Un individu a tagué en rouge une vingtaine de croix gammées sur une vingtaine de colonnes de la rue de Rivoli. Il a été déféré au parquet. Le procureur de la république a retenu le grief de « dégradation de biens classés ».
La décision du procureur est stupéfiante à de nombreux égards. Elle est symptomatique.
– La première idée que retient un étudiant en Droit, un magistrat, un avocat, un citoyen devant le spectacle de croix gammées taguées sur des immeubles urbains est l’association naturelle & historique de la croix gammée au nazisme. Il est impossible à un magistrat du parquet d’échapper à cette règle, à la règle, et encore moins à la règle de Droit !
– Le procureur conteste l’évidence visible. Il oblige ainsi à trois questions. Soit le procureur est incompétent dans l’exercice de sa fonction, soit il procède d’une idéologie contraire au Droit et à la procédure, soit il a obtempéré à la hiérarchie dont il dépend. Dans les trois cas, en théorie procédurale, la production du procureur nécessite une rectification ou une démission immédiates.
– Le rôle du parquet est de défendre et de représenter les intérêts de la société. Il est inconvenant et incompréhensible qu’il accepte une telle décision qui viole les dispositions procédurales, fonctionnelles et juridiques auxquelles il est astreint. La décision du procureur ne respecte pas l’intérêt de la société qui est de combattre l’antisémitisme.
- La décision du procureur est d’autant plus inacceptable que le Droit français dispose d’une législation de lutte contre l’incitation à la haine antisémite, racistes, sexistes, et de ségrégation qui permettent par leur application de les sanctionner avec la plus extrême vigueur.
- L’absence de retenue par le procureur du caractère antisémite du délit n’est pas le premier en France dans des cas similaires d’expressions manifestes d’antisémitisme. C’est un phénomène désormais usuel en France qui a de quoi inquiéter les partisans de la démocratie judiciaire et du respect dû par les magistrats à l’existence des lois en vigueur en matière de lutte contre l’antisémitisme.
- L’inquiétude de cette désinvolture juridictionnelle est à considérer avec la force du Droit. En effet, ce comportement de distanciation des obligations judiciaires s’observe en France uniquement ou presque qu’en matière de lutte contre l’antisémitisme. Les cas similaires dans les cas de racisme dû à la couleur de la peau ou à l’origine des individus sont rares et sans comparaison avec ceux relatifs à l’antisémitisme.
- Nul doute que l’absence de retenue de l’évidence factuelle et juridique du caractère antisémite qui consiste à taguer des croix gammées-nazies sur l’espace public constitue un encouragement à l’antisémitisme par l’hémiplégie procédurale, judiciaire et juridique du procureur concerné.
– Chargés de la défense des intérêts de la société, les procureurs ne sont pas non plus retranchés de ladite société. Il est inconcevable que le procureur ne sache pas l’ambiance d’infractions, délits et crimes antisémites qui entachent la France depuis de nombreuses années.
– Un élément périphérique à la décision de ce procureur permet d’ajouter à la confusion ambiante en France autour des méfaits antisémites, sexistes et racistes. La nationalité (géorgienne) du délinquant est indiquée dans les media. C’est une exception à noter.
La décision du procureur est symptomatique d’une imperfection fonctionnelle de nature périlleuse. Elle contrevient à la nature de sa fonction comme à l’utilité procédurale du Droit commun. Elle s’agrège à d’autres décisions de la même espèce.Elle est particulièrement inquiétante.
Pierre Saba
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