Elle s’appelle Faouzia
Elle et moi, on se connaît depuis le primaire. On a grandi ensemble, dans la même cité. Elle et moi, on a les mêmes yeux noirs, le même teint mat, et nos pères respectifs viennent tous deux de la même région de l’Algérie. Faouzia est restée dans le même quartier que celui de notre enfance. Pas moi. Elle a eu une vie compliquée. Des « accidents de la vie », dira-t-elle pudiquement.
Ensemble, avec une 3ème fille perdue de vue, on jouait aux drôles de dames. Faouzia faisait Farah Fawcett. Toujours. Elle ne lui ressemblait pas du tout, elle avait les dents du bonheur, des cheveux courts et frisés comme un mouton mais elle avait une énergie et une détermination d’enfer, doublées d’un crochet du droit suffisamment convaincant pour faire taire toute remarque acerbe émanant d’un observateur pointilleux. Bref. Elle était la blonde Farah, à la crinière de lionne et au sourire parfait.
L’autre fille et moi, on se disputait toujours pour faire Kelly, la jolie brune aux cheveux longs. (Personne ne voulait jamais être Sabrina, la-marrante-intello-mais-bien-moins-belle). J’étais moins convaincante que Faouzia question crochet du droit, car je n’avais pas été élevée avec des frères, mais généralement je sanglotais tellement fort quand on me refusait le droit d’être Jaclyn Smith que je réussissais la plupart du temps à avoir gain de cause.
On s’est perdues de vue juste après l’adolescence, à l’âge des premiers « vrais » amours, on s’est retrouvées à l’âge des premiers enfants. Depuis, on se croise à la faveur des hasards de la vie, toujours avec plaisir. On se marre toujours en évoquant notre période « Drôles de dames ». Et on connaît encore le générique par cœur.
Je suis tombée sur elle il y a quelques années, on ne s’était pas revues depuis plus de 10 ans. Elle était voilée. Enfin, pas voilée, mais elle avait une sorte de turban qui lui enveloppait les cheveux. Ça m’a fait bizarre de la voir ainsi… Elle a vu mon regard interrogateur. Elle m’a montré son foulard du doigt et elle m’a dit « oh, ça, c’est rien ».
Faouzia n’est pas devenue une détective privée explosive qui pourchasse les méchants. Elle travaille pour un bailleur social. Elle s’occupe du ménage, de l’entretien et des relations avec les locataires dans une cité, voisine de celle où nous avons grandi. Elle m’explique en gros que son voile, « c’est plus simple pour elle ». « Tu comprends », rajoute-t-elle un peu gênée, « là où je travaille c’est difficile. Les jeunes surtout, ils sont difficiles. Moi je suis toute seule avec mes enfants, je ne veux pas d’ennuis, alors avec le voile, c’est plus facile de se faire respecter.»
Et puis elle hausse les épaules. « C’est plus comme quand on était gamines. Ça a changé maintenant… toi t’es partie, tant mieux pour toi ». Je comprends qu’elle n’a pas trop envie de parler de ça. Et moi de mon côté, je n’ai pas trop envie d’insister parce que je suis trop contente de l’avoir retrouvée. Et aussi, parce que, d’une manière un peu irrationnelle, je me sens vaguement mal à l’aise de ce fossé qui s’est installé entre nous. Jamais une des Drôles de Dames n’aurait accepté d’être séparée de ses co-équipières.
Alors on a parlé d’autres choses, de la vie, de nos enfants et de nos Charlie et Bosley respectifs.
On s’est appelées ce matin. Je lui ai dit que, samedi prochain, je passais dans mon ancien quartier et que ça me ferait plaisir de la voir. Elle aussi, au téléphone, elle avait l’air contente, elle m’a dit qu’elle me ferait du thé à la menthe. Elle a précisé que ce serait bien que je vienne un peu tôt, vers 9 h. Comme je ne comprenais pas bien l’intérêt de débarquer à une heure aussi matinale chez elle, elle a fini par me dire que son hall d’immeuble « n’était pas bien fréquenté ». « Tu comprends, » m’a-t-elle expliqué, « il y a plein de jeunes, ils font des conneries, ils dealent. Ils ne sont même pas du quartier, ils viennent d’ailleurs, mais ils arrivent à partir de 11 h 30/midi et ils n’aiment pas trop voir des inconnus débarquer. Ils ne sont pas forcément méchants, hein, mais bon… moi ils me connaissent mais pas toi. Bref, mieux vaut faire attention, on sera plus tranquilles le matin. » Et puis elle a soupiré. Comme l’autre fois, elle a dit « tu sais, ça a changé ici… » J’ai compris, là encore, qu’elle n’avait pas trop envie de parler de « ça ». Et que ni elle ni moi ne dictions les règles de nos retrouvailles.
Voilà.
De l’aveuglement des politiques à la complaisance des élus locaux, des accommodements raisonnables d’un employeur, à l’impuissance de la police et de la justice, en passant par le poids d’une culture embourbée dans des traditions patriarcales, il y a mille et un facteurs qui ont rendu ma Faouzia rebelle au crochet vengeur, ma pétillante Drôle de dame ainsi résignée, éteinte et fataliste…
Quand j’étais gamine je pensais que les petites filles grandissaient pour un jour, défendre la société, la justice et la République contre les méchants.
Je ne me doutais pas que cette même République, pour préserver sa tranquillité, préfèrerait abandonner une partie de ses enfants….Et que personne ne viendrait les sauver…
#jesuischarliesangels
Nathalie Bianco, Militante laïque, membre de l’association #réseau1905, est Auteure de romans: Les Courants d’air . Les Printemps.
Classe politique et médiatique criminelle, qui brade la vie des citoyens.
Comme c’est drôle,moi je suis né dans le 3eme arrondissement dans les années 50.
Dans l’immeuble où j’habitais il y avait une famille arabe tunisienne qui vivait à l’étage au dessus ,la mère avait dans les 20 ballets et venait d’accoucher d’une petite fille, elle était mariée à un boulanger de Belleville.
Je devais avoir environ 10 ans ,nos 2 familles étaient très liées, ma mère sans arrêt dans la cuisine à l’étage où toutes les deux dans la cuisine en bas chez nous.
Cette femme a eu deux autres garçons avec qui j’ai beaucoup rigolais .j’ai quitté le quartier fin des années 60 et j’y suis retourné vingt ans plus tard marié avec deux enfants.
J’ai retrouvé les deux garçons ,l’un d’eu travaillait comme coupeur et l’autre désœuvré traînait dans le quartier ,la plus part du temps défoncé,il décéda peu après.
Je voyais assez fréquemment l’autre frère et on parlait de ” l’époque “,il était contre toute attente et contre son passé de drogué et de gros déconneur ,devenu religieu et m’a dit un jour en tirant sur la fin de son joint ” tu vois,s’il le faut ,je suis prêt à mourir pour toi,mais si pour l’islam (on se demande lequel) on me demande de te tuer ,je le ferais !
Voilà ! C’es tout !
Hihi 😂