Lorsque, refusant de les remettre au peuple rebelle, Moshé brisa les Tables de la loi, il sut contraindre Dieu au pardon, mais aussi à réécrire les Tables sur un support qui, cette fois, était taillé par l’homme (Ex. 34, 1).
Dès lors, Dieu n’écrira plus, c’est l’homme qui écrira sous la dictée de Dieu (Ex. 17, 14). Bien plus, divers commandements ne seront édictés par Dieu qu’en réponse aux questionnements de l’homme.
C’est le cas du second pessa’h, l’agneau pascal du mois d’Iyar (Nbr. 9, 6) ou de la première législation concernant les filles de Tseloph’had (id. 27, 7) jusqu’à la seconde, au dernier chapitre des Nombres, où Dieu n’est même plus questionné et qui inaugure le Droit rabbinique.
Dieu attend la réaction d’Abraham
Les interventions de Dieu sur terre, autrement dit l’Histoire quand Dieu se faisait présent, pouvaient, elles aussi, être associées aux réactions de l’homme. Déjà avec Abra[h]am, informé par Dieu de l’anéantissement possible de Sodome. Selon la tradition rabbinique (voir la « correction » rapportée par Rachi –Gen. 18, 22), Dieu resta en communication avec Abraham dans l’attente de l’intervention du Patriarche. A la suite, tout au long des quarante années dans le désert, Moshé intercèdera en faveur des Bné Israël. Grâce à lui, Dieu pourra pleinement être Dieu! Le Midrach imagine que le problème avait été posé par Abraham, à propos de Sodome. Le Patriarche lui aurait dit. « Tu veux tenir la corde par les deux bouts! Si tu veux la justice, alors l’univers des hommes ne peut exister. Si c’est l’univers des hommes, alors il ne peut y avoir de justice » – Beréchit Rabba 49, 9 . A la suite d’Abraham, Moshé fera en sorte que la justice et la société puissent cohabiter! Quand il perdra la capacité de défendre la société des Hébreux, quand lui-même accusera les Bné Israël d’être « rebelles » (Nbr. 20, 10), la Tora annoncera à Moshé la fin de sa mission (v.12).
Le cinquième Livre
Cette fin de mission étant annoncé, voilà que Moshé écrit « son » Livre! Il ne le fait plus sous la dictée de Dieu. Il se permet même d’enclencher le travail des sages du Talmud, plus tard, puis des rabbins, à savoir: préciser, aménager, rajouter. Ainsi va-t-il expliquer le drame des explorateurs. Il rappellera aux Hébreux l’initiative qu’il se sentit autorisé à prendre, en proposant la paix à Si’hon, roi de ‘Hechbon, à l’opposé de la demande initiale de Dieu qui l’avait enjoint de lui faire la guerre (Deut. 2, 24-26). Il modifiera les termes des malédictions et des bénédictions figurant dans le Lévitique et, rappelant aux Hébreux la scène grandiose du Sinaï, il en changera l’un ou l’autre terme. Il donnera au commandement du Chabat l’orientation propre à une nation chargée de fonder une société juste en terre de Canaan. Et puisque les Hébreux allaient être appelés à côtoyer d’autres civilisations, il renforcera le combat contre le paganisme et en exposera les dangers.
Moshé rédige son Livre sous l’inspiration de Dieu, mais il reste « son » livre, qui forme la cinquième partie de la Tora. Il porte le nom de « Devarim », les « Paroles » (de Moshé) ou encore Michné Tora, la « Seconde Tora » – le Deutéronome.
Nous en commençons la lecture liturgique ce Chabbat 25 juillet 2020.
Rabbin, écrivain, journaliste, Jacquot Grunewald vit en Israël depuis 1985.
Jacquot Grunewald, reprenant en 1965 la direction du Bulletin de nos communautés d’Alsace et de Lorraine, en fit l’hebdomadaire d’informations Tribune juive, qu’il dirigera 25 ans durant, jusqu’en 1992.
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