« Je ramène ma gueule, je chie sur le président, et le président m’appelle. Pour me dire : “Vous avez raison”. Donc je trouve ça génial. (…) Il m’a appelé, il m’a dit “oui, oui vous avez raison, nous allons faire un putain d’échéancier”, m’a-t-il dit, comme j’avais demandé, donc c’était assez mignon quoi. »
C’est ainsi que l’humoriste français Bigard a commenté publiquement l’appel qu’il a reçu du président de la république Emmanuel Macron.
Avec d’autres personnages publics français, Bigard se présente comme porte parole du peuple & de ses intérêts face à l’Elite dirigeante, privilégiée & coupée de sa base. Il estime illégitimes les représentants exécutifs et parlementaires élus par le peuple. Il rage contre ces élus qui abandonnent, une fois en fonction, les mandats qui les ont fait élire. Il se considère comme représentant légitime des intérêts du peuple contre ceux de l’Elite. Il interprète l’intérêt qu’il suscite auprès du chef de l’Etat comme l’affirmation de sa théorie.
Il n’est pas le seul dans cette position. On se souvient, à titre d’exemple non exclusif, au mépris de toutes les lois & règlements en vigueur, des hurlements du député Mélenchon se présentant telle la République face à des officiers de police et un procureur de symbole de la république lors d’une perquisition le concernant.
Les raisonnements de ces personnages les conduisent à des comportements vocaux & physiques dangereux et illégitimes. Ils procèdent par failles.
En voici quelques unes.
1- La légitimité professionnelle ne saurait conférer aucune légitimité populaire ni démocratique.
2- La contestation de la légitimité des élections au suffrage universel direct ou même indirect constituent un déni de Droit. Elles perturbent la sérénité de la démocratie qui peine à se défendre face à ces coups de buttoirs.
3- L’évocation de la représentation personnelle du Peuple pose le problème de sa définition. Considérer le Peuple comme une notion chimique, monophasée, à pensée unique et invariable, est une absurdité intellectuelle, sociale et politique.
Le Peuple est divers. Il pense & aspire diversement, dans le Temps & dans l’Espace. Il se partage bienheureusement en catégories sociales, professionnelles, intellectuelles & identitaires.
L’uniformisation du Peuple n’existe pas en régime de démocratie sociale. Elle correspond à une volonté idéologique, totalitaire, autocratique & intolérante. Elle ne sied à aucune des réalité qui compose le Peuple! Les prétentions de Bigard & consorts ressemblent à s’y méprendre à une volonté autoritaire et personnelle. Elles révèlent des dispositions particulières à l’engouement égotiste de leurs initiateurs. Elles questionnent sur leur niveau de connaissance du peuple.
4- La présentation d’une Elite repliée sur elle-même, éloignée des réalités sociales & du peuple qui l’a élu est un risque démocratique et une réalité à ne pas généraliser. Bigard omet les contre pouvoirs institutionnels et sociaux de contrôles des élites & des élus qui sont utilisés par le Peuple en général.
5- L’opposition entre le Peuple et l’ Elite est une manifestation de manipulation de l’opinion et / ou une méconnaissance du système républicain de démocratie tel qu’il existe en France dans le cadre de la constitution de la Vème république.
Cette opposition se fonde sur une prétendue distinction d’intérêts personnels et catégoriels d’une part (Elite) et de l’intérêt général usé jusqu’à la corde par la passivité d’un Peuple soumis à l’Elite.
Pour Bigard, l’élite française est celle des régimes autoritaires, autocratiques, oligarchiques & aristocratiques. Or l’élite française, fondée sur l’égalité, l’effort, le mérite, l’ascension sociale ouverte à tous est à ce titre éminemment républicaine. Elle n’a aucun rapport avec l’Elite reposant sur l’inégalité.
Des inégalités sociales perturbent en France comme ailleurs la démocratie politique, sociale et économique. Elles sont balancées -toujours insuffisamment en regard du progrès- par la solidarité nationale qui repose essentiellement sur la solidarité fiscale de la Nation. Cette solidarité certes insuffisante est l’antidote aux considérations erronées de Bigard et autres. L’Elite républicaine est un produit de l’Egalité républicaine.
Par conséquent, et en dépit des inégalités, l’opposition entre Peuple et Elite ne correspond à aucun des paramètres sociaux, politiques, fiscaux et de Droit général en vigueur en France.
6- Bigard appartient au monde du spectacle, aux « people », à la sphère des media.
Ses récriminations à l’encontre de l’Elite ressemble à s’y méprendre à celle dont fait l’objet la classe socio-professionnelle à laquelle il appartient. Tout comme les avantages qu’il assène à l’Elite qu’il désigne, il appartient lui-même à une caste ciblée par des accusations et de suspicions identiques! L’adoption du raisonnement de Bigard permet d’imaginer une hypothèse surprenante. Bigard pourrait être soupçonné de s’en prendre à l’élite républicaine en raison de son appartenance à l’élite des « people »!
7- Des personnes publiques (monde du spectacle, contestataires sociaux, et même parlementaires) comme Bigard adhèrent au « dégagisme » des élites. Elles dénient à la France son statut de « démocratie parlementaire rationalisée par le pouvoir présidentiel ».
8- Cette volonté fait fi des organes de contrôles de l’Elite républicaine et démocratique. Elle feint de l’assembler à une élite aristocratique et inégalitaire. Elle monte le niveau des inégalités à celui de la rage sociale et politique. Elle conduit à l’annulation de la démocratie. Elle est périlleuse. Elle délégitimise la démocratie représentative. Elle propose de la remplacer par la violence comme expression contestataire.
La démocratie est associée à la séparation des pouvoirs institutionnels. La distribution erronée des compétences se transforme en faisceaux d’incompétences. Si Bigard et autres s’estiment capables de prétendre à une candidature élective, qu’ils l’annoncent! Dans l’hypothèse, ils subiront les accusations qu’ils profèrent telle l’appartenance à une élite! Ils devront procéder à des choix politiques et cesser de considérer le Peuple comme une entité indivisible!
Sinon, qu’ils modèrent leurs comportements à la limite de leurs éventualités.
Pierre Saba
« …la démocratie qui peine à se défendre face à ces coups de buttoirs. »
N’exagérons rien.
Les saltimbanques qui usurpent leur renommée de clown pour nous infliger leurs opinions, dans des domaines où ils n’ont AUCUNE compétence supérieure à mon chauffeur d’UBER de ce matin ou à la concierge de ma cousine, passent, aux yeux du grand public, pour ce qu’ils sont : des saltimbanques.
Ne sous-estimons pas les Français ; personne n’est dupe SAUF peut-être Bigard lui-même & consorts et une poignée d’abrutis.
Devant l’urne c’est sérieux et même grave ; on ne rigole plus.
Coluche, en son temps, plus intelligent et plus fins que Bigard, prétendait être candidat à la présidence comme il prétendait se marier avec Thierry Le Luron ; c’était une blague, on a bien ri, et ensuite la « vraie » politique a retrouvé sa place.
Pierre Saba a certes raison de dénoncer le discours de Bigard et de ses semblables ; mais c’est inutile : débattre avec des Bigard c’est leur donner une importance qu’ils ne méritent pas.
En Italie Beppe Grillo et son mouvement Cinque Stelle a réussi à pourrir la démocratie . Beppe c’était moins bien que Bigard !
Bepe Grillo n’est peut-être pas un bon exemple, n’ayant jamais assumé une responsabilité élective (puisque jamais élu puisque jamais tenté, sauf erreur).
Il n’a finalement fait qu’haranguer les foules, ce qui n’est pas loin de son métier de base d’amuseur public.
Ce saltimbanque l’est resté ; dès qu’il y avait question d’exercer le pouvoir c’est d’autres, dont Luigi di Maio, qui sont montés au créneau.
Le tout sur fond d’instabilité politique italienne, de vacances du pouvoir après l’effritement de la Démocratie Chrétienne (l’éternel Andreotti), d’alliance contre-nature avec la droite « dure » (la Ligue du Nord) et des farces de Berlusconi (saltimbanque s’il en est…).
Pas certain que ce phénomène italien soit transposable en France.
MAIS vous auriez pu mentionner Volodymyr Zelensky, le président ukrainien (accessoirement Juif), ancien comédien des planches.
Et naturellement Ronald Reagan, ancien acteur hollywoodien.
Je dois en oublier.
Finalement pourquoi pas vu qu’un saltimbanque est citoyen comme un autre et peut briguer un mandat politique.
MAIS les conditions citées et les systèmes électoraux sont très différents de ce qu’on trouve en France.
Et Bigard n’est pas Reagan, euphémisme, comme démontre chacune de ses saillies récentes…
Oui, il pourrait se présenter au 1er tour de 2022. Je lui donne 0.45%….