Parmi toutes les fêtes du calendrier juif, Soucoth exprime le mieux la mission universelle d’Israël. Aux époques du Sanctuaire, puis du Temple, on y sacrifiait, en decrescendo, pendant les sept jours de Soucoth, soixante-dix taureaux pour que le pardon soit accordé aux « soixante-dix nations » , chiffre conventionnel des peuples du monde.
Même idée pour le bouquet de Soucoth. En rendant grâce à la protection de Dieu, le fidèle qui récite le Hallel, élève et tend ce bouquet dans les six directions de l’espace. Il s’adresse, dit Rabbi Yohanan (Tal. Souca 37b) « au Maître des quatre points cardinaux » – qui en hébreu s’appellent « roua’h », même mot que « vent ». Ce qui permet à la tradition talmudique de passer aux réalités climatiques, au vent, qui en chassant les nuages, modifie les climats et accorde la pluie à la terre! A la terre d’Israël, bien sûr, qui après six mois d’été sans la moindre goutte d’eau, attend la pluie du ciel (du Ciel!) avec une impatience mêlée d’inquiétude, mais aussi à la terre entière.
Dans un texte qui sera désigné comme haphtara au début de Soucoth, Zacharie (14, 8 et 9) prophétise en ces termes: « Ce jour-là, des eaux vives sortiront de Jérusalem, la moitié vers la mer orientale, la moitié vers la mer d’occident –en été comme en hiver. Ce jour-là, L’Éternel sera roi de toute la terre, L’Éternel sera un et son Nom sera un. » Les eaux vont sourdre de… Jérusalem, piton perdu, sans signe apparent de grandeur, que Dieu « a choisi » (Deut. 12, 5). Et cette eau ira à la terre entière qui reconnaîtra alors la souveraineté du Dieu unique.
Ce schéma n’a rien de révolutionnaire. Il ne devrait guère surprendre ceux qui prennent au sérieux l’engagement auquel Israël acquiesça (Ex. 19,6) de servir de « nation-prêtre » à l’humanité. Déjà mise à mal par l’antijudaïsme, l’idée sera emportée par la shoa. Puis par la reprise de l’antisémitisme, de l’éclosion de l’antisionisme et les majorités automatiques contre Israël des Nations… Unies.
Ce qui a provoqué l’enseignement recroquevillé de trop d’enseignants dans les écoles, de trop de maîtres en Israël. Comme si Israël désespérait de l’universel. Comme si la nouvelle hostilité dont le peuple juif est victime n’était qu’une variante du refus opposé à sa mission universelle.
N’empêche! La Tora demeure. Nous continuerons à bâtir les soucoth dans l’espoir que Dieu nous accorde sa protection comme il l’a fait au temps du Désert. Nous continuerons à réunir le bouquet de Soucoth – dans ses diversités. Et nous l’élèverons, dans les six directions de l’espace, pour que l’eau vive qu’il nous faut apprendre à faire sourdre et à puiser de la « montagne de Jérusalem », abreuve l’humanité.
© Jacquot Grunewald
Rabbin, écrivain, journaliste, Jacquot Grunewald vit en Israël depuis 1985.
Jacquot Grunewald, reprenant en 1965 la direction du Bulletin de nos communautés d’Alsace et de Lorraine, en fit l’hebdomadaire d’informations Tribune juive, qu’il dirigera 25 ans durant, jusqu’en 1992.
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