Robert Debré aidé par la résistante Dexia

Le Pr Robert Debré (1882-1978), considéré comme le père de la pédiatrie moderne, membre de l’Académie de médecine, a refusé de porter l’étoile jaune.

Pr Robert Debré (BIU Santé (Paris)

Dans ses mémoires, celui qui était issu d’une famille de rabbins alsaciens, expliqua son geste : « Personnellement, j’étais bien décidé à ne pas obéir à cette mesure nouvelle pas plus qu’aux précédentes. Pour éviter toute complication, Dexia retira une étoile jaune au commissariat de police. Elle avertit le commissaire de police que je ne la porterais point. Il enregistra cette déclaration et je rangeai le petit morceau d’étoffe dans un tiroir où devait le rejoindre plus tard, parmi les objets du souvenir, mon brassard FFI arboré pendant la libération de Paris. « 

Dexia était le pseudonyme de résistance d’Elisabeth de La Bourdonnaye de La Panouse (1898-1972) qui deviendra la seconde épouse du Pr Debré en 1956. Elle s’illustra dans de nombreux actes de résistance à l’hôpital des Enfants Malades, au sein du réseau du Musée de l’Homme, et lors de la Libération de Paris.

 » J’étais convaincu, comme plusieurs d’entre nous, que cette désobéissance n’augmenterait guère les risques car nous fûmes assez nombreux à prendre cette attitude.

Sans nous être entendus, agirent de même les deux autres membres de ma famille astreints à cette obligation et alors présents à Paris : le professeur Jacques Hagueneau, mon cousin, qui échappa de justesse un peu plus tard à la Gestapo, et un autre cousin, Paul Dennery, qui fut arrêté place de la Madeleine et dont on n’eut plus jamais de nouvelles « .

En mai 1943, alors qu’il se rend à l’Académie de médecine, sans étoile, il est interpellé.

Dans son rapport d’enquête du 31 mai 1943, l’inspecteur Henri Soustre indique avoir interrogé le médecin à son domicile :  » Le Pr Debré déclare être Juif et ne pas porter l’étoile et avoir été relevé de toutes les interdictions portées au statut des Juifs par décret du 5 janvier 1941 pris en Conseil des ministres « .

Le rapport poursuit :  » Récemment son téléphone ayant été supprimé à la suite d’une dénonciation, les autorités occupantes le lui ont fait remettre immédiatement. Le Pr Debré ajoute qu’il s’est présenté à plusieurs reprises dans les bureaux allemands sans porter l’étoile. Au moment du port de l’étoile, une demande à la préfecture de police a été faite, il lui aurait été répondu qu’il était dans un cas spécial en vertu de ce même décret.

A l’Ordre des médecins, le Pr Debré n’est pas inscrit parmi les médecins israélites, son cas y est considéré tout à fait à part « .

Une exception justifiée par Robert Debré lui-même dans cet interrogatoire où il indique soigner des enfants d’officiers allemands.

Le rapport de police conclue :  » Quoique prétextant que les autorités occupantes ne le considèrent pas comme Juif, le Pr Debré n’en est pas moins recensé à la préfecture de police et ne possède aucune dispense de l’étoile « . (2)

Robert Debré abritait un atelier clandestin de fabrication de faux papiers à l’hôpital des Enfants malades. Entré en résistance fin 1942, il cacha des enfants juifs échappés des rafles, dans sa maison de Touraine.

Serge Klarsfeld, dans  » La Shoah en France  » tome 2, évoque la mémoire de Tamara Isserlis, 24 ans, étudiante en médecine qui travaillait avec le Pr Debré.

Sa famille, originaire de Russie et de Lituanie, en France depuis 1910, se réfugia à Nice en 1940 mais elle resta à Paris pour ses études.

Arrêtée pour avoir porté le drapeau français sous l’étoile jaune, elle sera déportée à Auschwitz par le convoi n° 3 du 22 juin 1942, le premier à compter des femmes.

(1) Robert Debré :  » L’honneur de vivre  » (Stock – Hermann, 1974), p. 221, 230 et 231.

(2) CDJC-CCXXXVIII-117 : rapport d’enquête du 31 mai 1943 de l’inspecteur Soustre, de la section d’enquête et de contrôle (SEC) de Paris, qui renseigne sur le statut spécial du Pr Debré pour le port de l’étoile jaune.

Thierry Noël Guitelman

Source : La face cachée de l’Etoile jaune

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