Serge Hajdenberg. A la « Répu »: Insultes à la France Républicaine

Place de la République à Paris c’est mes premiers moments de vie. Ma patrie du moment en quelque sorte. Né au milieu d’un automne plutôt froid, pendant une guerre qui a ravagé la planète et surtout, dès l’ouverture de mes yeux, déjà gibier chassé par tous ceux qui voulaient bouffer du juif.

Ces amateurs de meurtres en tous genres, de préférence en masses, au nom de la pureté de leur race, étaient évidemment prêts à éradiquer la mienne.

Aujourd’hui j’imagine que ma mère a dû chercher dans sa tête pendant des semaines et des semaines comment faire, à partir de ses premières douleurs, pour filer à l’hôpital le plus vite possible pour me mettre au monde, drôle de monde.

Bien entendu, comme tout enfant sur cette terre, je n’ai pas vraiment aidé ma jeune maman et afin de tenter de sortir ma tête pour aller voir le soleil j’ai attendu l’heure du couvre-feu pour les juifs, car je ne le savais pas encore, mais j’étais déjà juif.

Mes parents habitaient à 100 mères de la « Répu ». C’est la concierge de l’immeuble qui, elle, avait ce droit de sortir à n’importe quelle heure, est allée jusqu’au commissariat des Enfants Rouges rue de Bretagne et qui est revenue chercher ma mère. A cette époque on les appelait quand même « les gardiens de la paix », eux qui mettaient des bâtons dans les roues à ma génitrice afin de lui compliquer les choses, voir même l’empêcher d’accoucher d’un petit français, c’est vraiment incroyable. Enfin dans une camionnette de Police-Secours ils emmènent ma mère accoucher chez Rothschild comme on disait à l’’époque. Quelques mois plus tard il y eu la rafle du Vel d’Hiv menée par la police parisienne pour arrêter 13 000 juifs. Depuis que mes parents m’ont raconté ces épisodes de mon enfance et jusqu’à aujourd’hui il m’est extrêmement difficile de franchir la porte d’un commissariat parisien.

Mais vers l’âge adulte, lorsque mon cerveau fût ouvert et prêt à protester, j’ai organisé avec des amis, nombre de manifestations sur cette place de la République. Quel beau nom ! c’est quand même mieux que place des Ternes pour soutenir Israël ou réclamer la « Liberté pour les juifs d’URSS ». Des rassemblements sans violence et pourtant parfois durement réprimés par ces mêmes gardiens de la paix qui savaient se montrer très durs, trop durs y compris sur des femmes de plus de 70 ans frappées et laissées sur le bitume parfois avec des membres cassés.

Samedi dernier sur « ma » place de la Répu, de nouveau les cris de « Mort aux juifs » ont retenti comme il y a quelques années. C’était pour soutenir les Palestiniens paraît-il. Et puis c’était une manif contre le racisme et pas pour les juifs que croyez-vous ? Hier la France a commémoré les 80 ans de l’appel du Général de Gaulle. A cet instant je veux vous rappeler tous ces français non-juifs qui ont pris pendant la guerre d’énormes risques pour sauver des juifs, leur faire passer des frontières pour être à l’abri des pétainistes et des allemands, cacher les enfants.

Il faut le dire haut et fort ces cris antisémites place de la République n’étaient pas que des menaces à notre égard mais aussi des insultes à la France Républicaine et surtout aux Justes parmi les Nations.

A propos, au moment de ces cris, où était la police ? Et quel élu avec son écharpe tricolore est-il allé s’expliquer en face à face avec ces voyous ? Et quel député a quitté la manifestation pour ne pas être mêlé avec la racaille ? Pas Monsieur Mélenchon ni Monsieur Coquerel, tous les deux un peu durs de la feuille.