A l’instar de l’ensemble de ses déclarations depuis l’explosion du port de Beyrouth le 4 août 2020 (demande à la France de photographies du ciel du Liban au moment de l’explosion, refus d’enquête internationale, etc), les propositions du général Michel Aoun, président de la république libanaise, la veille de la visite du président Macron à Beyrouth, sur un Liban laïc sont fantaisistes et sans fondement.
Ces conjectures sont fantaisistes puisqu’elles contredisent les propos antérieurs de Aoun sur le sujet et sont jetées à l’opinion publique comme un os à un chien quelques heures avant l’arrivée jugée financièrement menaçante du président français au Liban.
Elles sont sans fondement, puisqu’elles ne sont assorties d’aucun indicatif ni surtout d’aucun agenda, deux prérogatives présidentielles au Liban soumises à la consultation des présidents du conseil et du parlement…ce qui n’a pas été fait et qui ne sera probablement pas effectué par l’administration libanaise en place. Les mœurs politiques libanaises en général et celle du général Aoun en particulier sont là pour le prévoir.
Il s’agit pour l’équipe en place à Beyrouth de gagner du temps face à la colère de la population et de l’alerte financière de la communauté internationale.
Le système Aoun n’est pas au Liban une novation, mais une pérennisation de l’activité exécutive et parlementaire au Liban depuis l’invasion libanaise d’Israël en 1948.
Ce système pourrait se résumer ainsi en deux pans :
D’une part, des détournements des fonds publics à des fins personnelles et familiales, la non-redistribution aux publics des prélèvements fiscaux directs & indirects, l’abandon des obligations dévolues aux services de l’Etat aux profits des clans confessionnels et territoriaux, les soumissions successives à des dictatures étrangères (OLP, « république arabe syrienne », « république islamique d’Iran »), dévolument général des attributs de souveraineté nationale à la milice libano-iranienne Hezbollah, premier potentat pluridimensionnel du Liban.
Aucune nomination, aucune décision, aucune activité intérieure ni extérieure ne se produit au Liban sans l’autorisation du Hezbollah. Aoun en est l’exemple le plus capiteux.
D’autre part, les tentatives de canalisation de l’opinion publique par la victimisation du Liban dans tous les conflits qu’il a créés ou contribué à créer et la désignation d’Israël comme source de tous les maux du Liban. Système classique des régime mafieux!
Ceux qui osent s’opposer ou émettre des critiques à l’égard de ce système sont abattus par le Hezbollah qui le reconnaît ou non au milieu de ses menaces publiques et officielles.
Raffic Hariri, président du conseil, assassiné en 2005 par deux tonnes de TNT, en plein Beyrouth, devant l’église Saint Georges, l’a payé de sa vie voici quelques années. Menacés par le Hezbollah, les juges judiciaires libanais se sont tous désistés. A telle enseigne qu’il a fallu créer le tribunal spécial pour le Liban à la Haye aux Pays Bas et que les juges ont incriminé après quinze ans d’instruction et de multiples reports…non le Hezbollah mais un séide qui en était proche!
Les tentatives d’ Aoun de désignation d’un missile de l’extérieur comme cause de l’explosion du port de Beyrouth le 4 aout dernier sont à cet effet particulièrement grotesques…alors que des ministres du cabinet libanais, des députés, des magistrats, des militaires, des hauts fonctionnaires de l’entourage même du président Aoun sont des miliciens plus ou moins bon teints du Hezbollah et que le Hezbollah est avec le régime des mollah d’Iran le spécialiste au Liban et au Proche-Orient du TNT.
En toutes hypothèses, en dehors de quelques arrestations de troisièmes et quatrièmes couteaux libanais, et de considérations évasives et contradictoires de l’appareil d’Etat libanais, rien n’a changé depuis les admonestations du président Macron sur le sujet. L’absence des services de l’Etat dans l’aide au public libanais n’a d’égal que sa vénalité à poursuivre la captation de l’aide internationale.
Seule la chute d’un régime corrompu pivotant autour d’une milice (Hezbollah) servant des intérêts étrangers (Iran islamiste) permettra de sauver le peuple libanais du désespoir et de la misère et la région d’un nouveau conflit avec Israël, seule et unique porte de secours des équipes en place à Beyrouth et à Téhéran.
Pierre Saba
Aoun n’a qu’une importance anecdotique. Son éviction ne changerait rien. Le problème libanais est plus profond que ça.
Macron le sait. Mais alors, que fait-il dans cette galère ? Que va-t-il chercher au Liban et en Irak ? A-t-on oublié les attentats à Beyrouth en 1983 ayant vu la mort de 58 soldats français (et d’ailleurs 240 américains) ?
Si c’est une opération de « comm », sans conséquence concrète, pour se présenter (et la France avec) sous son meilleur jour auprès de l’opinion publique française et européenne, il est dans son rôle.
Mais si c’est pour exercer je ne sais quel « soft power » français, il gaspille son temps et notre argent.
Rappelons que le chaos libanais est la conséquence de la genèse artificielle de ce pays il y a un siècle, voulue par les puissances coloniales victorieuses de la première guerre mondiale, en l’occurrence la France, histoire de dépecer le défunt empire Ottoman selon leurs intérêts.
Les évolutions politiques et démographiques depuis vidèrent cette politique de sa substance. Le Liban (et dans une moindre mesure l’Irak) n’a plus de raison d’être.
La France n’a rien à gagner dans la région, sauf peut-être la pêche en eaux troubles. Par exemple pratiquer son peu glorieux métier de marchand de canons.
Chaque euro investit au Liban le serait in fine à fond perdu. Ce pays n’existe plus car il n’a jamais vraiment existé. A terme, il ne peut devenir qu’une annexe sous férule syrienne avec le Hezbollah pour force d’occupation.
Le Liban ne mérite pas ces débordements de sympathie.
Après tout, un pays ne finit-il pas toujours par avoir la gouvernance qu’il mérite ?