Pierre Saba – Judéo-Chrétien? !

Le double adjectif « judéo-chrétien » arpente régulièrement les colonnes des journaux, les expertises & autres analyses en radio, en télévision & sur internet.

Il est utilisé en explication, en conclusion d’hypothèses toutes plus hasardeuses les unes que les autres.

Plus qu’un double adjectif, « judéo-chrétien » est un oxymore. Cet assemblage que tout oppose ne résiste ni à la synthèse, ni à l’analyse.

Il n’est d’élément historique, sociologique, géographique, qui soit « judéo-chrétien ».

A cela, cinq raisons essentielles.

1- Le christianisme historique s’est ingénié à détruire le judaïsme & les Juifs par les persécutions, les tourments, la fiscalité, l’éducation et tout ce que la haine dogmatique peut produire à l’égard d’une minorité phagocytée par les mesures hostiles prises à son endroit.

2- De nombreuse églises chrétiennes actuelles poursuivent la haine sous une forme atténuée par l’absence de Juifs dans les sphères concernées et par les respects & contrôles approximatifs des droits humains.

3- Le christianisme ne se limite pas au « catholicisme apostolique romain ». Si le concile de Vatican-II a éliminé l’antisémitisme idéologique du catholicisme, les églises orientales catholiques, orthodoxes, autocéphales ou dépendantes, certaines églises latines poursuivent le mythe antisémite du « peuple déïcide ».

La fureur antisémite des chefs de files indépendantistes chrétiens en Irak, en Syrie, s’est jointe aux musulmans dans la lutte contre Israël en particulier et les Juifs en général.

A cet égard, le « parti national socialiste syrien », créé par Antoun Saadé, chrétien et antisémite notoire, existe toujours sous la forme atténuée par un changement de nom et le maintien du parti « antisioniste ».

4- L’Europe chrétienne a persécuté légalement, législativement, juridiquement les Juifs aux XVIII ème, XIX ème & XX ème siècle. Les exemples sont multiples & non exhaustifs.

Dénaturalisations diverses des sujets espagnols de confession juive, décrets français de 1938 de restriction des libertés et de concentration de « Juifs étrangers », lois antisémites de Hongrie de 1928, de Russie, etc.

La consultation des lois & règlements de l’ « Etat libre de Prusse » entre 1918 et 1945 administre les prussiens juifs comme des sujets de dernière catégorie aux droits limités par une kyrielle de lois antisémites.

5- les similitudes théologiques entre les christianismes et le judaïsme sont de pure forme.

L’adjonction de « judéo » est destiné à (faire) croire à la source juive du christianisme et donc à une supposée identité de vue entre les deux croyances. Or, s’il est vrai que la source principale et non unique du christianisme est le judaïsme, s’il est vrai que des similitudes nominales existent entre les deux, la ressemblance s’arrête là, et ce, au moins pour deux raisons.

Les christianismes considèrent le judaïsme comme un christianisme inachevé et les juifs comme des égarés à convertir.

Les ressemblances nominales et chronologiques entre les occurrences juives et chrétiennes s’arrêtent à la forme. La théologie chrétienne reprend des célébrations hébraïques en en changeant fondamentalement la raison et l’aspect.

Par conséquent, « judéo-chrétien « est un amalgame inconsistant, incorrect, irréaliste, dans sa forme comme dans son fond.

Il est toujours destiné à justifier des imperfections ou des erreurs théologiques, idéologiques, politiques liées directement ou indirectement au christianisme.

Le « judéo » n’a rien à faire dans cette conjonction factice destinée à aider le christianisme et ses explications du Monde, de tous les mondes.

Cette réunion forcée est dénuée de sens. Elle tend à maquiller les responsabilités. Elle relève d’un colonialisme théologique qui ne tient pas compte de l’évolution des mœurs théologiques et personnelles.

Seule exception, les partisans de l’amitié judéo-chrétienne n’utilisent jamais cette locution à des fins péjoratives. Il l’utilisent à des fins emphatiques et de sympathie réciproque.

Pierre Saba

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3 Comments

  1. Effectivement la bizarrerie linguistique « judéo-chrétien » est un oxymore qui ne résiste pas à l’analyse. MAIS c’est entré dans le langage courant.

    C’est comme ça que la langue se forme et évolue : elle adopte les tournures qui l’arrangent car elles sont dans l’air du temps ; elle passe allègrement outre le savant découpage des cheveux en quatre.

    En l’occurrence la raison de cette adoption saute aux yeux ; mais apparemment pas à ceux de Pierre Saba:
    « Judéo-chrétien » exclue l’Islam…. Sans le dire, cela se réfère à tout-ce-qui-n’est-pas-musulman…

    Chemin faisant cela laisse entendre une alliance (de revers ? contre nature ?) entre judéité et chrétienté face à l’Islam.
    Voire une définition large, plutôt civilisationnelle que religieuse, des termes Judaïsme, Christianisme et Islam ; laissant l’Islam en dehors d’un ensemble composé des deux premiers.

    Bref, l’ennemi de mon ennemi est mon ami….

    • Bonjour, merci pour cet article et votre commentaire, je suis chrétien, j’ai la foi depuis ma découverte des textes bibliques hébraïques. Mon coeur penche vers la confession hébraïque depuis quelques décennies. Je reconnais douloureusement que le christianisme s’est approprié l’histoire et les prérogatives des descendants d’Abraham et de crier haut et fort être le « nouvel Israël » d’où le mépris, l’opposition et la tentative de nier et d’éclipser le judaïsme. Ce mépris est sinistre et est réellement à l’origine de tous les pogroms et de tous les camps d’exterminations. Le milieu musulman justifie sa présence au monde en ravissant également tout ce qui appartient à la confession judaïque. Je tente, dans ma foi, de ne pas tout accepter doctement et de chercher dans l’histoire et la foi juive des chemins d’explication en laissant toutefois de nombreux passages en friche. Bref, Chrétien mais j’aime et je béni le judaïsme, les Juifs que nous ne méritons pas.

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