Yves Lusson. Traitement médical du Covid-19 : J’ACCUSE la neutralité journalistique

Les médias, et en particulier les journalistes, portent une large part de responsabilité dans la carence de soins prodigués aux malades du Covid. En cause, leur soi-disant « neutralité » qui est en réalité une peur non reconnue d’exprimer librement leur propre pensée.

Le 29 août dernier, à l’occasion de mon reportage publié dans Tribune juive[1], je rencontrai Pascale au rassemblement des « anti-masques » place de la Nation. Elle me raconta l’histoire de son mari, atteint du Covid, à qui les médecins n’avaient volontairement pas prescrit l’antibiotique azithromycine, qu’à l’époque pourtant le professeur Raoult prescrivait à ses patients avec le succès qu’on sait aujourd’hui. C’est elle qui fit des pieds et des mains dans les pharmacies pour obtenir la fameuse boite, boite qui selon elle sauva son mari « de façon spectaculaire, en deux jours ».

Après la publication de mon reportage, et après une discussion passionnée avec l’un de mes proches, médecin, j’ai voulu en savoir plus sur les raisons de ce refus manifeste et durable de prescription, et manifestement le mari de Pascale n’était pas seul dans ce cas.

L’azithromycine est un antibiotique de la famille des macrolides fréquemment prescrit dans les infections respiratoires d’origine bactérienne. Le Covid étant un virus, et non une bactérie, l’effet de l’antibiotique est a priori limité, ce qui freine naturellement les médecins quant à sa prescription. Je ne vais pas ici parler de l’efficacité ou non de cet antibiotique, mais de la façon dont les journalistes des grands médias se sont emparé du sujet, et de l’impact considérable que leur traitement de l’information a pu avoir sur le destin des Français.

Les CheckNews de Libé

C’est en cherchant sur Internet que j’ai trouvé de quoi étayer parfaitement mon propos. Le 16 avril 2020, le journal Libération publie dans sa rubrique CheckNews un article intitulé[2] « L’azithromycine est-il vraiment efficace contre le Covid ? ».

Mission est donc donnée à un journaliste de Libé, Vincent Coquaz, de répondre à cette question éminemment brûlante. Rappelons que nous sommes alors en plein pic épidémique et qu’à l’époque, le nombre de morts est égrené chaque jour à 19h par le Directeur général de la Santé. Un climat anxiogène s’est abattu sur le pays et la plupart des médecins généralistes – sur recommandations très fermes des autorités de santé – se résignent à consigner les malades à domicile avec du Doliprane, souvent sans même les recevoir en consultation.

Au même moment les réseaux sociaux sont en surchauffe : les Français veulent savoir, ils s’informent, ils débattent, croisent des informations souvent contradictoires. Les médecins, qui ont le souci de leurs patients ne sont pas en reste. A cette époque, Libé a déjà clairement affiché sa position « anti-Raoult », et ne manque pas une occasion de le faire passer pour un charlatan.

C’est dans ce contexte tendu, quasi-hystérique, que la rédaction du journal découvre mi-avril un post devenu viral sur Facebook et décide d’en « vérifier les informations » dans sa rubrique ad-hoc.

Sur ce post, on peut lire : « Je suis TRÈS fier de ma mère, le Dr Sabine Paliard-Franco, qui a guéri 100% de ses patients atteints du coronavirus. En l’absence de piste de traitement pour ses patients – car c’était avant les premières apparitions publiques du Pr Raoult –, elle décide alors de leur prescrire une combinaison « Macrolide + C3G »Deux familles d’antibiotiques bien connus, très peu chers et faciles à produire, utilisés depuis 20 ans contre les pneumonies atypiques. Après tout, elle trouve que cela ressemble bien à une pneumonie… En 24 à 48 h, tous les symptômes disparaissent brutalement. Prodigieusement. »

S’ensuit la « vérification », plutôt fouillée et complète, avec l’éclairage et le témoignage de plusieurs médecins d’horizons divers, vraisemblablement joints au téléphone, généralistes, hospitaliers et universitaires. On y trouve des avis contradictoires, aussi bien de médecins partageant leur expérience sur le terrain, que d’autres mettant en garde sur l’absence « d’études scientifiques » sérieuses et poussées.

Dans des journaux comme Libération, ce ne sont généralement pas les journalistes, mais le service « editing », qui réalise le « chapô », les quelques lignes d’en-tête qui en résume le message principal. Celui de l’article est le suivant : « Plusieurs médecins ont fait état de retours d’expérience positifs sur l’utilisation de l’azithromycine pour soigner les patients atteints du Covid-19, sur les réseaux sociaux et dans les médias. Mais aucune étude scientifique n’étaie pour le moment ces témoignages, et les infectiologues mettent en garde contre les « expérimentations sauvages ». Et comme c’est l’usage dans cette rubrique, l’article est conclu d’une laconique phrase : « Aucune étude scientifique n’étaie ces affirmations ».

L’opinion des journalistes de JT se fabrique en lisant Libé le matin en buvant son café

Avant de devenir intervenant en Thérapie sociale TST, formé par Charles Rojzman de 2012 à 2015, j’ai moi-même exercé le métier, en tant que journaliste scientifique et santé notamment. J’ai aussi été reporter et rédacteur-en-chef à la télévision. J’ai pu y constater comment se fabriquait l’opinion des journalistes de JT : en lisant Libé le matin en buvant son café (pas Le Monde, faute de temps !). En vingt ans de métier, j’ai connu une triste évolution, avec la disparition progressive des vraies conférences de rédaction – moments de débats et parfois de salutaires écharpages entre journalistes – et la transformation de statuts souvent pérennes en contrats de pigistes de plus en plus précaires et incertains. La rédaction, jadis espace de vives confrontations, conviviales et démocratiques, s’est effacée au profit d’open spaces silencieux – quand le journaliste-pigiste n’est pas assigné à résidence chez lui – qui n’aident pas vraiment au développement de son esprit critique et de sa capacité à penser librement par soi-même en se frottant aux autres.

L’article sur l’azithromycine de Libération est caractéristique de de ce journalisme devenu « neutre », sans consistance, bureaucratique aurais-je même envie de dire, propre à rapporter des faits et des témoignages, mais sans que puisse s’élaborer une pensée singulière, l’expression libre d’une intime conviction, qui dirait vraiment quelque chose sur la réalité. Ici, l’auteur apporte certes de la « matière », mais c’est le service editing, aux ordres d’une certaine bien-pensance auto-produite, qui en marque l’idéologie consensuelle de son sceau.

Exercice de … ré-écriture …

Partant de là, je me suis amusé (si toutefois c’était drôle), à réécrire l’article en en reprenant l’ensemble des faits et des témoignages (et uniquement ceux-là), mais en les remontant dans un tout autre sens. Surtout j’y affirme ce que tout journaliste devrait être en droit (et en devoir) d’affirmer en pareilles circonstances : que les médecins, en pleine crise sanitaire où le temps est compté, sont en droit (et en devoir) de tenter des traitements, de prendre des risques mesurés pour leurs malades, de prendre des décisions en leur âme et conscience, d’exercer leur métier librement.

L’article remanié par mes soins est lisible sur mon blog[3]. Voilà le nouveau chapô qui le résume : « Si aucune étude scientifique n’étaie pour le moment leurs témoignages – amenant certains médecins à mettre en garde contre ce qu’ils appellent des « expérimentations sauvages » -, plusieurs médecins ont fait état de retours d’expériences positifs sur l’utilisation de l’azithromycine pour soigner les patients atteints du Covid-19. »

Et ma nouvelle conclusion : « Si « la science » n’a pas encore le recul nécessaire pour pouvoir étayer cette affirmation, plusieurs médecins, sur la base de leurs propres expériences, s’accordent à dire que l’azithromycine a bien des effets positifs sur les malades atteints du Covid. »  

La nécessaire prise de risques des médecins est valable aussi pour les journalistes. Mais comment, dans de telles conditions, retrouver sa liberté d’exprimer son intime conviction ? Comment pouvoir dire sans ambages ce qui apparaît, au cours de l’enquête, marqué au coin du bon sens : que l’azithromycine a bien des effets bénéfiques prouvés sur le terrain par tous ces médecins ? Comment pouvoir le faire alors qu’on craint légitimement d’être exclu – ou oublié, pour ce qui est des pigistes payés à l’article – d’une rédaction qui à l’époque s’est fait son jugement sur le principal prescripteur dudit antibiotique, le professeur Raoult ?

Des journalistes manipulés par la peur d’être exclus du sérail

Manipulés par leur peur d’être exclus du sérail, de la communauté, les journalistes des grands médias se déconnectent de leur bon sens sans s’en rendre compte, et en se drapant derrière une fausse neutralité, ils en perdent la raison. La neutralité n’est pas l’alpha et l’oméga du journalisme. Ce qui doit le guider, c’est la liberté et la réalité. Le 13 janvier 1898, s’il s’était laissé glisser dans cette soi-disant neutralité, le journaliste Emile Zola aurait écrit dans l’Aurore un article « équilibré », qu’il aurait pu titrer : « Le capitaine Dreyfus est-il ou non victime d’une manipulation d’Etat ? ». Sans écouter son intuition le mettant sur la voie de son intime conviction, il aurait offert sa tribune aux manipulateurs. Et Alfred Dreyfus aurait fini à l’échafaud. Pleinement libre d’exprimer sa pensée, Zola écrivit ce jour-là l’un des plus grands articles de l’histoire du journalisme français, qui fit honneur à la profession. J’ACCUSE.

On ne saura jamais combien de personnes mortes du Covid auraient pu en réchapper s’ils avaient été soignés à l’azithromycine. Mais il est essentiel d’affirmer que la neutralité journalistique n’existe pas, et que de faire croire le contraire peut faire mourir des milliers de gens.


[1] https://www.tribunejuive.info/2020/08/31/yves-lusson-ces-francais-qui-tombent-le-masque/

[2] https://www.liberation.fr/checknews/2020/04/15/l-antibiotique-azithromycine-est-il-vraiment-efficace-contre-le-covid-comme-l-affirme-cette-publicat_1785212

[3] http://fairensemble.com/un-article-de-libe-reecrit-sans-la-sacro-sainte-neutralite/

© Yves Lusson

Yves Lusson est intervenant en Thérapie sociale TST et journaliste.

Yves Lusson

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4 Comments

  1. Bonjour, je suis un des médecins d’un groupe de médecins ayant sauvé des vies avec l’azithromicine; ce médicament a été « volé par l’ARS en mars » ce qui m’a obligé à donner de la clarithromicine qui a été heureusement aussi efficace !!
    Dr Guy BELLAÏCHE

  2. Devant l’ampleur du discrédit journalistique du traitement de la Covid19 par chloroquine azithromycine les médecins ont tous été exposés à la grande méfiance de ce traitement par leurs patients et beaucoup se sont abstenus de traiter juste pour ne pas rajouter au désarroi des patients pollués par les positions de la presse, le sentiment que leurs médecins les prenaient pour des cobayes.
    Heureusement certains médecins ont pu convaincre certains de leurs patients très méfiants du bien fondé de la prise d’un traitement Trop controversé par la presse et les médias!

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