Antoine Desjardins. *Anachronismes, bêtise crasse, école de commerce*

Antoine Desjardins

Quand la chronologie est méprisée et n’est plus enseignée à l’école, alors c’est le triomphe partout de ce qui est l’ennemi le plus bête des sciences historiques, l’ennemi le plus lourd, le plus stupidement égocentré, le plus fatalement englué dans l’ethnocentrisme du présent : l’anachronisme.

Le bon gros Anachronisme en sabots de jugements moraux ineptes qui croit pouvoir enjamber les siècles et distribuer des bons et des mauvais points.

Le brave Foucault, notre philosophe relativiste, mis pourtant littéralement à toutes les sauces par les groupuscules gauchistes, doit rire jaune en sa tombe du Poitou, lui qui « révolutionna l’histoire » (Veyne) en s’en prenant… à l’historicisme niais, aux téléologies, aux lois, aux grands concepts transhistoriques, à l’histoire comme totalité, à la sociologie.

Deleuze, Foucault, Derrida

Lui qui demandait qu’on renonçât à toutes « les continuités », qu’on vît chaque événement dans sa singularité absolue. Lui le nominaliste et le sceptique, lui le nietszchéen.

Eh bien si l’époque se repaît goulûment d’anachronismes et de jugements de valeurs totalement indifférents aux épistémès, aux « discours », incapables de penser la « rareté », l’originalité, la spécificité, l’étrangeté etc., c’est qu’elle est fort peu foucaldienne et tout entière livrée à l’idéologie et au sinistre « Sens de l’histoire ».

Aux bons gros concepts dents creuses (comme disait Deleuze) qui avalent du vent.

Bien entendu, ce n’est pas seulement la conception foucaldienne de l’histoire qui est piétinée (je le dis pour montrer que les gauchistes citent un auteur qu’ils n’ont pas lu) mais simplement l’histoire comme connaissance du passé.

Bref, si on ajoute à la liquidation de la chronologie l’ignorance crasse (les deux marchent ensemble à l’école) on obtient le discours des gens qui veulent déboulonner l’homme d’État remarquable Colbert ou le grand savant Faidherbe.

Excusez-moi, je vois partout le triomphe de la connerie la plus épaisse.

Aujourd’hui le pompon, avec la déclaration ahurissante d’un maire élu écologiste (Grégory Doucet, un truc comme ça, un gars qui a fait une vague école de commerce) qui déclare que « le clivage qui fait sens en politique c’est désormais celui des terrestres et des non terrestres » et je me dis que ce qui est au fondement du désastre que nous vivons c’est l’ignorance en matière d’histoire, de philosophie, de sciences humaines.

Les nouvelles élites (futur maire de Lyon, capitale des Gaules !) sont un naufrage intellectuel. Le degré zéro du concept. Terrestre (vs) pas terrestre : le cœur vibrant de la politique.

AD

PS: Jean Yves Masson rappelle à juste titre ceci à propos de Faidherbe :

<<Les ethnolinguistes qui ont recueilli, transcrit et traduit les merveilleux chants des bergers peuls publiés aux Classiques Africains chez Armand Colin, dont j’ai déjà parlé il y a quelque temps, et dont j’admire la puissance poétique, sont les héritiers de Faidherbe.
Quand il fut nommé en Algérie, Faidherbe mit à profit ses fonctions pour poser les bases d’une description ethnographique du territoire en soulignant notamment la spécificité de la culture et de la langue berbères. Faidherbe a publié, outre des livres, plusieurs dizaines d’articles d’anthropologie et d’ethnographie dans des revues savantes. Il était vice-président de la société d’anthropologie et membre de plusieurs sociétés de géographie. Je sais bien qu’on dira que son vocabulaire français-peul-wolof, par exemple, avait aussi pour but de permettre le développement du commerce, et donc que son intérêt pour les langues locales était avant tout celui d’un colonisateur, mais ce serait un jugement à courte vue. L’ensemble de ses écrits et de ses travaux prouve un très vif intérêt pour la beauté des cultures qu’il rencontrait. Vers la fin de sa vie il se consacra à une description de la diversité des langues du Sénégal, incluant le soninké et le sérère.
Bref, Faidherbe était sans doute un représentant de l’administration coloniale, mais il était tout sauf un esprit borné. Les crétins qui manifestaient à Lille aujourd’hui ne savent manifestement rien de tout cela. >>

Louis Faidherbe

Professeur de Littérature comparée à La Sorbonne, Jean-Yves Masson est traducteur et poète.

Professeur de Lettres, Antoine Desjardins est co-auteur de « Sauver les lettres – Des professeurs accusent » (Editions Textuel). Membre du Comité Les Orwelliens, il écrit dans le Figaro Vox, Marianne, Causeur.

Suivez-nous et partagez

RSS
Twitter
Visit Us
Follow Me

Soyez le premier à commenter

Poster un Commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée.


*