J’avais prévu depuis des semaines de porter cette robe. Je l’ai achetée au début de l’été, en pensant que ce serait « ma » robe de rentrée. Je me suis dit que la forme serait impeccable pour masquer mon manque d’assiduité à la salle de sport et que la couleur, pimpante et gaie, serait parfaite pour combler la morosité de la période.
C’est exactement comme quand on était enfant. On voulait un nouveau cartable, une jolie trousse et un stylo 4 couleurs flambant neuf. Subitement, tout ce qui était vieux, déjà utilisé nous apparaissait moche et inintéressant. Nos parents avaient beau nous faire remarquer que ce cahier rouge de l’année dernière était inutilisé et vierge, rien à faire c’est le bleu que nous voulions, pour le plaisir d’être le premier à l’ouvrir, à marquer légèrement le pli de sa couverture cartonnée et pour la joie de passer notre main sur la page immaculée et lisse.
Depuis toujours, à chaque rentrée, on est partagé entre la nostalgie de la fin des vacances et l’excitation d’une nouvelle page qui s’ouvre : Est-ce qu’on va se faire de nouveaux amis ? Est-ce que la maîtresse va être gentille ? Comment on va faire pour travailler avec un masque ? Et d’ailleurs, est-ce qu’on va encore avoir du travail ? Et si la vie ne redevenait plus jamais comme avant ? Et si ce monde devenait tellement fou, tellement insensé, tellement horrible et violent qu’on décidait de ne plus sortir de chez nous ? Plus jamais ?
En chacun de nous, sommeille un gamin tiraillé entre l’excitation d’un jour nouveau et la peur de demain. Un gamin qui s’endort la veille au soir, en ayant subitement mal au ventre et qui ne sait pas s’il a envie de rire ou de pleurer le jour J.
Pourtant, il y a forcément, quelque part dans un coin de notre tête une robe fushia, un cahier gros carreaux à couverture bleue, des amis pas vus depuis longtemps, un collègue marrant, un chauffeur de bus jovial, un film à voir, un livre à lire, une série qui reprend, un nouveau combat à mener, la saveur des premiers raisins, l’envie des feux de cheminée, un verre de vendange tardive sur un morceau de roquefort et du pain grillé, un paysage qui va devenir orangé, puis rouge, le plaisir enfantin de marcher sur les feuilles mortes, une cour de récréation pleine de rires et de cris d’enfants, des bonnes résolutions à prendre, des champignons à ramasser, l’odeur des sous-bois, la reprise du championnat, le confort de dormir sous une couette, le goût du chocolat chaud, un vieux pull confortable qu’on adore et qu’on aura plaisir à retrouver…
Il y a forcément quelque chose qui nous prend la main, qu’elle soit petite et potelée, fine et gracieuse ou rugueuse et usée, quelque chose qui nous entraîne une fois de plus et qui nous murmure à l’oreille « allez, viens… »
Nathalie Bianco, Militante laïque, membre de l’association #réseau1905, est Auteure de romans: Les Courants d’air . Les Printemps.
Je viens, Nathalie!
J’accoure!
Rien qu’à te voir dans cette robe sur le pont! Wouahou!