Ils étaient là. Venus de Martinique ou de l’hexagone. La famille de Clarissa, la policière municipale abattue à Montrouge ce matin du 8 janvier 2015. La Cour cherche d’abord à comprendre pourquoi et comment Amedy Coulibaly a choisi … sa cible : Clarissa Jean-Philippe, il l’a abattue en pleine rue, la veille du jour où il s’attaqua à l’Hyper Cacher de la porte de Vincennes, y tuant quatre personnes.
La mère de Clarissa, Marie-Louisia, est là. Le père de la policière aussi. Sa cousine. Venus de Guadeloupe, trois avocats de la famille maternelle de Clarissa.
L’audience s’ouvre avec le témoignage de l’ex-chef du service départemental de la police judiciaire des Hauts-de-Seine, qui déroule l’enquête de manière chronologique :
En 2015, Clarissa Jean-Philippe, 26 ans, intervient sur un banal accident de la circulation. Surgit alors à bord d’une Clio blanche un homme cagoulé, lourdement armé. Il ouvrira le feu avec sa Kalachnikov.
Il lui tire dans le dos. Clarissa, 26 ans, s’effondre, touchée à la carotide. Ce ne sera que le lendemain que les enquêteurs feront le lien avec Amedy Coulibaly : l’assassin dans sa fuite a laissé échapper une cagoule qui porte son ADN. Amedy Coulibaly venait-il attaquer l’école juive située à proximité ? A-t-il choisi d’exécuter une policière ? Le saura-t-on…
Sa mère est la première à témoigner à la barre.C’est une mère en deuil. Une mère à bout de force. Usée par la souffrance. Mais une femme debout : C’est une angoisse et j’ai peur. Il faut tenir pour elle. Je tiens mais ce n’est pas facile. On fait avec.
Elle se souvient : inquiète après l’attentat de Charlie Hebdo, elle avait téléphoné à sa fille : Je lui ai dit : Maman est inquiète pour toi. Elle m’a dit : Maman ne t’inquiète pas, je suis malade, je n’irai pas au travail.
Mais la jeune femme changera d’avis et sa mère apprendra la mort de sa fille par un ami à 6h du matin : Il m’a dit On a enlevé Clarissa, On a tué Clarissa. Je suis tombée. On lui a dit qu’elle était restée inconsciente deux heures durant. A son réveil, voyant plein de monde chez elle, elle demande ce qu’il se passe. Le maire lui redit que sa fille est morte. Je pleurais j’avais les jambes qui tremblaient. Quand ils ont tiré, Clarissa faisait son boulot, elle n’avait rien demandé.
Marie-Louisa raconte : Ça me fait du bien qu’on parle d’elle, on ne va pas l’oublier, je ne peux pas l’oublier. Ma fille, elle voulait vivre. Marie-Louisa évoque la passion de Clarissa pour la police et la justice. A l’âge de 6 ans, elle disait à son papa qui me battait : : un jour je vais t’arrêter, tu vas voir ! Si tu touches maman, je t’arrête. Elle n’a pas eu le temps. En 2015 elle voulait passer le concours de police nationale, elle n’a pas eu le temps de le faire car on lui a ôté la vie. C’était une fille impressionnante, épanouie professionnellement. C’était quelqu’un d’exceptionnel. Elle méritait pas ça. Marie-Louisa a gardé le képi que portait son enfant lorsqu’elle fut assassinée.
Malade, elle évoque le stress. Et poursuit : Le nœud est là, tout le temps. Encastré.
A une question posée par Maître Charles Nicolas, avocat de Marie-Louisa, l’enquêteur a répondu sans hésitation : C’est un tir pour tuer, un tir létal.
Des photos de Clarissa Jean-Philippe sont projetées sur le grand écran. La voilà dans un fauteuil en osier, ici en tee-shirt avec un chapeau, là à la piscine, là encore en robe de soirée, et même en écolière …
Maeva, gendarme et cousine de Clarissa, considère que c’est la fonction de policière qui était visée : Clarissa s’est sans doute retrouvée au mauvais endroit au mauvais moment. On sait que nous n’aurons pas toutes les réponses puisque les principaux accusés ne sont plus là pour répondre de leurs actes. Mais on attend d’avoir le maximum de réponses quant aux personnes présentes dans le boxe, savoir en quoi ils ont eu un impact sur la mort de Clarissa et des autres victimes. […] On a grandi ensemble, passé nos vacances ensemble, on avait des liens de cousines très forts, son premier baiser avec un garçon j’étais présente, c’est injuste, tragique.
Le binôme de Clarissa revient sur cette journée du 8 janvier. Nous avons commencé notre service à 6h du matin, nous étions quatre. Puis il y a un accident de la circulation matériel. Il ajoute : J’ai pas perdu une collègue mais une amie. C’est ma force du matin pour aller travailler, elle est à côté de moi.
La Cour entend Laurent , l’agent municipal appelé pour l’accident de la circulation. Laurent raconte qu’alors qu’il discute avec ses collègues de la voirie, il sent quelqu’un derrière lui : Je le vois faire un petit pas en arrière et sortir une arme de guerre. Il a tiré immédiatement. Pour moi, c’était une blague. Puis je vois mon collègue, Eric, touché au visage : Sans réfléchir, je fonce sur le terroriste. J’ai la main gauche accrochée au canon, la droite sur la crosse, le gars est balaise, je me retrouve à genoux avec la ‘kalach’ dans ma main, je me dis : Si tu lâches, t’es mort. C’est là qu’il a prononcé une seule phrase : Tu veux jouer, tu vas crever. J’ai regardé le canon et après je l’ai regardé dans les yeux, je me suis dit que c’était fini. Il s’apprêtait à tirer. Mais l’arme du terroriste s’enraye. Ça a duré une ou deux secondes, il a fait demi-tour et il est parti en courant. Là, j’ai vu Clarissa.
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