Charles Baccouche. Le Nom, l’Âme en partance

                   

Le nom devrait permettre d’identifier les gens, les animaux et les objets.

Ainsi Eloïm est le nom du Créateur de l’Univers (Béreshit) accessible à notre entendement, donc Celui dont le nom échappe en permanence à nos tentatives de saisir sa substance, son âme en quelque sorte.

On peut tenter de traduire אלויים et nous voilà bien ennuyés: quel sens lui donner ?

(Vers les) se rapprocherait le plus mais qui est ce? El au pluriel se dit Eloïm qui est le nom du Dieu-Un au pluriel. Aïe, le piège se referme, Dieu est UN et il est écrit au pluriel.

Il faut reconnaître que le vocable Dieu n’est pas une catégorie biblique, puisque c’est le nom grec du dieu de l’Olympe grec, Zeus et romain Deus devenu Jupiter Capitolin dans la Rome antique.

Il n’est pas convenable pour des monothéistes comme les Juifs d’utiliser le vocable Dieu, alors qu’ils ont reçu et transmis la révélation au Sinaï, du seul et unique יהוה Youd Hé Vav Hé, qui est, nous rapporte la tradition, Elohim.

Par respect pour l’ineffable, nous dirons que יהוה est Hachem, le Maître du Monde est aussi Eloïm, le Créateur du Monde. Hachem signifie « Le Nom », le Nom de qui? De l’Ineffable, de l’Imprononçable, de Celui qui est partout et qu’on ne voit nulle part. C’est bien mais encore ?

Les choses seraient si simples si comme les autres humains, nous limitions notre approche de l’Absolu par la proximité du mot ELOÏM, Créateur unique de l’Univers. Mais que devient 

יהוה Youd Hé Vav Hé ?

Entrons dans le complexe. La Bible déclare plus loin qu’aux patriarches Abraham, Isaac et Jacob, il ne s’est pas fait connaître sous le nom de Youd Hé Vav Hé qui sera révélé à Moshé Rabinou à la Sortie d’Egypte, mais sous le nom de El Shaddaï – Celui qui suffit, qui suffit à lui-même, qui donne les limites de sa création. Qui dit : Suffit aux  montagnes de grandir, suffit à l’Océan de s’étendre. Rachi ajoute : El Shaddaï c’est aussi, « Suffit à nos souffrances » suffit à nos malheurs. Rachi encore : «Il a suffisamment de bénédictions pour que le Monde subsiste, croisse et fleurisse ».

Nos Maîtres disent « Le Tout Puissant »: Ils ont raison, il faut être tout puissant pour faire naître et faire mourir, pour faire lever les étoiles en les appelant « par leur nom », appeler le Soleil aux portes du matin et la Lune dans les brumes du soir.

Il faut être tout Puissant pour contrôler la croissance des êtres et des choses et des éléments, pour apaiser la souffrance des créatures, pour être en même temps Celui qui blesse et Celui qui guérit, Celui qui tue et Celui qui fait vivre

                                                                      

Cependant on ne sait toujours pas le nom du Tout Puissant. On dit même qu’Il en aurait soixante dix, mais lesquels? Pour l’instant on se contentera de Hachem qui est le NOM !

La problématique du nom va s’inscrire à tous les instants de l’Histoire des Hébreux, mais

Le vocable «Hébreu» signifie Celui qui passe d’une rive à l’autre, d’un destin à l’autre en changeant de nom, ainsi pour Abram qui deviendra Abraham et Saraï qui deviendra Sara avec des conséquences surprenantes dans la suite des temps.

Mais nous les Hébreux, nous les Judéens, les Juifs, les israélites, les Israéliens, quel est notre Nom ? C’est essentiel sous une apparence anodine. Chaque fois qu’une Nation, une Civilisation, une idéologie a prétendu à l’hégémonie, à la toute puissance (Drôle comme les hommes cherchent la Puissance !) elle a tenté soit d’éradiquer les Juifs, soit de les convertir en leur donnant un nom nouveau, soit de les priver de leur Terre ancestrale, le Pays d’Israël, en donnant des noms d’emprunts maquillés en « Palestine »: Jérusalem, le cœur des hébreux, sous Hadrien de la Rome impériale, devint Aelae Capitolina.

Les Espagnols forcèrent leurs Juifs à partir de Séfarad ou à se convertir, dans les deux cas ils durent changer de nom, soit pour devenir catholiques sous la férule d’Isabelle et de Ferdinand, soit pour adopter des noms modifiés dans les pays de l’Islam arabe et de celui des Ottomans.

Les Allemands qui visaient à l’extermination du peuple juif et de sa Thora ont commencé leurs abominations en enlevant leurs noms aux Juifs raflés et emprisonnés dans des camps de mort. Ils les ont remplacés par des chiffres gravés à même la peau, pour les priver de leurs âmes avant de brûler leurs corps.

La Thora nous enseigne combien le nom est la source même de l’identité de chaque Juif et la racine de la Terre que le Dieu D’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob, leur a donnée à l’aube de l’Histoire  et jusqu’à la fin des temps.

Chaque enfant de Léa, l’épouse féconde parce que mal aimée, de Jacob, qui lui naît, portera un nom signifiant (Réouven  D… a vu…, Levy D… m’accompagne…….) Leurs destinée sera marquée par le sens de leurs noms: ainsi Levy et ses descendants seront ceux qui porteront le Tabernacle et l’accompagneront dans le désert, ils serviront le Temple et feront le lien entre les 12 tribus, eux formeront la treizième Tribu cachée choisie par HACHEM pour accompagner leurs frères. C’est dire la force du NOM sur nos parcours de vie.

Le Livre dit des Nombres est en réalité le Livre des Noms des Tribus d’Israël et des princes et chefs de Tribus «  Et voici les NOMS des Enfants d’Israël…. »

Qui change de lieu change de destin, nous dit la Tradition, mais qui change de lieu chez nous change aussi de nom, et de niveau moral:

Abram (le Haut père) devient Abraham (Le père de nombreuses Nations) en quittant son pays, sa patrie, Saraï devient Sarah la Princesse.

Jacob devient Israël en rentrant chez après un âpre combat au corps à corps avec un inconnu.

(Jacob l’Homme des tentes et de l’étude, devient Israël, qui a pu affronter les forces célestes et les forces terrestres)

                                                          

L’homme Jacob et la Terre d’Israël alors se reconnaissent et s’engagent en un éternel mariage, d’amour, de refus, de rupture, et de retrouvailles jusqu’à nos jours.

Seul Isaac, qui est le fils de l’Héritage de son Père, ne changera pas de nom car il ne quittera jamais sa patrie, n’aura qu’une épouse et ne parlera qu’une seule langue.

Mais Isaac est notre Futur, son Nom même nous assure que nous sortirons de nos exils, que nous rentrerons dans notre Pays et que nous Rirons, comme notre Ancêtre Isaac dont le Nom signifie « Il Rira »

Nous rirons avec lui d’un Monde pacifié, où le loup et l’agneau cohabiteront, ou les Peuples n’apprendront plus la guerre, un temps  où l’Univers sera rempli du NOM de L’Eternel.

Dans l’attente de ce temps béni, le Juif s’interdit de rire.

Le Juif se nourrit de cette Espérance depuis deux mille ans, mais voici que les tribulations du Juif, judéen, israélite, Youd, Juden, s’achèvent et que pointe une lumière du fond des ténèbres.

Voici que L’aube sort enfin de sa nuit, le Pays d’Israël a retrouvé son Nom, Jacob, le vainqueur-rescapé rentre chez lui, ramenant les étincelles de la royauté des Hébreux.

Le nom d’hébreu trouve sa source dans « EBER » l’ancêtre d’Abraham  qui reste l’Homme qui part là où La Voix lui ordonne de se rendre (Lekh lekha) parce qu’il a a découvert que le Monde a un Créateur et n’est pas régi par un déterminisme aveugle.

« Hébreu » est le nom retrouvé du Juif, qui jette ses oripeaux et s’habille de son vrai nom.

L’homme Hébreu porte le nom justement de celui qui passe, (Over) d’un état moral à l’autre, d’une rive à l’autre, qui découvre de nouveaux horizons et s’enracine dans le pays que le Très Haut lui a donné pour toujours.

Le nom est aussi mouvant et impalpable que l’âme qui le porte, mais l’âme hébraïque est une énigme sans fin pour les Nations du Monde.

La prière des Hébreux: Que jamais plus le sceptre ne sorte de Juda, des collines de Jérusalem, l’éternel amour de ce  peuple sans pareil, dont le Roi siège dans les cieux, qui rit du retour des ses Enfants.

Charles Baccouche

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