Pendant le confinement, je me disais qu’après, quand on pourrait enfin reprendre une vie normale, les gens auraient soif de consommer, voyager, retourner au théâtre, s’aimer. Je crois que je me suis trompé.
Enfin, dans les premiers jours du déconfinement, ce fut la ruée sur les restos, les plages, les malls. Terrasses bondées et plages surpeuplées. Mais on sentait bien que le virus était toujours là, tapi sous les poignées de porte, les boutons d’ascenseur, le comptoir des bistrots. Les cas de contamination ont alors recommencé à se compter par dizaines, puis par centaines. Virus pas mort, virus plus fort encore. Et les gens se sont reconfinés d’eux même. Ici deux pelés, là trois tondus. Tout est devenu plus suspect et plus anxiogène, comme pendant une guerre. Sauf que la guerre rendait casanier, mais resserrait les rangs ; sauf que la guerre ne durait jamais bien longtemps.
En Israël, nous passions jusque là pour les champions de la lutte anti-Covid. Bien gérée, bien contrôlée, la première vague de l’épidémie faisait peu de dégâts. Et puis là, on dirait bien que ça se déglingue. Avant-hier 900 nouveaux cas, hier 1300.
Mais le COVID ne frappe pas seulement le corps. Il s’en prend au mode de vie collectif et désinvolte des Israéliens. Il frappe cet hybride miraculeux de culture kibboutznik et de culture sépharade, si caractéristique de ce pays. En Israël, on ne vit pas seul. C’est inconcevable. Depuis la maternelle on joue collectif. Mais aujourd’hui, plus on est collectif, plus le risque est grand d’être contaminé.
Le COVID a mis fin aux étreintes et à la vie en bande qui régissaient les rapports humains ici depuis 70 ans. On ne sait plus comment se dire bonjour, on ne sait plus se montrer qu’on s’aime. On me dira que partout sur terre on évite étreintes et baisers à cause du COVID. Mais à New-York ou à Londres, ça ne fait pas une grande différence avec la vie ordinaire. Ce sont des cités puritaines où l’on marche seul.
En Israël, c’est l’être collectif qui souffre. Ne plus se toucher, ne plus vivre ensemble, c’est un saut dans l’inconnu. Un alphabet indéchiffrable. Nous voici désormais comme un banc de sardines dispersées en haute mer.
Son Balace Bounel, publié chez Ramsay, reçut en 1979 le Prix du Premier Roman.
Marco Koskas, pensionnaire de la Villa Médicis de 1980 à 1982, est l’auteur de la biographie du Docteur Schweitzer ( 1992 chez Lattès ), mais également de nombreux romans. On lui doit aussi l’adaptation du Roi des Schnorrers d’Israël Zangwill, créé au Festival d’Avignon en 1995.
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