Les différents malheurs qui s’abattent sur le Liban ébranlent les étudiants libanais à l’étranger.
Issam Haddad. Crédit Jihad Samra
Qu’ils soient aux États-Unis, au Canada, à Londres ou en France, les étudiants libanais sont profondément bouleversés par les malheurs qui s’abattent sur leur pays. Colère, sentiment de culpabilité, tristesse et frustration, les jeunes de la diaspora sont submergés par différentes émotions.
Farid Abou Jaoudé étudie les mathématiques et les statistiques financières à l’École d’économie de Londres (LSE). Le jeune homme confie se sentir à la fois « coupable et chanceux ». « Coupable de ne pas aider » son pays et chanceux d’avoir l’opportunité d’étudier « loin du chaos ». Un sentiment de culpabilité qui persiste. Sara Zeidan explique que ce n’est qu’après les derniers événements qu’elle a « réussi à (se) débarrasser partiellement de cette culpabilité d’être vivante, que (ses) proches soient en vie, d’avoir un toit au-dessus de la tête, d’avoir accès aux besoins de première nécessité », lorsque d’autres n’ont pas eu cette chance.
Aux États-Unis où il poursuit des études en ingénierie informatique à l’Université de Boston, Issam Haddad, 18 ans, se sent « frustré et impuissant ». L’image d’un autre Liban, utopique, hante le jeune étudiant. « Je m’imagine des scénarios dans lesquels on vivrait une vie normale à Beyrouth et où le Liban serait un pays qui ne gaspille pas ses ressources et met en avant la chaleur de son peuple. »
Thalia Makhlouf, étudiante en architecture à l’Université Berkeley en Californie, se dit elle aussi frustrée par son impuissance : « Je suis tellement loin… J’ai envie d’aider sur le terrain, mais je ne peux pas, parce que je suis tellement loin… », répète-elle. Cette consternation, ressentie par de nombreux étudiants, a différentes origines. Jackie Habis, étudiante en architecture d’intérieur à l’Université de Montréal, confie que ce qui la frustre le plus, c’est la bizarre coexistence entre l’espoir qu’elle garde encore dans le cœur et la situation actuelle qui semble désespérée et n’inspire aucun espoir. Une frustration accompagnée, et parfois supplantée par une grande tristesse. « Je suis plus triste que frustré », avoue Mazen Ariss, étudiant en ingénierie industrielle à l’Université de Concordia à Montréal.
Aya Wattar, étudiante en droit à la Sorbonne, vit dans la crainte de ne pas pouvoir retourner au Liban, ou d’y « revenir et de trouver le pays complètement métamorphosé », soulignant que depuis le 4 août, c’est la dégringolade. « J’ai peur pour ma famille, pour mes grands-parents à qui je tiens beaucoup et qui vieillissent, pour mes amis, pour mes proches… J’ai peur de revenir et de ne pas les trouver », révèle-t-elle encore, confiant se sentir comme une « traîtresse », parce qu’elle quitte son pays alors qu’il traverse une période très difficile.
D’autres jeunes racontent que l’éloignement a renforcé leur sentiment de patriotisme. C’est le cas de Sara Zeidan et de Joe Abou Malhab, respectivement étudiante en ingénierie mécanique à l’Université de New York (NYU) et mastérant en santé publique à l’Université McGill au Canada. La jeune fille, qui vit à New York depuis deux ans, qualifie son comportement après l’explosion de « toxique ». « Je reste accrochée à mon écran, rongée par la haine envers le gouvernement libanais, en proie à un mélange de crainte, de dégoût, et de frustration », raconte-elle. Pourtant la jeune fille n’abandonne pas son pays. « Même si je ne suis pas présente physiquement, je me sens plus que jamais enracinée au Liban. » Joe Abou Malhab, lui, emprunte les paroles de Raymond Eddé pour décrire ce qu’il ressent : « Mon cerveau, mon cœur et ma tête sont au Liban, mon corps est ici. »
Aider de loin
Face à la situation au Liban, les jeunes interviewés ne restent pas les bras croisés. Chacun d’eux tente d’aider le pays à sa manière, et selon ses capacités. Quand certains collectent des dons, d’autres parlent « d’activisme politique » pour inciter les Libanais à effectuer un changement. « Je suis toujours l’un des premiers à participer aux manifestations organisées au Canada pour le Liban. Il est nécessaire de sensibiliser la diaspora libanaise et les Canadiens sur l’importance d’aider le Liban. »
Quant à Sara Zeidan, elle alimente souvent ses pages sur les réseaux sociaux avec des informations relatives à la situation au pays, car elle refuse de « normaliser l’anormal », pour « encourager toute sorte d’aide » et afin de contribuer au changement vers un « État de droit et un pays plus prospère ». Un changement rêvé par tous même si l’espoir de le voir se concrétiser prochainement s’amenuise. « Tous les matins, je me mens en disant qu’un jour tout ira mieux, qu’on pourrait vivre une vie normale au Liban », raconte Issam Haddad. La plupart espèrent compléter et approfondir leurs études pour retourner au Liban et aider le pays en deux temps : encourager le peuple libanais et la communauté internationale à regagner confiance dans ce pays, pour finalement contribuer à sa renaissance.
Pour trouver un soutien émotionnel dans cette difficile période, de nombreux jeunes se tournent vers leurs proches. Thalia Makhlouf raconte se confier à ses amis. « C’est la seule chose que j’ai pu faire », regrette-elle.
Mais malgré la nostalgie du pays et leur frustration d’être loin des leurs, les jeunes ne regrettent pas leur départ. « Plus le temps passe, plus je réalise que mon choix de quitter le Liban a été le bon », souligne Thalia. Et Joe Abou Malhab d’ajouter : « Je ne regrette pas d’être parti. De l’étranger, j’arrive à aider le Liban beaucoup plus qu’en étant sur place. » Farid Abou Jaoudé et Mazen Ariss soulignent que quitter le pays était inévitable pour eux afin de poursuivre leurs rêves professionnels et d’« exprimer leur plein potentiel ».
« Être libanais, c’est naître et vivre dans le dilemme », regrette Joe Abou Malhab. En effet, les Libanais de la diaspora sont constamment tiraillés entre l’envie de revenir au Liban et le souhait de vivre à l’étranger. « Tout Libanais espère retourner au pays et y rester. Cependant, il faut penser ce retour d’une manière pragmatique et rationnelle. »
Le message que ces étudiants adressent aux jeunes restés au Liban est simple : « Faites ce qui vous convient. » On peut aider son pays de l’intérieur ou de l’extérieur. Partir ou rester, chacun est libre de ses choix, sans culpabilité.
Source: L’Orient-Le Jour. 17 septembre 2020
Il serait peut-être utile de jeter un coup d’œil sur les articles avant publication.
On éviterait ainsi l’impression de bâclé que donnent, par exemples, les mêmes photos figurant deux ou trois fois et pas toujours avec le même intitulé…
C’est donc tiré de l’Orient Le Jour, bon journal certes libanais francophone mais surtout CHRETIEN (l’auteur se prénomme Christiana…). Cette précision a son importance.
Finalement, la conclusion de cet article est formulée par l’une de ces étudiantes : « Plus le temps passe, plus je réalise que mon choix de quitter le Liban a été le bon ».
Et ils semblent TOUS partager cela.
Rappelons qu’il y a hors du Liban (un peu en France mais surtout aux pays anglophones et en Amérique Latine) au moins deux fois plus de personnes d’origine libanaise qu’au Liban.
Et que l’exode date de vieux ; il ne doit rien aux derniers évènements libanais.
Rappelons encore :
Le Liban est une création française qui date d’un siècle, du dépeçage de l’Empire Ottoman au lendemain de la première guerre mondiale.
La France, empire colonial à l’époque et vainqueur de la guerre, avait partagé les restes de l’Empire Ottoman avec la Grande Bretagne ; aux termes du partage (Sykes-Picot, 1916) elle héritait d’un territoire qu’elle dépeça à son tour, créant ex-nihilo la Syrie et le Liban actuels.
Pourquoi deux Etats et non un seul ? A cause de la forte (quantative et qualitative) présence chrétienne sur la plaine côtière (Liban) ; beaucoup moins à l’intérieur des terres (Syrie).
La France considérait que les chrétiens étaient ses alliés naturels, espérant s’ériger ainsi à l’est de la méditerranée un territoire inféodé (une colonie, quoi).
D’aucuns diraient « diviser pour régner »…
MAIS les chrétiens libanais étaient effectivement proches de l’Occident…Au point d’y aller… Et y rester…Par millions….
D’où une nouvelle démographie qui jette les menées françaises d’il y a un siècle aux orties. Le Liban actuel n’est pas, mais pas du tout, « ami de la France »….
Et cela continue, comme démontre cet article. Ces jeunes gens (que je soupçonne d’être majoritairement chrétiens ; même si cela parle pudiquement de « Libanais », terme désormais vide de contenu) n’ont plus rien à chercher au Liban ; les métiers qu’ils étudient n’ont aucun débouché au « bled »…
Bye-bye, Lebanon.