Le Centre Kantor pour l’étude du judaïsme européen contemporain de l’Université de Tel-Aviv a rendu public un rapport spécial retraçant les phénomènes antisémites liés à l’épidémie du coronavirus dans le monde, basé sur des centaines de compte-rendus réalisés dans différents pays entre les mois de mars et juin. Selon le rapport, la vague d’antisémitisme occasionnée par le virus est intense et puissante, toutes les accusations antisémites présentant un dénominateur commun: les juifs, les sionistes et / ou l’État d’Israël sont coupables de l’épidémie et / ou en profitent.
Le rapport a été établi à travers le réseau international mis en place depuis plusieurs années par le Centre Kantor, comprenant une soixantaine de participants qui répercutent les informations les plus actuelles sur l’antisémitisme dans le monde. La collecte du matériel a été centralisée par Sammy Eppel, membre du réseau du Centre au Venezuela.
Selon le rapport, l’antisémitisme occasionné par le corona trouve son expression dans toute l’Europe, en Amérique du Nord et du Sud, ainsi que dans les pays du Moyen-Orient, comme l’Iran, la Turquie et les territoires dépendant de l’Autorité palestinienne. Renouant avec l’antisémitisme classique, il englobe des théories complotistes, aux côtés d’accusations de type médiéval adaptées au 21e siècle.·Il est propagé essentiellement par des extrémistes de droite, des chrétiens ultra-conservateurs et des islamistes, à travers leurs propres chaines de médias en différentes langues: réseaux sociaux, chaînes de télévision, radio et presse écrite.
Le virus covid-1948
Aux États-Unis, les accusations proviennent en particulier de groupes qui prônent la suprématie blanche et des chrétiens ultra-conservateurs, et concernent les Juifs en général et les ultra-orthodoxes en particulier. Au Moyen-Orient, elles sont dirigées contre Israël, le sionisme et le Mossad, les accusant d’avoir inventé, initié et propagé le virus dans le but de réaliser d’énormes profits grâce aux médicaments et aux vaccins qu’ils sont en train de préparer. Les islamistes décrivent l’État d’Israël comme le virus Covid-1948, année de la création de l’Etat, et affirment qu’il s’agit du virus le plus dangereux pour l’humanité.· Les réseaux de délégitimation d’Israël utilisent le même argument. De plus, pour diffamer Israël, ils l’accusent d’utiliser le coronavirus comme arme contre les Palestiniens.· Alors que dans le monde occidental, le discours antisémite est principalement véhiculé par des groupes de population caractérisées par des idéologies diversifiées, au Moyen-Orient il est encouragé par une partie des régimes eux-mêmes.
Une étude de l’Université d’Oxford révèle que 19,1% du public anglais pense que les Juifs ont provoqué le déclenchement de l’épidémie.
D’après le Prof. Dina Porat, Directrice du Centre Kantor: “Ces éléments communs s’inscrivent dans la continuation des accusations antisémites traditionnelles, et redessine une fois de plus le portrait bien connu du juif. Cependant, l’antisémitisme produit par le coronavirus est plus intense et plus puissant, s’est installé depuis déjà plusieurs mois et indique un niveau élevé d’anxiété et de peur au sein de nombreuses populations. Néanmoins, il faut replacer cette situation dans un contexte général, et rappeler que d’autres groupes également sont accusés de propager le virus: d’abord les Chinois, puis les opérateurs des antennes de télécommunication de la cinquième génération, enfin les autorités à qui il est reproché de ne pas en faire assez. Les pays se renferment dans leurs frontières, tout étranger est regardé avec suspiçion, et il n’y a plus d’immigration venant de l’extérieur”.
Quand le récit antisémite s’adapte à l’évolution du contexte social
“Les catastrophes mondiales ont souvent été attribuées aux Juifs et à Israël dans le passé”, ajoute le Dr. Giovanni Quer, “et un discours antisémite s’est développé et autour d’elles, comme par exemple les théories complotistes selon lesquelles les sionistes auraient été responsables de la chute des Tours Jumelles, ou de fausses informations selon lesquelles des soldats israéliens prélèveraient des organes sur des corps palestiniens. La vague d’antisémitisme actuelle est sans précédent car elle s’est répandue en peu de temps sur les réseaux sociaux autour de la crise du corona et s’est rapidement transformée en fonction des changements sociaux et politiques: entre la crise du corona et la crise sociale, sur fond de racisme aux États-Unis, quelques jours seulement se sont écoulés, mais le discours antisémite est présent avec la même vigueur et les facteurs responsables de sa diffusion ont adapté leurs narratifs à l’évolution du contexte social”.
Quelques exemples des motifs antisémites qui se sont développés autour de la crise du covid19 :
– Antisémitisme classique, comme le retour à l’accusation d’empoisonnement des puits pendant la peste noire, par exemple la caricature diffusée en France mettant en scène l’ex-ministre de la Santé, Agnès Buzyn, empoisonnant joyeusement un puits (Fig. 1).
– Antisémitisme contre les ultra-orthodoxes aux Etats-Unis : les juifs ultra-orthodoxes, en particulier aux USA, sont vus comme propagateurs du virus, car ils n’obéissent pas aux réglementations et se posent comme en dehors des lois imposées à tous. En revanche, s’ils sont contaminés, ce sera parce qu’ils ont rejeté les enseignements de Jésus et l’ont crucifié.
– Version moderne des Protocoles des Sages de Sion : les Juifs ont l’ambition de conquérir le monde, cette fois en propageant un virus qui sape l’économie et la société, et en préparant un vaccin et un médicament qu’ils vont vendre dans le monde entier avec un énorme profit.
Détournement des concepts liés à l’Holocauste
– Les allégations circulant en Iran et en Turquie selon lesquelles les sionistes, en collaboration avec les États-Unis, sont à l’origine de l’épidémie, dans le but de faire mourir des milliers de musulmans au Moyen-Orient, en particulier en Iran.
– Selon d’autres interprétations du discours musulman, le coronavirus est une punition pour les ennemis de l’islam, qui comprennent un large éventail de nations. La propagande iranienne anti-israélienne et antisémite est diffusée vers le public sud-américain par le biais des chaînes de télévision iraniennes en espagnol.
– Accusation constante d’Israël et de l’armée israélienne de propager le virus parmi les Palestiniens, en particulier les prisonniers dans les prisons israéliennes, accusation qui ne tient pas compte du fait que jusqu’à présent, une seule personne est décédée du corona dans les territoires de l’autorité palestinienne et à Gaza.
– Détournement des concepts liés à l’Holocauste: les restrictions liées à la politique de freinage du coronavirus sont comparées aux mesures prises par le régime nazi; le confinement est associé à l’enfermement dans les ghettos, et l’ouverture liée au slogan ARBEIT MACHT FREI; la mention « non vacciné » apparaît à la place du mot « juif » sur l’étoile jaune portée par les manifestants contre les politiques de vaccination pour suggérer que le sort des personnes qui ne veulent pas se faire vacciner est comparable à celui des juifs persécutés dans l’Allemagne nazie et qu’ils sont considérés comme des propagateurs de maladies, tout comme les juifs. Ce phénomène a pris une telle ampleur qu’à Munich le port de l’étoile jaune lors des manifestations a été interdit.
» Holocough «
– La formule « Holocough », combinaison d’’holocauste’ et de ‘toux’ (‘cough’ en anglais), courante sur les réseaux sociaux, en particulier chez les néonazis et les suprémacistes blancs. Selon une certaine interprétation, la toux est un moyen utilisé par les Juifs pour nuire à la race blanche. De plus, les sceptiques affirment qu’il n’y a pas du tout d’épidémie et que ce qui se passe fait partie d’un plan judéo-sioniste pour gouverner le monde.
– Appels directs à nuire aux Juifs en propageant le virus parmi eux. L’exemple le plus frappant est une pancarte relevée dans une manifestation aux Etats-Unis : » Les synagogues sont fermées – les chambres à gaz sont ouvertes » .
– Le meurtre de George Floyd aux États-Unis a amené d’autres motifs antisémites sur le devant de la scène, y compris l’accusation selon laquelle les marchands d’esclaves qui ont fait venir les Noirs vers l’Amérique étaient juifs, que la police israélienne forme la police américaine qui est donc cruelle et raciste, et que les Noirs et les Palestiniens partagent un sort similaire.
Figure 1 : l’ancienne ministre française de la Santé, Agnès Buzyn, empoisonnant un puits. Le nez est révélateur de sa judéité.
Figure 2 : « Les prisonniers continuent de souffrir des essais de vaccin et de médicaments sionistes ». Le dessin est l’adaptation d’une caricature sans paroles publiée en 2013 dans le cadre de la demande de libération des prisonniers palestiniens malades.
Photo 3 : manifestants aux États-Unis (Twitter)
Figure 4 : https: //www.facebook.com/CanaryMission/videos/262468158196528/? T = 1-
Figure 5 : Caricature représentant deux policiers enlacés, un Américain étranglant un Noir et un Israélien étranglant un Palestinien.
Source : ami-universite-telaviv.com
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