Alors que s’ouvrait lundi 25 mai le « Ségur de la Santé », une concertation censée changer radicalement le système de soins, les doutes persistent chez les premiers concernés : les soignants.
Le gouvernement tente d’acheter le calme en promettant d’augmenter « significativement » tous les salaires des soignants… à la fin de la concertation. Pourquoi ne le fait-il pas tout de suite ? Pourquoi le montant de cette augmentation n’est pas annoncé d’entrée ? C’est la question que beaucoup de soignants se posent, habitués à des promesses non tenues depuis 20 ans, habitués à voir leurs pratiques saccagées.
Dans un communiqué publié lundi soir, le Collectif inter-hôpitaux (CIH) se fait l’écho de cette question et pose même comme condition pour continuer à participer au « Ségur » que l’augmentation des rémunérations soient posées au début de la concertation et non à la fin. Prêt à discuter, les soignants s’inquiètent en effet que cette annonce d’une augmentation ait été assortie d’une remise en question des 35 heures. Le Premier ministre Édouard Philippe a en effet dit qu’il n’y aurait pas de tabou sur la question du temps de travail. Voilà donc leur hôpital de « l’après » : pour gagner plus, il faudra travailler plus. Une véritable augmentation du salaire horaire ne semble pas à l’ordre du jour.
Et surtout, s’il promet de redonner un pouvoir de décision aux soignants, le gouvernement n’envisage pas de remettre en question le mode de « gouvernance », c’est-à-dire une direction purement gestionnaire, des budgets décidés au niveau des ARS, les agences régionales de santé. C’est cette instance qu’il faut remettre en question. Le gouvernement continue à penser que ça n’est pas le mode de « gouvernance » qui fait problème, mais le mode de management… ils vont nous expliquer la différence. C’est ce qu’Agnès Buzyn a répété pendant tout son mandat : si l’hôpital-entreprise ne marche pas encore très bien, c’est qu’il est encore mal managé.
Si la logique comptable continue de primer sur la logique des pratiques de soin, rien ne changera, on aura toujours un hôpital qui n’est pas rentable selon les gestionnaires, et qui n’est pas efficace selon les soignants.
Alors le CIH fait des propositions, à partir de l’expérience du terrain : il faut une triple direction pour l’hôpital : administratifs, soignants, et représentants des usagers (qui sont encore le plus souvent oubliés).
On est à peine sortis de la crise, que les directions des hôpitaux reprennent déjà les réflexes d’avant : ils recommencent à compter le nombre des lits, et à programmer leur fermeture. C’est pourquoi le CIH demande également que soit annoncé tout de suite un moratoire sur la fermeture des lits.
Les ARS ne détruisent pas seulement l’hôpital public, mais aussi tout le secteur médico-social, comme par exemple les centres médico-psychopédagogiques (CMPP), qui reçoivent les enfants qui ont un besoin urgent d’être écoutés. La demande a beaucoup augmenté pendant le confinement, les gamins ne supportent plus de passer la journée avec leurs parents, il n’y en a que très peu qui ont pu reprendre l’école, à court terme c’est une montée en flèche des demandes de tous ordres pour les enfants comme pour les adolescents, mais les ARS continuent de fermer des CMPP, comme en ce moment-même en Nouvelle Aquitaine, ou comme à Pantin, où le CMPP est menacé de disparaître.
À l’instar du Collectif Inter-hôpitaux, les soignants des CMPP, mobilisés depuis des mois, continuerons à suivre, au jour le jour les discussions dans le cadre de ce Ségur et à demander un moratoire sur toute fermeture de lit, de service, et d’établissement médico-social. Le député Brahim Hammouche vient de poser une question écrite au ministre de la Santé sur la situation critique des CMPP, ils attendent avec hâte la réponse.
Source: Charlie Hebdo. 26 mai 2020.
Poster un Commentaire