » est entré dans sa période œcuménique puisque la marque orne son fameux ovale de deux chérubins.
Alors ne vous méprenez pas, je ne fais pas partie de ceux qui pensent que la radicalisation, ou le communautarisme, naît au rayon frais des hypermarchés. Je me souviens même qu’en 2015 Daesh faisait de la propagande en montrant que les magasins de Raqqa étaient largement approvisionnés en Kinder et même en Snickers, des produits radicaux principalement du point de vue de leur contenance en gras et en sucre.
Mais pour le reste comment lutter contre des personnes pour qui la spiritualité est enfermée dans une boîte à fromages ? Le critique littéraire George Steiner avait consacré un beau texte à notre rapport aux métaphores, un texte intitulé « La longue vie de la métaphore ».
Pour lui, il y avait un danger terrible à prendre le réel pour une métaphore. Il songeait à l’histoire en général et à la Shoah en particulier. Selon lui, une métaphore, lorsqu’elle se transforme, devient une forme vide, une catachrèse comme on dit en rhétorique. Mais il y a pire encore que de se prendre les pieds dans la métaphore, c’est de confondre le réel et la métaphore, bref de s’en tenir au littéralisme, de s’en tenir au pied de la lettre, de croire que le dieu des caprices nous impose d’abord de s’abstenir de caprice des dieux.
Source: France Culture. L’Humeur du matin par Guillaume Erner.
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