C’est peut-être l’étude scientifique qu’on attendait depuis le début de la vague épidémique mais, à cause de l’interminable polémique autour des mérites de la chloroquine et de ceux de son défenseur, le professeur Raoult, on hésite à croire possible un quelconque miracle. À tout le moins peut-on parler, comme les auteurs de ce travail publié vendredi dans la revue médicale The Lancet Rheumatology, de résultats « encourageants ». Toute l’équipe de l’hôpital Saint-Joseph (Paris) teste depuis le 18 mars les effets sur le Covid‑19 de l’anakinra, un médicament bien connu des rhumatologues – même s’il a été surpassé dans le traitement de la polyarthrite – et des spécialistes des maladies auto-inflammatoires.
La biothérapie a été injectée pendant dix jours à des patients touchés par les formes graves de la maladie, c’est‑à-dire victimes du désormais fameux « orage inflammatoire » ou « orage cytokinique ». Cette réaction incontrôlée du système immunitaire survenant en général une semaine après le début des symptômes peut déboucher sur un syndrome de détresse respiratoire aiguë et/ou sur la défaillance de plusieurs autres organes vitaux. « Très vite, vers la fin mars, le visage de la maladie a changé pour nous, indique le professeur Jean-Jacques Mourad, spécialiste de médecine interne. On s’est aperçus que de nombreux patients que l’on soignait avec peine allaient mieux. C’était incroyable, ce soulagement, après des nuits blanches à faire de la médecine de guerre.
UNE ARME PRÉCIEUSE
L’analyse des données a confirmé l’impression de terrain des chercheurs et leur hypothèse de départ : le Covid-19 ne doit pas être considéré exclusivement comme une maladie virale ; le mécanisme conduisant aux formes sévères est semblable à celui qui advient dans d’autres pathologies et un médicament anti-inflammation, dont les effets indésirables semblent limités, pourrait être utile. « On a eu confirmation que la molécule, qui cible l’interleukine‑1, une des protéines impliquées dans cette tempête inflammatoire, parvient dans la majorité des cas à bloquer l’orage cytokinique », détaille le docteur Gilles Hayem, chef du service de rhumatologie.
L’article suggère même que le traitement a sauvé des vies. Son administration aurait permis une « réduction statistiquement significative du risque de décès et de passage en réanimation pour assistance respiratoire par ventilation mécanique ». D’après les auteurs, un quart seulement des 52 patients (âge moyen 60 ans) traités par anakinra entre le 18 mars et le 6 avril ont été transférés en réanimation ou sont décédés, contre près de 73 % dans un autre groupe de 44 personnes elles aussi atteintes de pneumonies aiguës et prises en charge dans le même hôpital….
L’espoir est aussi nourri par les résultats positifs,bien qu’un peu moins encourageants d’une équipe italienne qui a administré des doses plus fortes et traité moins de patients.Des travaux sont sont également en cours à Caen et à Tours…
Si l’essai était confirmé par des travaux conduits par plusieurs centres de recherche, l’anakinra, aujourd’hui vendu dans de rares indications sous le nom de Kineret par le laboratoire pharmaceutique suédois Svedish Orphan Biovitrum, pourrait devenir l’une des armes clés en cas de deuxième vague.Un outil dont le coût serait limité à quelques centaines d’euros pour dix jours de traitement.Cela constituerait une arme précieuse pour la terrible deuxième vague inflammatoire mais pas le Graal.
Source : Anne-Laure Barret, Le Journal du Dimanche
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