
En France, à dater de 1789, des débats eurent lieu à l’Assemblée nationale, diffusés dans la population par l’intermédiaire du Journal des débats. En France en effet, ledit débat connut son heure de gloire, et l’éducation au débat reste une injonction des programmes scolaires, dans la partie Éducation morale et civique, où l’on exhorte au … débat réglé ou argumenté.
Ainsi, naïvement, le citoyen lambda est en droit d’attendre lors d’un débat opposant deux candidats à la Présidentielle que fussent abordés des enjeux civiques ou éthiques, des questions d’actualité.
Temps révolus : aujourd’hui nombre de journalistes et spectateurs sont là pour compter les points, et un Institut de sondage viendra dire qui sur le ring a gagné.
Hier donc s’opposaient les plus vieux candidats de toutes les campagnes présidentielles récentes. Seuls un tempérament explosif et un rapport un peu problématique avec les faits les rassemble.
Nous le savions : aucun des deux allait nous prendre aux tripes par ses qualités oratoires. L’un comme l’autre sont connus pour leur particularité à s’exprimer sans filtre aucun, tout étant permis et l’instinct étant roi : gageons que tous les conseillers en communication ont jeté les gants, renonçant à driver ces deux-là.
Ils arrivèrent donc à Cleveland, Ohio. Escortés de leur clan. Démocrates versus Républicains. Joe versus Donald. Biden et Trump.
Trump, on l’appelle l’inoxydable, et rien, aucun des livres l’étrillant ou autre procédure en impeachment ne l’aura fait vaciller.
Biden, on le nomme le Candidat par défaut. Le gaffeur. On le dit humain et enclin à l’empathie, ce qui le rend … populaire.
A noter : la remarquable stabilité des sondages, lesquels penchent tous en faveur du démocrate.
La pandémie de Covid-19 et la mise à terre de l’économie américaine, la Cour suprême, la plus haute instance juridique du pays, le port d’armes, la couverture santé, la fracture raciale, la violence, et jusqu’à la remise en cause de l’intégrité du scrutin, autant de sujets espérés tant ils sont au cœur de la Présidentielle américaine.
Nul débat digne de ce nom : la passe d’armes eut bien lieu, offrant le spectacle peu classieux de deux candidats s’écharpant devant un médiateur implorant à coup de Gentlemen !
90 minutes de face-à-face à 35 jours d’une élection présidentielle américaine sous très haute tension. L’ambiance est d’emblée électrique. Que dis-je : bien pire, l’un traitant l’autre de menteur, de clown, de pire président que les Etats-Unis aient jamais eu, de caniche de Poutine, en lui demandant même de la fermer, ledit menteur n’hésitant pas à y aller dans les attaques personnelles, déplorant qu’il n’y ait rien d’intelligent chez son rival, qu’il qualifie de marionnette de la gauche radicale.
Ça se tutoie : Montre les déclarations d’impôts, mec, demande Biden à Trump, rendant transparent le modérateur Chris Wallace, offusqué mais incapable de remettre de l’ordre sur son plateau : qui y serait arrivé ?
De ce débat confus transformé en combat de catch, les media titrèrent qu’il était Plus violent que Game of Thrones[1] . Le Wall Street Journal rapporta à raison qu’aucun des deux candidats n’était sorti grandi du spectacle auquel ils s’étaient livrés : Personne ne s’attendait à un débat Lincoln-Douglas, mais fallait-il que ce soit un combat de catch ? Nous espérons que tout ira mieux lorsque les deux candidats à la vice-présidence débattront la semaine prochaine. Peut-être que l’un d’eux agira comme un président.
CBS et CNN parvinrent, eux, à trouver un vainqueur dans ce spectacle chaotique et sans dignité aucune.
Interviewé ce matin, jeudi, Chris Walace dit être triste pour le pays.
Les américains ont été environ 70 millions à regarder le show.
Seul le Président sortant se dit satisfait: il aurait balayé Joe l’endormi.
Sait-il qu’il était loin du message mobilisateur de 2016 Make America great again.
Sait-il surtout qu’en refusant de condamner les Proud Boys, ces suprémacistes blancs et néofascistes américains qui le soutiennent alors que le FBI les a désignés comme un risque de terrorisme intérieur, il aura pris le risque d’indisposer les modérés et les indépendants, sans lesquels il ne saurait gagner.
A-t-il mesuré l’impact de son Stand back, stand by, a-t-il noté que le logo du PB porte désormais ces mots: un Tshirt avec ce dessin est déjà mis en vente par l’organisation d’extrême droite.
Il est peut-être là, l’événement dudit débat: que les Proud Boys se soient aussitôt emparés de ce qui ressemblait … à un mot d’ordre.
[1] Le Washington Post