L’étudiante et blogueuse Emna Chargui, poursuivie depuis le 4 mai par la justice tunisienne pour avoir partagé une publication sur le coronavirus parodiant le Coran, a été condamnée à six mois de prison ferme, mardi 14 juillet.
Six mois de prison ferme assortis d’une amende de 2 000 dinars (650 €), c’est la peine dont écope la blogueuse tunisienne Emna Chargui, 27 ans, pour avoir partagé, le 4 mai, sur son mur Facebook, une publication intitulée « sourate Corona ».
Le texte d’origine, publié par un internaute athée algérien vivant en France, est écrit en arabe et parle de la pandémie du Covid-19 en imitant le style des versets coraniques. Il était censé inciter les gens à se laver les mains tout en les faisant sourire.
Descente aux enfers
La publication disait notamment qu’« il n’y a pas de différence entre rois et esclaves, suivez la science et laissez les traditions ». Elle se concluait, de manière ironique par un « Ainsi parle le grand Jilou », un nom de divinité inventé pour l’occasion.
Deux jours après ce partage, la jeune femme avait été poursuivie par les autorités pour « atteinte au sacré et aux bonnes mœurs » et « incitation à la haine entre les religions en utilisation de procédés hostiles ou de violence ». La jeune femme risquait jusqu’à trois ans de prison pour atteinte à l’article 6 de la Constitution tunisienne qui précise que « l’État protège la religion » et « le sacré » et de l’article 52 relatif à la liberté de la presse.
Défendue par des associations
L’affaire Chargui avait suscité un mouvement de soutien d’association de droits l’homme mais également de journalistes.
Le 8 mai, après sa garde à vue, le président du Syndicat national des journalistes tunisiens (Snjt) Néji Bghouri lui avait exprimé son soutien affirmant que « cette garde à vue n’est autre qu’un scandale d’État et un indice dangereux du retour de la politique de la répression et de la muselière ». « Le gouvernement de Fakhfakh est soumis au Conseil de la Choura », avait-il ajouté.
La situation de la jeune femme avait aussi été dénoncée par Amnesty International qui avait demandé, mercredi 27 mai, aux autorités tunisiennes d’arrêter les poursuites contre la jeune internaute. Pour cette organisation de défense des droits de l’homme, cette affaire illustre les atteintes à la liberté d’expression dans ce pays d’Afrique du Nord.
De leur côté, les associations et organisations membres du Collectif Civil pour les libertés individuelles, les associations et organisations de défense des droits humains avaient exprimé dès le 11 mai, « leur solidarité pleine et entière à la blogueuse Emna Chargui face aux poursuites pénales déclenchées abusivement contre elle à propos de l’aberrante affaire « du verset du Corona virus » d’une part et face aux insultes, intimidations et menaces proférées contre elle sur les réseaux sociaux d’autre part ».
Dix jours pour faire appel
« Dans un pays de liberté, où la Constitution garantit la liberté d’expression et de conscience et les droits de la femme, moi, en tant que femme libre en matière de croyance et d’expression, on me condamne à six mois de prison », s’est désolée Emna Chargui après le verdict. La jeune femme dispose de dix jours pour faire appel en attendant, elle reste libre.
Source La Croix
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