« Ce que vous avez fait là, compte tenu de la sensibilité du sujet, compte tenu de ce que vous savez de l’Histoire de ce pays, est irresponsable pour la France, irresponsable pour les intéressés ici, et grave d’un point de vue déontologique. Vous m’avez toujours entendu défendre les journalistes. Je le ferai toujours. Mais je vous parle avec franchise. Ce que vous avez fait est grave, non professionnel et mesquin. »
C’est en ces termes, en public & sur la voie publique que le président de la république française Emmanuel Macron s’en est pris au journaliste français Malbrunot lors d’un déplacement à Beyrouth le 1er septembre dernier.
Il s’agissait pour Macron de colérer contre la levée par le journaliste du secret et du contenu de sa rencontre informelle de quelques minutes à Beyrouth quelques temps auparavant avec le député libanais Raad. Raad est « responsable politique & parlementaire libanais ». Il représente les intérêts de la milice terroriste chiite, armée et financée par Téhéran et de la « république islamique d’Iran ».
Selon Malbrunot dans le Figaro, Macron aurait recommandé à Raad de rentrer dans le rang libanais, de laisser la démocratie s’organiser en échange du maintien de sa force de frappe.
L’incident créé par Macron en public à l’occasion d’un déplacement officiel présidentiel appelle quelques indications de forme et de fond.
1- Sur la forme de l’incident présidentiel
Quelles qu’en soient leurs natures, les récriminations publiques du chef de l’Etat français contre un compatriote à l’Etranger, à l’occasion d’un déplacement officiel sont contraires à toutes les règles diplomatiques. Elles sont également contraires à la responsabilité & à la déontologie présidentielles, les mêmes valeurs que Macron estime manquer au journaliste!
L’incident public présidentiel à Beyrouth n’est pas le premier initié par Macron. Il l’a déjà mis inutilement en scène à l’égard de la Sécurité israélienne. Il s’agit donc d’une technique prouvée et éprouvée par Macron, en dépit de toutes les règles et au mépris des raisons évoquées par lui-même.
Le journaliste a exercé son métier alors que le chef de l’Etat est sorti des devoirs de sa charges au moins à double effet.
D’une part, rien ne l’autorisait à sermonner publiquement un ressortissant français sur l’exercice légal et légitime de sa profession à l’Etranger.
D’autre part, la colère présidentielle relève l’inacuité et l’impertinence de son acte, sans quoi il n’aurait aucune difficulté à l’assumer.
Macron sait le Liban soumis militairement, politiquement, diplomatiquement, financièrement, commercialement à l’Iran via le Hezbollah. Il le sait d’autant qu’il le suggère dans son admonestation publique contre Malbrunot.
Quant à sa prétendue défense des journalistes et la « franchise » de ses propos, il s’agit maladroitement de justifier sa colère.
A l’occasion de cet incident, Macron a précisément illustré le contraire.
2- Sur le fond de l’incident présidentiel
Les reproches de Macron contre le journaliste sont tout aussi irrecevables sur le fond qu’ils le sont sur la forme.
Celui de la levée « irresponsable » du secret de l’entretien présidentiel par Malbrunot est particulièrement outrancier. Le député Raad préside le « bloc parlementaire Hezbollah ». Cette milice est commise dans l’assassinat du président du conseil libanais Hariri, dans la présence explosive du port de Beyrouth, dans les violations perpétuelles des accords de cessez le feu et de provocations militaires contre Israël, dans la neutralisation de l’armée libanaise et de la Force intérimaire des Nations-unies pour le Liban (FINUL) dans le contrôle de la frontière avec Israël, de toutes sortes d’activités hostiles aux intérêts vitaux du Liban à l’intérieur comme à l’extérieur et à des actes de terreur contre le peuple libanais. Elle répond aux ordres bellicistes de l’Iran, puissance étrangère matrice de conflits & de terreur dans la région.

Le journaliste a relaté des faits vus, entendus et non-démentis par l’Elysée. Plutôt que tempêter contre Malbrunot, Macron aurait dû s’abstenir de son initiative ou l’assumer.
Le président français peut-il penser que le Hezbollah se rangera à son accord tacite ? Peut-il envisager que la première puissance du Liban sollicitera l’accord français pour poursuivre son oppression sous couvert de « résistance à Israël »? Le niveau d’information dont dispose l’Elysée ne permet pas d’authentifier cette hypothèse ni de certifier une quelconque naïveté !
Croire à la mise au pas auto-acceptée d’une milice islamiste refusant toute démocratie, toute liberté , et qui exige l’application de règles d’asservissement des civils et de soumission du Liban à l’Iran djihadiste est une candeur factice calculée et dangereuse
Le Hezbollah a précisé, à Beyrouth et à Téhéran, que la position française le satisfaisait en raison de ce qu’elle légitimait la milice sur un plan international et dans l’appareil politique et institutionnel libanais.
Enfin, la colère de Macron est d’autant moins acceptable qu’elle procède de l’oubli des victimes françaises au Liban et dans la région.
Par conséquent, la colère publique du président Macron contrarie des intérêts et des principes français. Macron a manqué à ses propres propos, à ses actes, à la relation des faits.
Il a inutilement attenté à la dignité de sa fonction, de son déplacement, du journalisme.
Il a contredit les motivations de son déplacement et l’exercice transparent de sa fonction qu’il n’a de cesse de qualifier.
Il a finalement ajouté à la confusion.
Pierre Saba