Les médias affirment qu’il existe une crise profonde entre la Jordanie et Israël et accusent le Premier ministre Nétanyahou de mettre en péril le traité de paix signé le 26 octobre 1994 avec le roi Hussein.
Certes, le roi actuel Abdallah II se trouve en détresse mais en réalité joue un double jeu sur la question palestinienne. Il coordonne ses démarches diplomatiques avec Mahmoud Abbas contre l’application de la souveraineté israélienne sur des pans de la Cisjordanie.
Complexés de ne pas avoir réussi à s’opposer au transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem, le roi hachémite et le vieux chef palestinien souhaitent vivement le départ de Donald Trump et préfèrent que le candidat démocrate Joe Biden gagne les élections en novembre prochain.
Cependant et malgré tout, le roi Abdellah II est contraint de maintenir le traité de paix à la lettre, car cet accord demeure vital pour la survie de son propre régime.
Les relations Israélo-jordaniennes sont donc moins graves que certains observateurs et journalistes les décrivent, et elles demeurent apparemment solides dans tous les domaines.
L’avenir du Royaume hachémite et ses intérêts économiques et stratégiques dépendent plus que jamais de l’Etat juif.
Rappelons que la relation avec la Jordanie est plus complexe et elle remonte à la création de l’Etat d’Israël. Elle concerne deux pays voisins qui partagent plus de 238 km de frontière. Deux Etats qui s’opposent également à la création d’un Etat palestinien militarisé et combattent ensemble contre le terrorisme islamique.
Lors du fameux Septembre noir 1970, le Roi Hussein avait échappé à un attentat palestinien et son Premier ministre, Wasfi Tal, fut assassiné au Caire. Arafat souhaitait renverser le royaume jordanien par la force et proclamer un Etat palestinien. Son but était de créer une grande Palestine jusqu’à la Méditerranée…
Le roi Hussein lança des opérations contre l’OLP et chassa Arafat et ses troupes de Jordanie vers le Liban. Les combats avaient duré plusieurs mois et firent plusieurs milliers de morts. Il est clair que sans le soutien discret d’Israël et de ses services, le royaume hachémite n’aurait pas existé aujourd’hui.
Jusqu’aux accords d’Oslo, tous les gouvernements israéliens avaient souhaité régler le problème palestinien avec la Jordanie et écarter l’OLP d’Arafat. Hussein, opposé farouchement à un Etat palestinien, était prêt à signer un traité de paix à condition d’obtenir un certain retrait de Cisjordanie. Rappelons que depuis sa grande défaite en 1967, le roi avait toujours refusé de se joindre à une nouvelle guerre contre Israël. Il avait même averti Golda Meir des préparatifs de la guerre du Yom Kippour.
Depuis, avant le Traité de paix et après sa signature, de nombreuses rencontres, publiques et secrètes, ont eu lieu entre tous les dirigeants israéliens et le roi de Jordanie et ses ministres (Hussein, son frère Hassan, et son fils Abdallah). Malgré l’Intifada et les crises survenues sur l’avenir de Jérusalem-Est et l’ambassade d’Israël à Amman, les contacts demeurent permanents et très productifs sur le plan militaire et commercial et surtout dans le domaine du Renseignement.
La Jordanie abrite plus d’un million et demi de réfugiés syriens et irakiens et 60% de sa population est palestinienne.
De fortes pressions sont exercées contre le roi, surtout au sein du parlement, pour qu’il annule le Traité de paix avec Israël. La situation économique est grave, le chômage, et les manifestations quotidiennes dans les rues encouragent les Islamistes et Daesh à perpétrer des attentats terroristes et déstabiliser le royaume.
La chute du royaume hachémite et l’islamisation de la Jordanie favorisent aussi l’Iran dont ses milices sont déjà installées en Syrie et en Irak. Un tohu-bohu en Jordanie ouvrirait un nouveau front à l’Est et serait donc très dangereux pour la sécurité d’Israël.
Avant donc d’appliquer la loi sur la souveraineté israélienne dans la vallée du Jourdain le devoir du gouvernement Nétanyahou-Gantz est de rassurer le roi hachémite et d’entamer un dialogue direct et franc pour consolider le traité de paix sur tous les plans.
Les « printemps arabes » ont épargné la Jordanie. Ni tumulte ni révolte ni danger pour le régime et le roi.
La raison principale en étant la présence israélienne ; certes civile et militaire ostentatoire à la frontière ouest ; mais aussi la collaboration, sécuritaire surtout, avec Israël dont les agents y sont de notoriété publique actifs.
Le royaume hachémite est donc, selon la formule consacrée, assis sur des baïonnettes israéliennes auxquelles les USA ont sous-traité leurs intérêts dans la zone.
Le tout malgré une forte (majoritaire, en vérité) population dite « palestinienne » au royaume.
La réaction jordanienne, sans doute véhémente, ne jouera donc qu’un rôle limité dans la décision israélienne d’annexer (ou pas…) la vallée du Jourdain.
Le chien aboiera et la caravane passera.
Sachant qu’il existe un autre aspect de la question : une redéfinition de la Jordanie comme « Etat palestinien » ; conformément à une situation démographique de longue date. Moyennant une petite pichenette par la CIA et le Mossad…
L’idée n’est pas étrangère à certains en Israël et même à Ramallah.
Sachant que c’est le royaume hachémite qui en ferait les frais.
Ce chien-là ne mordra jamais.